XXXX. Les Adieux

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R. L.

Main dans la main, ils marchaient dans le parc de l'immense manoir. Sans un mot. Rose ignorait où Thomas l'emmenait. Il ne lui avait rien dit, depuis son entrée dans la salle à manger. Il lui avait seulement tendu la main. Gênée par le regard de Polly, Rose s'était tout de même levée de sa chaise et l'avait rejoint. Liant ses doigts aux siens.

À présent, ils avançaient sur un chemin bordé de bosquets et de grands arbres, majestueux. Au-dessus d'eux, le ciel était gris, lourd de nuages, annonciateurs de pluie.

Une légère brise faisait voler la chevelure brune de Rose, relâchée sur ses épaules, et sa robe noire, longue et fluide, qui soulignait sa mince silhouette. Thomas avait revêtu un costume, parfaitement repassé. Il portait du noir, lui aussi. Tel un jour de deuil.

Au bout du chemin, il s'arrêta devant un parterre de fleurs blanches, des asters au centre jaune. Une forte odeur de terreau chatouilla les narines de Rose. Le jardinier avait dû passer par là peu de temps avant leur arrivée.

Rose avait également suivi son mouvement, juste à côté de lui. Leurs mains étaient toujours entrelacées. Elle ne comprenait pas ce qu'ils faisaient là. Alors, elle se tourna vers Thomas. Il scrutait un point fixe. Elle suivit son regard.

Et elle la vit.

Une petite croix en pierre, plantée dans le sol. Sa vue se brouilla. D'un coup. Sa lèvre trembla. De grosse larmes roulèrent sur ses joues.

Albert était là. Devant eux, enterré. Mort.

Elle se blottit contre le torse de Thomas, anéantie et profondément touchée. Il avait fait ramener le corps de son père. Pour elle. La chemise de Thomas était trempée par ses larmes et son chagrin. Il la serra contre lui, et posa son menton sur le haut de son crâne.

- Merci.

Elle n'était même pas sûre qu'il l'avait entendue, tant sa voix était faible. Rose n'arrivait pas à détacher son regard de la croix. Simple mais ouvragée sur les bords, elle se dressait fièrement dans le massif fleuri. Telle une flèche au milieu d'un champ moucheté de neige. À l'image de son père. Invincible, et noble.

Doucement, elle se détacha de Thomas et s'approcha de la sépulture. Pas à pas. Comme si elle avait peur de le réveiller. Mais Papa Albert n'était plus de ce monde. Il était sous terre. En paix.

Il était décédé.

Plus jamais elle ne pourrait se reposer sur son épaule. Plus jamais.

Rose s'agenouilla devant la tombe de son père, les yeux rougis.

Son cœur saignait. Son cœur pleurait. Son cœur mourait.

Elle s'essuya maladroitement le visage, trempé de ses larmes. Machinalement, elle cueillit une fleur et la posa au pied de la croix. Elle inspira longuement, bouleversée, lorsqu'elle remarqua deux petites lettres, gravées dans la pierre. A. L. D'une écriture calligraphiée, cette inscription se grava en elle. À jamais.

Albert Lavoisier était devant elle. Tout de pierre et de terre, tout de sang et de cendres.

Hésitante, elle avança une main tremblante vers la croix. Ses doigts effleurèrent la roche glacée. Une nouvelle vague de larmes lui troubla la vue. Rose se décida à fermer les yeux. Quelques secondes dans le noir. S'échapper un instant de la réalité.

Puis, elle rouvrit les paupières. La brise soufflait toujours, autour d'elle, et les arbres craquaient. L'odeur de la terre n'avait pas disparu. Derrière elle, Thomas n'avait pas bougé. Elle le sentait. Et surtout, la tombe était toujours là. Elle ne rêvait pas. Papa Albert était enterré dans le parc de Thomas Shelby.

Ashes | PEAKY BLINDERSOù les histoires vivent. Découvrez maintenant