26

30 8 30
                                    

La vitre de la chambre explosa en une nuée de pétales de cristal.

Au cœur des éclats de verre, une jambiya à la lame dorée dans chaque main, Shih bondit avec agilité d'un félin sur l'homme le plus proche. Son arme se planta dans l'épaule de sa cible, déchirant sa peau. Se réceptionnant au centre de la pièce, Shih abandonna sa dague pour attraper l'épaisse chevelure d'un nouvel ennemi. Elle esquissa un sourire sauvage lorsqu'elle lui trancha la gorge. Le sang s'incrusta dans les motifs guerriers gravés dans l'or de son arme.

Les pirates se pétrifièrent, frappés par la stupeur, tandis que les corps blessés de deux hommes s'effondraient au sol. Immobile face à Siegfried, méfiant, qui la fixait d'un regard aussi tranchant que la lame de son épée, Shih fit une rapide révérence avant de laisser son regard tomber sur le corps tremblant du Roi.

Du sang avait giclé sur sa peau claire. Ses grands yeux bleus étaient pleins de larmes qu'il s'efforçait d'endiguer, et Shih fut surprise de les voir s'agripper aux siens. Écartant la peur et l'effroi, l'espoir qui coulait de ses prunelles éclatantes lui tordit le cœur.

Un regard d'enfant, habité par la prestance d'un Roi.

Shih lui adressa un sourire tendre avant de pivoter pour faire face à l'ennemi. Elle passa un doigt contre la lame courbée de sa jambiya, envahie par un puissant désir de vaincre.

— Si vous permettez, Mejesi, je me charge de laver votre honneur.

Et, profitant de la confusion de ses adversaires, elle se jeta sur ses proies. Se glissant entre leurs corps, si lourds, si lents, elle fit tournoyer son arme pour entamer les chairs. Saisissant enfin la trahison de leur capitaine, les pirates s'agitèrent. Shih esquiva la lame rouillée d'un vieux sabre, feinta et enfonça sa dague dans un torse. Un homme se glissa dans son dos mais, plus rapide, la Maune dégagea sa lame et se baissa, avant de se retourner pour abattre son coude sur la nuque de son ennemi.

Traversée par des pulsions animales, Shih valsait avec la mort. Sa jambiya scintillait d'un rouge écarlate. Sa lame glissait sur les gorges, déchiraient les peaux, fouillaient les chairs, perçait les cœurs. Seule au centre de cette sinistre piste de danse, Shih se mouvait au rythme des corps percutant le sol. Les cris de douleur disparaissaient sous le claquement cadencé de ses bottes contre le parquet taché.

Tuer était un art.

Shih para une attaque et, mettant un terme au macabre spectacle, elle porta le dernier coup. La bouche ouvert sur un cri muet, l'homme tomba à genoux. Le sang imbibait ses vêtements troués, perlant sur les bottes de la Maune. Ses prunelles éteintes plongeant dans les sienne, il murmura :

Kyāpan...

Shih écarquilla brusquement les yeux, émergeant de sa transe, à l'instant où le corps sans vie de l'homme percuta le sol.

Elle avait gagné.

Elle avait gagné, mais un étrange sentiment salissait sa victoire. De la honte.

Une vingtaine de cadavre encombraient la pièce. Son équipage. Ses hommes. La gorge nouée, Shih essuya la lame de sa jambiya sur son pantalon avant de la ranger dans son fourreau. La chambre se mis à tanguer autour d'elle.

Elle n'avait pas de remords. Elle s'efforçait de s'en persuader.

Serrant les dents à se les briser, elle inspira profondément mais ne put se défaire de l'odeur du sang et celle, chargée d'amertume, de la mort.

Shih se tourna vers le Roi. Toujours assis au pied du lit, il l'observait. Une expression horrifiée tordait ses traits. Et, lorsque son regard croisa le sien, Shih sentit son cœur sombrer dans la douleur.

Samudra Nari [EN PAUSE]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant