XIX. La Surprise

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R.L.

Au cœur du grand réfectoire, bruyant et peu éclairé, Rose mangeait son potage froid et son pain quelque peu rassis, sans se plaindre. Arrivée dans les derniers, elle avait écopé des restes – ce dont personne ne voulait vraiment.

En ce début d'après-midi, il n'y avait presque personne pour le déjeuner. Toutes et tous avaient déjà avalé leur café ou leur verre de vin rouge avant la reprise. Rose était souvent seule pour manger, car jamais elle ne partait avec une tâche en cours et ne se préoccupait guère de l'heure exacte. Seules comptaient ses missions, le reste était dérisoire, d'autant plus qu'elle ne supportait plus d'entendre les ragots sur elle, ces derniers temps. Entre ses collègues qui la traitaient de « petite bourgeoise » et de « nouvelle conquête du patron », ainsi que les jalousies qui ne cessaient de croître, Rose en avait assez. Elle était bien trop épuisée pour supporter ces méchancetés immatures de bas étage.

Son repas terminé, elle remonta au magasin en pensant, une fois de plus, à sa rencontre avec le mystérieux Charles Nichols. Elle était méfiante et ignorait pourquoi son instinct ne l'invitait pas à faire confiance à cet homme au regard perçant. Quelque chose la dérangeait, chez lui.

Quand elle arriva à l'étage des confections, des rumeurs et une excitation se faisaient entendre. Étonnée, Rose manqua de renverser un mannequin en bois qui se trouvait sur son chemin. Ils étaient là. Les Peaky Blinders. C'était eux et seulement eux qui provoquaient cette agitation. Il y avait Thomas, avec deux de ses acolytes, dont le fameux Arthur qu'elle reconnut aussitôt grâce à sa moustache fournie et identifiable entre mille.

Une vague d'angoisse monta en elle, mais elle tint bon et se rendit vers son rayon, faisant mine de n'avoir rien remarqué. Elle était du côté des femmes, tandis qu'eux étaient de l'autre côté. Celui des hommes, loin d'elle.

Fébrile, Rose se remit au pliage des vêtements dans l'attente de nouveaux clients. Elle entendait qu'il y avait des chuchotements, là-bas. Rien d'étonnant. Un tel gang au sein de ce magasin ne pouvait que faire parler de lui. Ils étaient bien trop influents, bien trop... puissants.

- Rose ?

La concernée releva immédiatement la tête. Miss Audrey lui faisait face, vêtue de sa traditionnelle robe en soie.

- Oui, madame ?

Rose redoutait ce qu'elle allait lui dire. Si jamais...

- On a besoin de vous, de l'autre côté.

En plein dans le mille. La française faillit échapper le jupon à dentelle qu'elle était en train de plier. Cela n'en finissait donc jamais.

- Allez, dépêchez-vous ! lui ordonna la première vendeuse d'un ton autoritaire.

Sans la moindre protestation, Rose se dépêcha de rejoindre la partie du magasin où elle était attendue. Pour la deuxième fois de la journée, elle crut qu'elle allait s'étaler de tout son long. Devant lui, John s'affairait à présenter les dernières nouveautés. Qui l'avait donc fait appeler ? Moray ou... ?

- Rose, vous voilà ! s'exclama son chef d'un ton jovial.

Elle eut sa réponse. C'était lui, sans aucun doute. Son intuition se confirma lorsqu'elle vit enfin son visage. Thomas Shelby avait l'air surpris. Il ne s'attendait pas à elle.

Rose fit abstraction de tout ce qui la tracassait et s'efforça d'être la plus professionnelle possible. Elle avait été réquisitionnée pour cela, avant tout.

Ashes | PEAKY BLINDERSOù les histoires vivent. Découvrez maintenant