R. L.
Une heure plus tôt.
Rose ferma les yeux. Depuis qu'elle était montée dans cette voiture, c'était l'Enfer. Elle retenait sa respiration. Terrible retour en arrière. Dans le passé. Quand Adam faisait d'elle un être sans importance. Sa chose.
Jetée à l'arrière du véhicule, elle était totalement démunie. Nichols lui avait arraché son sac. Et son arme.
Il était terrifiant. Imprévisible, odieux, sadique. Il était pire que lui.
La tête en sang, Rose était allongée sur la banquette arrière, la bouche ouverte. Elle souffrait le martyre. Tout était démultiplié – son chagrin, ses peurs, sa douleur.
Son cœur était meurtri. Il était parti avec Albert, à tout jamais dans les Ténèbres. Dans la Mort. Rose avait perdu la raison. Tout n'était plus que folie.
Maintenant que son père n'était plus de ce monde, Rose n'avait plus aucune raison d'être – d'exister. Il était son unique pilier, mais il s'était effondré, disparu dans le sang et la poussière. Pour ne plus jamais revenir.
Elle était perdue. Sans repère. Au milieu de l'océan infini de sa triste vie. Pas de barque, pas de phare, pas même le soleil. Rien. Elle n'était qu'une épave. Abandonnée de tous.
La conduite de Nichols la rendait malade. Il fonçait, sans jamais freiner. Rose n'entendait plus grand chose. À part son souffle saccadé et le bourdonnement lancinant dans ses oreilles, le reste n'existait plus.
La vue brouillée par le sang et les larmes, Rose n'avait pas la force de faire le moindre mouvement, le moindre geste. Ni pour se défendre ni pour s'enfuir.
Nichols avait gagné. Et ce n'était que le début. Rose était entre ses griffes. Elle ne pouvait lui échapper. Elle était sans défense, vaincue et soumise. Elle était à nouveau derrière les barreaux. Dans une geôle de ferraille, aux prises d'un être fou. Un Diable sans corne, un Diable sans âme.
Soudain, la voiture freina. Très brutalement. Rose n'eut aucun doute. Ils étaient arrivés. Le pire était à venir.
À bout de tout, Rose referma les paupières. Le noir complet.
Au milieu des ombres, un rai de lumière. Salvateur.
Thomas Shelby.
*
John Moray était pâle comme la mort. Le pistolet de Nichols pointé sur lui l'horrifiait. Il n'avait jamais été menacé de la sorte.
À l'arrière, Rose attendait. Plaquée contre le mur du bureau qu'elle connaissait si bien. Il lui était impossible de s'y sentir à son aise. Le Mal y était entré, et il n'était pas prêt à en sortir. Il y laisserait des traces. Des traces de mort.
- Attendons notre cher Thomas, déclara Nichols d'un voix doucereuse.
Rose eut un haut-le-cœur. Tout allait de mal en pis. Si le chef des Peaky Blinders venait, il perdrait la vie. Rose ne voulait plus de morts. Le cadavre de son père avait suffi à l'anéantir. Ce corps qu'elle ne reverrait plus jamais. Ce visage qu'elle aimait tant. Cette figure rassurante, qui l'avait tant soutenue. Tant sauvée.
Son patron n'osait même pas la regarder. Le bas du dos appuyé contre son bureau, il fixait Nichols de ses yeux révulsés. Rose était une spectatrice de l'horreur. Elle ne pouvait pas être une aide. Plus maintenant.
Un vacarme se fit entendre, au rez-de-chaussée. Le visage de Nichols se fendit en un sourire. Il savourait sa victoire.
- C'est sûrement lui.
VOUS LISEZ
Ashes | PEAKY BLINDERS
RomanceLondres, 1929. Laissant un sombre et douloureux passé derrière elle, Rose Lavoisier vient s'installer au cœur de la capitale britannique aux côtés de son père. Elle trouve un emploi de vendeuse dans la prestigieuse et célèbre boutique de John Moray...