T.S.
Il allait arriver d'une minute à l'autre. Thomas s'était préparé depuis quelques jours. Il savait parfaitement ce qu'il devait faire, même s'il aurait préféré éviter. Ôter la vie d'un homme. Encore une. Il ne confiait pas toujours le sale boulot à ses hommes de main, contrairement à ce qu'ils pensaient.
Les cabinets étaient vides. Ou presque. Il savait qu'il était là. Comme le plan parfait qu'ils avaient réussi à mettre en place. Cette fois, il ne se ferait pas avoir. Il avait déjà fait des erreurs. Tellement. Et une fois, tout avait capoté. Il avait failli mourir. Sous les coups. Sous le choc. Commotion, hémorragie interne. Il avait véritablement frôlé la mort. De si près. Depuis, certaines peurs lui restaient. Tel un vautour planant au-dessus de sa proie.
Un bruit de chasse d'eau retentit. Avec un écho bien distinct. Il allait sortir. Ce n'était plus que l'affaire de quelques secondes. Voire de micro-secondes. La porte s'ouvrit et tout s'enchaîna très vite. Il pointa son arme sur lui, fit un pas en avant, appuya sur la détente, la peur se lut dans les yeux de l'homme, la balle partit directement entre ses deux yeux, le sang gicla un peu partout – y compris sur son traditionnel complet parfaitement repassé. Le corps tomba en arrière, atterrissant lourdement sur le carrelage blanc désormais maculé de sang rouge foncé, quasi noir.
Ses acolytes arrivèrent derrière lui. Il n'eut qu'un signe de tête à faire pour leur donner l'ordre de se débarrasser du corps puis il sortit en essuyant la sueur sur son visage, toujours son arme à la main.
Dehors, il pleuvait des cordes. L'eau nettoya des restes de sang qui avait giclé sur lui. Bizarrement, être trempé lui fit du bien. Il s'arrêta de marcher, leva légèrement la tête vers le ciel et ferma les yeux. La pluie était sa pénitence. Les cieux étaient témoins de son pêché.
Lorsqu'il rouvrit les yeux, Thomas crut à une erreur. Mais, au bout de la rue dans laquelle il se trouvait, une silhouette s'était arrêtée dans sa direction. Celle d'un homme plutôt petit, avec un parapluie sombre et sans aucun doute provenant de son immense boutique.
John Moray.
Ils échangèrent un bref regard puis le commercial s'en alla, laissant le bandit sous l'eau. Sous un énième poids. Une fois de plus.
*
La course était sur le point de débuter. Comme il le faisait souvent, avant, lorsque ses affaires étaient liées à des personnalités moins... importantes, il profitait d'un verre de whisky dans le lounge réservé aux privilégiés. Bien qu'il fût seul au comptoir, ses fidèles compagnons n'étaient pas loin. Ils n'étaient tout de même pas ses gardes du corps, mais il ne restait plus jamais seul, ou très rarement. Car leurs ennemis étaient partout. Le danger aussi.
On lui servit un autre verre, à sa demande. Il s'en saisit et se tourna vers les gens présents. C'était une magnifique journée ensoleillée ; l'hélianthe doré illuminait chaque recoin de cet espace luxueux, charmant et particulièrement animé. L'adrénaline avant le départ de la course. Classique. Il était habitué.
Son regard perçant scruta les visages, un à un. Aujourd'hui, ils n'avaient aucune mission si ce ne fût que d'assister aux jeux et de contrôler que tout se déroulait comme prévu, sans encombre. Ce jour-là, il y avait un peu plus de femmes qu'à l'ordinaire. Le beau temps, sans doute.
Thomas les observa sans gêne. Certaines dames remarquèrent ses coups d'œil mais il ne chercha aucune d'entre elles. Parce qu'il pensait toujours à elle. Qui était partie au Paradis. Loin, loin. À l'attendre. Jamais il ne pourrait la retrouver, jamais. Il irait en Enfer, il le savait au plus profond de lui-même. Aucune chance que la Lumière l'attendît à la fin de son existence. Seules les Ténèbres pouvaient l'accueillir. Et le faire disparaître du monde.
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Ashes | PEAKY BLINDERS
RomanceLondres, 1929. Laissant un sombre et douloureux passé derrière elle, Rose Lavoisier vient s'installer au cœur de la capitale britannique aux côtés de son père. Elle trouve un emploi de vendeuse dans la prestigieuse et célèbre boutique de John Moray...