XXIII. La Proposition

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R. L.

Rose demeurait silencieuse. À côté d'elle, John lui faisait la conversation mais elle l'écoutait à peine. Elle était davantage concentrée sur le paysage plongé dans la nuit qui défilait derrière la vitre de la voiture.

Ils avaient dîné chez Walter's, comme il l'avait souhaité. Durant tout le repas, la française n'avait décroché que quelques mots ; déjà parce qu'elle ne s'était guère sentie à son aise en tête-à-tête avec son patron et surtout, Thomas Shelby la hantait. Leur brève conversation aux toilettes des dames l'avait retournée. Elle s'était excusée, il l'avait tutoyée pour la première fois et enfin, il lui avait promis de la protéger de Nichols. Rose ne s'en remettait toujours pas. Cet homme si libre, qui paraissait n'avoir aucune attache, se souciait véritablement d'elle. Même si, depuis des semaines, des hommes à lui la surveillaient, Rose avait compris qu'ils avaient passé un cap, tous les deux.

Le véhicule s'arrêta. Ils étaient arrivés. Rose redoutait les minutes qui l'attendaient. Pour assurer ses arrières, elle se redressa et dit :

- Merci beaucoup pour le dîner, monsieur Moray.

Elle ouvrit la portière, sans attendre qu'il le fît. Rose voulait quitter l'habitacle au plus vite car elle n'avait nullement oublié ce qui s'était produit, quelques heures plus tôt. Son chef avait été bien trop entreprenant, encore plus que d'habitude. Rose l'avait repoussé sans peur, mais il avait tout de même réussi à la piéger. En l'invitant au restaurant. Elle n'osait penser au lendemain, où cet événement ferait sans doute le tour du magasin. Tout le monde ne parlerait que de ça. De leur soirée. D'eux.

John n'avait pas bougé, ses yeux couleur vieil or posés sur elle. Rose n'en fut nullement déstabilisée et descendit, le remerciant une seconde fois. Elle était libre.

- Rose ?

Bon sang. N'allait-il donc jamais la laisser en paix ? Toute les femmes étaient à ses pieds – sauf elle, bien sûr. Il n'avait qu'à tendre la main et il devenait leur roi à toutes. Leur Dieu. Pourquoi s'acharnait-il avec elle ?

Elle se pencha vers lui, s'appuyant sur la carrosserie de l'automobile. Il s'était rapproché, à son plus grand étonnement. Rose fit attention de préserver une certaine distance entre eux, laissant la brise nocturne lui chatouiller le cou et les joues.

- Oui, monsieur ? l'interrogea-t-elle avec courtoisie.

Son cœur s'emballa. Que désirait-il lui dire ? Elle craignait qu'il...

- Pourquoi ne m'avez-vous pas répondu, tout à l'heure ?

Bien sûr, il évoquait Thomas. Sans l'ombre d'un doute.

- À propos de Monsieur Shelby ? lança Rose, soudainement très confiante.

Moray fut surpris par sa question si directe, sans le moindre détour. Rose était fière d'elle. Si sa franchise originelle était de retour, elle redevenait elle-même peu à peu.

John hocha la tête en guise de réponse, ses prunelles perçantes rivées sur elle. Rose tint bon. Elle sentait que c'était le moment idéal pour mettre les choses au clair. Entre son chef et elle, à propos de lui.

- Ce ne sont pas vos affaires, monsieur. Ma vie privée ne regarde que moi, et je vous saurais gré de ne plus essayer de vous en mêler. Bonne soirée, monsieur Moray, conclut-elle en fermant la portière.

Rose avait chaud, le cœur battant et l'adrénaline pulsant dans ses veines. Elle avait peur de ce qu'elle venait de faire. Elle ne réalisait pas qu'elle avait réussi à répondre à son supérieur de la sorte. Peut-être aurait-elle des ennuis par la suite mais pour le moment, seul le besoin de retrouver son foyer comptait.

Ashes | PEAKY BLINDERSOù les histoires vivent. Découvrez maintenant