Ashes | PEAKY BLINDERS

Épilogue

La grande demeure était plongée dans le silence. Dehors, les premiers oiseaux chantaient et le ciel était teinté de couleurs pastel – rose, orange et jaune. Le jour se levait. Une légère brise soufflait, agitant les feuillages et les herbes folles des champs alentour.

Derrière la bâtisse, une croix en pierre se dressait discrètement dans la terre. Quelques pétales blancs, fanés et fripés, résidaient au pied de la tombe, elle-même recouverte d'une légère mousse verte. Le temps était passé par là. Et dans un champ, un peu plus loin, le sol avait été labouré, sans la moindre trace d'une ancienne menace.

Tout était calme, à cette heure avancée de la matinée. Tout le monde dormait, dans la résidence de Thomas Shelby.

Sauf elle.

Rose Lavoisier était déjà réveillée. Ce jour-là, cela faisait pile un an qu'elle avait dîné à La Vie en rose, avec l'homme qu'elle aimait. Ils y avaient croisé un couple atypique, Alfie Solomons et Dorothy Dahlbeck, qui était devenue son amie la plus chère. Après ce fameux dîner, Rose avait avait accepté de suivre Thomas Shelby dans sa vie. Pour ne plus jamais le quitter.

Elle n'oublierait jamais ce soir-là. Pour la première fois, il lui avait ouvert son cœur. Il lui avait déclaré qu'il l'aimait. À cet instant-là, elle avait eu l'impression de renaître au milieu de cette nuit étoilée.

Un nouvel astre dans l'immensité du monde.

Les cheveux noués en une tresse française, Rose savourait la fraîcheur du matin sur son visage découvert. Quelques mèches rebelles volaient autour de sa tête. Toute de blanc vêtue, elle s'était assise à l'entrée du porche donnant sur la cour, en face de la petite fontaine en marbre blanc. L'homme inanimé et nu portait un plateau circulaire sur sa tête d'où, l'été, l'eau jaillissait et se déversait sur lui telle une douce pluie printanière. Rose contemplait la sculpture, son esprit vagabondant d'une idée à l'autre, d'un souvenir à l'autre.

Un an auparavant, jamais elle n'aurait cru possible qu'elle pût habiter dans ces magnifiques lieux. Et pourtant, c'était le cas depuis plusieurs mois. Elle avait accepté de vivre sous le même toit qu'une âme brisée, un homme détruit par la guerre, un homme devenu influent par le pouvoir et l'ambition.

Thomas.

Sa résidence était à son image : imposante et grandiose, mais également obscure. Il y avait certaines pièces où Rose n'avait jamais mis les pieds, parce qu'elle n'avait pas osé. Tout comme elle n'osait pas encore aborder certains sujets avec Thomas, chef du gang le plus puissant du pays, politicien et homme d'affaires redoutable. Il avait sa part d'ombre, et elle aussi.

Chaque jour, depuis qu'elle avait posé ses bagages à Warwickshire, Rose et Thomas se découvraient, peu à peu. Elle se rendait compte à quel point il était borné et irascible, et lui réalisait que sa compagne pouvait se transformer en un véritable dragon autoritaire et implacable. Tous deux avaient des comportements semblables, parfois.

Et puis, Rose avait découvert et découvrait ce qu'était l'amour, aux côtés de Thomas. Un petit-déjeuner au lit par un dimanche ensoleillé, avec une fleur rouge sur un plateau d'argent ; une promenade à cheval en milieu d'après-midi, aux côtés de l'adorable petit Charlie ; une longue, longue discussion au coin du feu, lovés sous un plaid doux et une tasse de thé fumant à la main ; une dispute dans le bureau du maître de maison, une porte qui claque, un temps mort puis, une étreinte près de la fenêtre, dans le silence ; une nuit sans sommeil à discuter et à rire de tout et de rien ; des pluies de baisers après le travail, le retour attendu de l'autre dans le salon ; l'inquiétude voire la jalousie d'une soirée en solitaire, passée dans l'attente de l'autre ; un gala de bienfaisance à sourire et être courtois, au bras de l'autre ; cuisiner des pancakes pour Charlie et les invités du jour ; faire le lit à deux un samedi matin, avant de partir travailler à la ville ; discuter et partager avec la belle-famille dans la salle à manger.