XI. Le Dîner

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T.S.

Il marchait au bord du traditionnel quai. Les brumes du matin lui donnaient un charme sans égal. Malgré les odeurs pestilentielles et les nombreux détritus au sol, le quai lui plaisait indubitablement. Curly et son compatriote de toujours étaient fidèles au poste, comme chaque matin. Thomas s'était vraiment attaché à eux. Depuis toutes ces années, après les maintes galères qu'ils avaient subies et traversées ensemble, ils étaient toujours là. Il pouvait affirmer alors, sans se tromper, qu'ils étaient devenus amis. Dans le meilleur comme dans le pire des situations possibles, ils se serraient les coudes et ils trouvaient toujours une solution à leurs problèmes. Ou presque.

Il rejoignit les deux gaillards alors que le soleil se levait lentement sur Birmingham. Son éternelle cigarette coincée entre les lèvres, il parlait affaires avec les deux autres. La cargaison n'allait pas tarder à arriver et cela faisait déjà la seconde fois qu'il consultait sa montre à gousset étincelante.

Ils avaient du retard. Cela ne présageait rien de bon. Même si Arthur et Finn étaient sur le coup, il restait soucieux. Il n'était pas le seul, à en juger par les mines sombres de ses acolytes. Ils mâchouillaient tous deux un brin de paille avec nervosité. Il tira un peu plus sur sa cigarette. La fumée lui incendia agréablement les poumons. Il se délecta de l'une de ses drogues quotidiennes en fermant les yeux. Elle apparut. Si petite et si fragile dans l'obscurité de cette soirée glaciale. Ce fameux soir. Ce fameux discours. Cette fameuse réception. Où leurs chemins s'étaient à nouveau croisés. Telle une destinée incontrôlable. Contre laquelle aucun des deux ne pouvait lutter.

Il rouvrit les yeux. Charlie Strong l'avait hélé. Le bateau venait d'arriver. Il fit un signe de tête directif en écrasant sa cigarette du talon, après avoir chassé de son esprit une ultime image. Un visage fin aux yeux en amande.

R.L.

Les ventes allaient bon train, en cette après-midi ensoleillée. Brûlant sous l'immense verrière de la boutique, Rose essuyait discrètement les gouttes de sueur qui perlaient à son front. Il faisait une chaleur de plomb dans le magasin, si suffocante que sa belle toilette de soie noire lui collait à la peau. Cela était singulièrement désagréable mais elle ne pouvait rien y faire. Les clientes affluaient par dizaines et Rose ne savait plus où donner de la tête qui, elle, lui tournait un peu. Elle avait encore une bonne heure à tenir. Brièvement, elle parcourut les lieux de son regard épuisé et remarqua que ses collègues étaient dans le même état qu'elle, en nage.

Elle salua chaleureusement une cliente, puis en accueillit une autre avec les rares forces qui lui restaient. Courage, ma Rosie, tout est bientôt terminé ! Tiens bon !

*

Dans le vaste salon de la demeure de son père, Rose sirotait une citronnade bien fraîche. Malgré la période de l'année, il faisait chaud, ce jour-là. Cependant, la jeune femme était persuadée que dès le lendemain, les températures chuteraient d'une manière spectaculaire. Cela était à rien n'y comprendre !

Son père n'était pas encore rentré, ce qui n'avait rien d'étonnant. Ces derniers temps, il revenait tard et Rose le soupçonnait de se lancer dans une étroite collaboration avec... lui. Depuis cette fameuse soirée, soit deux semaines plus tôt, Rose n'avait pas recroisé la route du chef des Peaky Blinders. Elle n'avait nullement cherché à le faire et lui non plus, sans doute trop occupé avec ses innombrables contrats.

Rose savait qu'elle avait commis une erreur. Pourtant, elle s'était personnellement jurée de ne jamais, ô grand jamais, tomber dans son dangereux piège. Heureusement – ou malheureusement d'ailleurs – Moray était apparu à ce moment précis où... tous deux...

Ashes | PEAKY BLINDERSOù les histoires vivent. Découvrez maintenant