T.S.
Il en était à son troisième verre. L'alcool commençait à faire effet, mais il avait encore quelques dossiers à traiter. Lizzie, sa secrétaire, venait de tout lui déposer, vêtue d'une robe trop grande pour elle. Alors qu'elle retournait à son bureau, il la regarda vaguement et se demanda ce qui avait bien pu lui passer par la tête pour l'inviter, certaines fois, à prendre un peu de bon temps avec lui. Le manque, sans doute – pas le désir. Cela, il en était persuadé.
Thomas écrasa sa cigarette puis enchaîna avec quelques coups de téléphone sommaires, imposant des requêtes et des missions à ses acolytes. Il lui fallait être efficace car, bientôt, il envisageait de se pencher sur l'affaire de John Moray. Il ignorait encore si cela était avantageux pour le commercial ou non. Il avait la fâcheuse tendance à croire que cette indécision venait de quelque chose de tout sauf professionnel. C'était à cause d'elle. Enfin, à cause n'était peut-être pas exact. C'était... elle qui le faisait hésiter. Il ne pouvait accepter cela, car il avait déjà fait cette erreur dans le passé.
Avec Grace.
Il l'avait mêlée à ses histoires, et cela l'avait conduite à la perte. Cela l'avait tuée. Il l'avait tuée.
Thomas soupira et songea à leur réception du lendemain. Encore un gala de charité. Tout le gratin serait là et pour une fois, il n'y aurait pas d'embrouille. Il en était convaincu. Il avait déjà tout réglé. Il ne voulait pas avoir à supporter des regards menaçants. Pas ce soir-là. Il désirait, enfin, un peu de paix. Même si cela était impossible, pour un homme tel que lui. Il irait seul, à cette soirée. Avec son cercle protégé, évidemment. Mais il ne serait pas accompagné d'une femme. Il n'avait demandé à personne. Bien qu'il eût reçu des invitations plus ou moins subtiles, une seule aurait peut-être pu lui faire changer d'avis. Cependant, jamais elle n'était arrivée. Il s'était alors simplement résigné à y aller avec lui-même, ce qui n'était pas forcément simple. Il se consacrait rarement à lui. Il osait à peine se regarder dans une glace, préférant se réfugier dans un bon verre de whisky.
Parfois, Thomas avait peur. Peur de lui-même.
R.L.
Rose pestait, intérieurement. Elle ignorait encore ce qui l'avait poussée à accepter d'accompagner son père à cette réception. Par amour, sans aucun doute. Mais elle regrettait depuis la seconde où ce mot, ce petit mot, avait franchi la barrière de ses lèvres pleines. « Oui. » Elle n'aurait jamais dû parce qu'à présent, elle était toute seule près d'un immense buffet. Son père avait disparu. Elle avait beau scruter de toutes parts, elle ne le voyait pas. Il était introuvable. Ne se sentant nullement à sa place, elle réajusta sa robe de soirée. Pauline l'avait aidée à la choisir et pour une fois, elles n'avaient pas joué aux vendeuses. Rose avait véritablement acheté une toilette. Comme par hasard, le turquoise et le satin n'avaient pas échappé au grand patron. Sans la moindre hésitation, il lui avait demandé pour quelle occasion elle porterait cette tenue. Elle avait décidé de lui dire la vérité, simplement.
Elle ne savait comment se comporter. La soirée n'avait pas véritablement commencé. Un discours était attendu. Rose le redoutait parce qu'elle savait pertinemment qui prendrait la parole, dans quelques instants. Elle n'était pas prête à le revoir, depuis qu'elle l'avait envoyé sur les roses. Sans aucune gêne. Sans aucune peur.
Ses yeux parcoururent l'assemblée. L'ambiance était bon enfant, tout en demeurant élégante et sérieuse. Cela donnait un mélange étrange, mais elle s'en accommodait bien volontiers. Alors qu'elle allait se pencher vers le buffet extrêmement généreux, elle manqua de s'étouffer. Devant elle, à quelques mètres, se trouvait Monsieur Moray. John. Entouré d'un groupe d'hommes importants – dont son père. Son rythme cardiaque se dérégla. Qu'allait-il advenir dans les prochains instants ? Tout s'embrouillait dans sa tête. Tout.
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Ashes | PEAKY BLINDERS
RomanceLondres, 1929. Laissant un sombre et douloureux passé derrière elle, Rose Lavoisier vient s'installer au cœur de la capitale britannique aux côtés de son père. Elle trouve un emploi de vendeuse dans la prestigieuse et célèbre boutique de John Moray...