15

56 9 51
                                    

Jeriko soupira.

Papillonnant des paupières, elle passa une main sur son front, couvert de sueur. Un puissant mal de tête opprimait ses tempes et une étrange sensation parcourait son corps. Elle se sentait comme vidée.

Surgissant de sa mémoire, un flot d'images noya son esprit. Le sifflement des canons, les cris de rage et le sang qui inondait le pont. Elle se revoyait plonger son poignard dans les chairs d'un homme et le faire basculer par-dessus le bord pour observer son corps disparaît dans une eau aussi noire que l'encre.

Koja.

Le cœur battant, elle se souvint du cri de douleur qu'il avait lâché lorsque le poing du pirate lui avait fracassé le nez. La plaie, aussi large que profonde, qui déchirait son épaule l'avait effrayée. Il se vidait de son sang à ses pieds et elle n'avait rien fait. Elle...

Écarquillant brusquement les yeux, Jeriko fut traversée par l'horreur. L'air s'était glissé en elle, l'avait privé de ses sens pour mieux lui monter à la tête. Elle avait failli tous les tuer.

La jeune femme se redressa brusquement et fut saisie par une vive douleur dans le dos. Tous ses os semblaient prêt à se briser. La gorge nouée par l'angoisse, elle laissa échapper un sanglot et sursauta lorsqu'une main se posa sur son épaule.

— Tout va bien, je suis là.

Jeriko sourit faiblement lorsqu'elle découvrit Aurell. Installé sur un petit tonneau, il avait posé son livre par terre pour se pencher vers elle. Il décolla une mèche de sa joue, la rangeant derrière son oreille, avant de déposer un baiser sur son front.

Aurell veillait sur elle.

Depuis qu'il l'avait acceptée comme disciple, il n'avait cessé d'être là pour elle. Il la considérait plus comme une sœur qu'une élève et restait attentif à ses moindres désirs. Lorsqu'elle avait le cœur lourd, il devenait son plus fidèle confident. Si elle se montrait trop isolante, il la réprimandait comme un père. Le plus souvent, il était simplement son ami, le seul sur qui elle pouvait compter. Et, même s'il n'était pas toujours tendre, Jeriko avait la certitude qu'il l'aimait profondément. Quoi qu'elle puisse dire ou faire, rien ne pouvait entamer ce lien qu'ils partageaient.

Rassurée, la jeune femme serra ses mains dans les siennes avant de demander, d'une voix rauque :

—  Que s'est-il passé ?

—  Tu ne te souviens pas ? répondit-il, perplexe.

—  Pas entièrement.

Aurell afficha une moue désolée.

—  J'aurais dû être avec toi.

—  Tu protégeais le Roi... Comment va-t-il ?

—  Un peu secoué, mais ça va.

Jeriko sourit. Chad était un garçon aussi intelligent que sympathique. Durant le voyage, elle avait eu l'occasion de discuter longuement avec lui. Ils s'étaient découvert une passion commune pour la lecture et la jeune femme avait été surprise par la qualité de ses critiques.

Chad n'était encore qu'un enfant, mais il avait l'assurance et la bonté d'un véritable roi.

Soulagée, elle reporta son attention sur son maître, qui s'était lancé dans un récit mouvementé. Il lui relata entièrement le court de la bataille avant d'enfin se concentrer sur son intervention.

—  Tu avais perdu le contrôle ! s'exclama-t-il. Tu as jeté un sort d'apesanteur et menacé de faire couler le navire. C'est Belén qui nous a tous sauvé.

Samudra Nari [EN PAUSE]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant