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Le tintement des lames s'entrechoquant résonnait dans la cour. Le cœur battant, le souffle court et les mains moites, Jeriko para une énième attaque avant de baisser les armes. Épuisée, elle passa une main sur son front et rengaina sa courte épée.

Alors que son entraîneur lui tendait sa gourde, la jeune femme fit de son mieux pour dissimuler sa déception. Elle avait beau se concentrer, puiser au plus profond d'elle-même, rien n'y faisait : elle n'arrivait pas à utiliser son don.

Fille unique de deux soldats Gāli à la réputation presque légendaire, elle avait toujours rêvé d'égaler leur prestige. Malheureusement, Jeriko était encore incapable de contrôler ne serait-ce qu'une brise. Malgré les nombreux entraînements auxquels elle s'obligeait à participer et son talent presque inné pour le maniement des lames, sensé l'aider à libérer les vents, elle ne parvenait pas à maîtriser la décharge d'énergie qui la parcourait, la laissant s'échapper avant de pourvoir la moduler. La magie la percutait si violemment qu'elle avait à peine le temps de la rediriger. Elle craignait de ne jamais être suffisamment douée pour se fondre dans ce flot glacé et ses trop nombreux échecs commençaient à la ronger.

Esquissant un sourire compatissant, son entraîneur posa une main sur son épaule. Jeriko se crispa, elle ne pouvait rien lui cacher.

— Ne t'en fais pas, ça viendra.

La jeune femme grogna, le fusillant du regard. Il essayait de la rassurer et elle détestait ça. Levant les mains en signe de défaite, l'homme saisit un mouchoir pour éponger son visage couvert de sueur lorsqu'une ombre apparut entre les imposantes colonnes qui soutenaient la résidence.

— Mais ce ne serait pas ce bon vieux Koja ? s'exclama-t-il, faisant sursauter Jeriko.

L'autre sortit de l'ombre, les bras ouverts et un grand sourire aux lèvres. Il était débraillé, sa chemise tachée et froissée s'échappant de son pantalon. Il ôta son tricorne, découvrant une chevelure flamboyante qui sembla attirer les puissants rayons du soleil. Il avait l'air éprouvé malgré les efforts qu'il faisait pour paraître en pleine santé.

— Tu t'es bien regardé ? répondit-il. T'as pris un sacré coup de vieux, Aurell.

L'entraîneur ricana et accepta son accolade. Légèrement agacée, Jeriko se détourna, faisant mine de ranger ses affaires. Elle garda pourtant un œil distrait sur le corsaire, entendant à peine leur conversation tant son cœur battant l'assourdissait. Elle détestait être ainsi tendue. Elle connaissait Koja depuis plusieurs années déjà. Il avait remplacé Aurell lorsqu'il s'était cassé la jambe en tombant de cheval. C'était un bon combattant, mais un entraîneur détestable. Il se montrait sévère et méprisant, à tel point qu'il prenait toujours un malin plaisir à l'embarrasser, voire l'humilier en public. Il était impitoyable.  

Jetant un regard vers les deux hommes, Jeriko dut retenir un juron. Koja affichait toujours cet air insolent et ce sourire, si condescendant. Elle pouvait encore entendre le flot de reproches et d'insultes, à peine dissimulées, qu'il n'avait cessé de déverser sur elle durant leurs entraînements. Le corsaire croyait que la colère et la frustration lui permettraient de faire des vents son allier, mais ses moqueries incessantes avaient détruit sa confiance en elle, déjà si faible, sans résultats.

Se surprenant à ronger l'ongle de son pouce, Jeriko chassa ses sombres souvenirs et saisit son sac. Elle s'apprêtait à prendre congé auprès d'Aurell, quand une main se posa sur son crâne, ébouriffant ses cheveux.

— Alors, Riko, on dit pas « bonjour » ?

La jeune femme grinça des dents. Penchée au-dessus d'elle, une main posée sur la hanche, Koja lui souriait à pleines dents, une expression amusée au visage. Jeriko sentit ses joues se réchauffer tandis qu'elle soutenait son regard moqueur.

Samudra Nari [EN PAUSE]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant