VIII. L'Essayage

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R.L.

À l'intérieur de la voiture ornée des initiales de la maison, Rose était à son aise. Malgré son humble et respectable emploi, elle était habituée aux véhicules spacieux et luxueux. Elle était issue d'une grande lignée de nobles et bien que son père voulût la placer dans l'une des banques de la ville, elle avait décidé de se débrouiller par ses propres moyens en valorisant ses talents certains dans le commerce.

Le trajet ne fut pas très long. Bientôt, le véhicule s'arrêta dans une rue animée, devant plusieurs maisons mitoyennes. Le cocher lui indiqua l'adresse exacte et lui annonça où il allait se garer. Rose acquiesça puis se rendit devant la bâtisse fraîchement repeinte. La porte était vernie et un joli heurtoir y était installé. Elle s'en saisit et frappa deux coups.

Quelques secondes plus tard, on lui ouvrit. Rose se retrouva face à une femme qui devait avoir à peu près son âge. Elle portait des châles colorés sur les épaules. Instinctivement, Rose pressentit que le paquet de vêtements qu'elle avait apporté ne lui était pas destiné.

- Bonjour. Vous êtes.... ? lui demanda son interlocutrice en s'avançant sur le seuil.

- Rose Lavoisier. Vendeuse chez...

- Ah, oui-oui. Entrez, la coupa-t-elle sans méchanceté, comme si elle savait déjà qu'elle devait venir.

Rose la suivit dans le logement. Ce n'était pas une maison ordinaire. Ou plutôt, c'était une grande et noble demeure, réaménagée en de divers espaces, dont elle ne parvenait pas à reconnaître la fonction. Son hôtesse l'entraîna au fond, tout au bout des locaux, dans un salon joliment décoré. Le thé venait même d'être tout juste servi. Une personne lui tournait le dos. Rose comprit tout de suite qu'elle était sa cliente. L'autre femme s'effaça derrière Rose, refermant la porte pour les laisser tranquilles. L'inconnue se retourna. C'était une dame d'une cinquantaine d'années à la chevelure bouclée, aux traits durs mais son rouge à lèvres et sa tenue raffinée venaient adoucir un peu son portrait.

- Bonjour, madame. Je suis Rose Lavoisier, se présenta poliment le française.

- Bonjour, je vous remercie d'être venue aussi vite, lui répondit-elle en la saluant d'un bref signe de tête.

Elle ne donna pas son nom, sans doute parce qu'elle pensait que Rose la connaissait. Mais ce n'était pas le cas. Elle savait juste qu'elle était de sa famille. Sans plus de cérémonie, les essayages commencèrent. Rose ne put s'empêcher de remarquer le visage marqué par la cigarette et la boisson de la maîtresse des lieux, ainsi qu'un corps victime de problèmes liés à la nourriture, mais elle fit comme s'il n'en était rien et s'appliqua à faire son travail. Cependant, une question la hantait depuis qu'elle avait lu son nom sur le bon de commande. Les mots sortirent de sa bouche sans qu'elle pût y faire quoi que ce fût :

- Excusez-moi, mais pourquoi avez-vous demandé à ce que ce soit moi qui vienne ici ?

Rose sentit immédiatement qu'elle avait visé en plein dans le mille, vu la mine qu'afficha sa cliente.

- On dit de vous que vous êtes la meilleure, répondit-elle.

Mensonge, songea Rose malgré elle. Sa curiosité prit une fois de plus le dessus sur sa raison.

- Oh, ce n'est pas vrai ! rit-elle presque, gênée par le compliment – même si cela n'en était pas un, ces mots la firent rougir.

Son hôtesse ne répondit pas et s'observa dans le grand miroir au cadre doré qui leur faisait face. La toilette était sublime. Rose ne put que constater qu'elle lui allait sincèrement à ravir.

Ashes | PEAKY BLINDERSOù les histoires vivent. Découvrez maintenant