XVIII. Nichols

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T.S

Confortablement installé dans le salon de sa tante, il attendait qu'elle lui servît un traditionnel verre de whisky. Toute de sombre vêtue, Polly s'appliquait à verser la boisson couleur vieil or dans de beaux verres en cristal. Une fois de plus, Thomas ne put s'empêcher de constater qu'elle n'était pas en bonne santé. Son visage était encore plus pâle que la dernière fois qu'il l'avait vue, ses traits étaient tirés et creusés comme jamais. Il avait presque l'impression que ses yeux étaient éteints. Elle allait mal, et le comportement de son fils n'arrangeait rien. De plus en plus investi dans les affaires familiales, Michael avait une place privilégiée auprès de Thomas et ne cessait de faire ses preuves jour après jour.

Polly lui donna sa collation d'une main tremblante, puis s'assit en face de lui dans un magnifique fauteuil aux pieds ouvragés.

- Qu'est-ce que tu veux ?

Il se pinça les lèvres. Elle n'avait même pas essayé d'être sympathique. De toute manière, cela faisait des mois que leur relation avait changé. Que tout était devenu... tendu.

- La fille de Lavoisier. Rose, lâcha-t-il, imperturbable.

Sa tante haussa les sourcils, étonnée. Elle alluma une longue cigarette et le scruta de ses prunelles brillantes, attendant la suite. Elle aussi savait économiser sa voix et se faire respecter. Thomas n'avait pas tout appris de nulle part.

- Elle va mal.

- Et alors ? rétorqua Polly, le regard tourné vers ses nombreux bibelots sans la moindre trace de poussière.

- Elle a vécu un traumatisme, avoua-t-il enfin en allumant une cigarette à son tour.

La mine apeurée de Rose surgit dans son esprit, mais il la chassa aussitôt avec une bouffée de fumée blanche.

- Un traumatisme ? répéta la femme aux cheveux foncés, désormais intriguée.

Il hocha la tête et but une longue goulée de scotch. Il posa son regard d'acier sur son interlocutrice. Elle semblait vraiment intéressée. Il ignorait pourquoi. De toute façon, il s'était engagé à aider le banquier, alors il demanda à Polly :

- Quand pourras-tu la recevoir ?

À sa grande surprise, elle eut un sourire. Qu'avait-il dit de particulier ?

- Attention, Thomas, lui dit-elle simplement avant de lui resservir un peu d'alcool.

Il ne releva pas. Personne ne devait savoir ce qui s'était passé entre eux. Cela ne regardait que lui. Et elle. Personne ne devait se douter de ses tracas. Personne.

Sans un mot de plus, il termina sa cigarette, ses yeux clairs se perdant dans les flammes de la somptueuse cheminée de la pièce.

R.L.

Ce jour-là, il pleuvait des cordes et un vent glacial s'abattait sur la capitale britannique. Presque logiquement, le grand magasin était bondé. Toutes les petites gens se réfugiaient au chaud, près des étals et des vendeurs plutôt que de finir trempées dans les rues.

Rose effectuait ses tâches avec le plus grand professionnalisme. Très droite et polie, elle s'occupait de chaque client, pleine d'attentions et de gentillesse. S'investir et s'impliquer totalement dans son travail lui permettaient de garder la tête hors de l'eau. De ne penser à rien.

Cela faisait déjà deux longues semaines qu'elle s'était rendue à cette extraordinaire séance d'hypnose, et même si elle allait beaucoup mieux depuis, son esprit était toujours habité par de nombreuses préoccupations. On ne guérissait pas en un claquement de doigts.

Ashes | PEAKY BLINDERSOù les histoires vivent. Découvrez maintenant