Ashes | PEAKY BLINDERS

XIII. Le Suiveur

R.L.

La rue était plutôt animée. Sans savoir où elle allait vraiment, Rose marcha sur le pavé froid. Elle avança calmement, se méfiant des silhouettes vacillantes ou trop agitées. Étonnamment, personne ne vint l'importuner. Elle continua son escapade au cœur de la capitale d'un bon pas, quand un grondement se fit entendre. L'orage. Elle leva vivement la tête. Le ciel sombre était lourd de nombreux nuages, et Rose commençait déjà à sentir les premières effluves de la pluie. Elle allait tomber d'une minute à l'autre. Son instinct ne la trahissait jamais.

Cinq minutes plus tard, il pleuvait sur les toits de Londres. Ce n'étaient pas de grosses gouttes mais rapidement, Rose fut mouillée de la tête aux pieds. Cherchant un abri, elle se réfugia sous le porche le plus proche qu'elle put trouver. Elle se trouvait sous la devanture d'un magasin de souliers et sans savoir pourquoi, Rose fut inspirée par la pluie tombant sur le pavé et la nuit. Elle se mit à chanter, d'une voix claire et aiguë. Une vieille comptine que sa mère chantait autrefois. Bercée par les mots et le clapotis de l'eau sur la chaussée, elle ferma les yeux tout en poursuivant sa chanson. Elle se sentait bien, à cet instants précis, à chanter en pleine nuit, loin de tous les regards. Loin de tout.

Mais un bruit la fit sursauter. Des pas qui se rapprochaient d'elle. Rose ouvrit les paupières et cessa de chanter. Elle ne voyait rien d'anormal. Seules quelques voitures passaient par là. Rien d'autre. Pourtant, elle les entendait toujours. Ces pas. Peu rassurée, elle décida de regagner le magasin. Pour être en sécurité. Se moquant éperdument d'être trempée, elle se précipita dans les ruelles, la peur au ventre, le cœur battant. Les bruits de pas la suivaient. Elle se mit à courir, paniquée. Arrivée à un vaste carrefour, Rose se rendit compte qu'elle était perdue. Complètement perdue. Elle eut la violente et brusque envie de fondre en larmes. Toutefois, cela lui était inconcevable. Elle était suivie. Il fallait qu'elle semât son suiveur à tout prix. Qu'elle sauvât sa peau.

Le rideau de pluie réduisait sa vision, elle ne savait pas comment retrouver le chemin de la boutique. Elle était égarée. Et seule. Même si les pas étaient toujours là, quelque part. Elle les entendait distinctement, bien qu'il lui fût impossible de reconnaître leur propriétaire. Rose avait perdu son sang froid, et elle était sur le point de courir à toute vitesse lorsqu'une Bentley absolument énorme arriva en trombe à ses côtés, manquant de l'écraser. Rose eut à peine le temps de pousser un cri qu'une voix qu'elle ne connaissait pas lui dit :

- Montez ! Vite !

Sans réfléchir, manquant clairement de prudence et de raison, Rose se précipita à l'intérieur, éclaboussant le conducteur et le cuir lisse de la banquette du véhicule. Frigorifiée, elle se tourna vers la personne qui l'avait secourue. C'était un homme assez maigre aux traits creusés, doté d'une moustache fournie et bien entretenue.

- Qui êtes-vous ? demanda-t-elle aussitôt alors que l'automobile était repartie elle ne savait où.

- Arthur, répondit simplement son interlocuteur, concentré sur la route.

Il sentait le tabac et le gin. Rose douta de sa sobriété mais au vu de sa conduite prudente, ce fameux Arthur ne devait pas être trop mal en point. Elle se réchauffa en se frottant les bras et les jambes ; hors de question de tomber malade. Elle regarda le paysage urbain défiler sous ses yeux. Les lumières de la ville étaient tels des flambeaux d'espoir dans le velours sombre de cette soirée orageuse. Elle n'arrivait pas à se calmer. Bien que cet homme l'eût sauvée d'un potentiel danger, elle ne savait pas du tout ce qui allait lui arriver et elle lui demanda :

- Comment... ? Pourquoi m'avez-vous... ?

Elle ne parvenait pas à formuler sa question entièrement. Ses mots se perdaient dans sa tête. Elle était encore en état d'anxiété intense.