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Les premières lueurs de l'aube éclairaient la cahute.

Emmitouflé dans d'épaisses couvertures, Chad somnolait. La nuit avait été éprouvante, comme toutes celles qu'il avait passé en mer. Cela faisait plus de trois semaines que le Riko avait levé l'ancre et, si le Roi appréciait toujours autant ses journées à bord du navire, chaque soir était synonyme d'enfer.

Une fois allongé dans son lit, son estomac faisait des siennes. Chad vomissait à n'en plus pouvoir, la tête posée sur les genoux de son conseiller et le cœur à l'envers. Redha avait beau lui faire avaler des dizaines de potions, user de son don de Dēha pour chasser sa fièvre... Le mal de mer le hantait jusqu'au matin.

Barbouillé, Chad papillonna des paupières pour chasser la brume qui voilait ses yeux. Il se redressa et rejeta ses couvertures. Il étouffait. Une odeur immonde flottait dans la pièce, pourtant propre. Passant une main sur son visage fatigué, le Roi balaya la cabine du regard, avant de tomber sur le corps inerte de son conseiller.

Constancio veillait sur lui, de jour comme de nuit. Il avait attendu sans broncher qu'il s'assoupisse, après avoir vidé son estomac sur le parquet, pour ensuite nettoyer la chambre et profiter des deux ou trois heures qui restaient avant l'aube pour se reposer.

Affalé aux pieds du lit à même le sol, Constancio dormait profondément. La joue écrasée contre le matelas, il avait les cheveux ébouriffé et d'immenses cernes creusaient ses yeux. Il avait troqué sa sombre toge d'Alaiv contre une chemise de toile épaisse, qu'il avait mal boutonnée, et un pantalon large, rentré dans une paire de botte en cuir. Habillé ainsi, il ressemblait étrangement à Koja. Cette pensée fit sourire le Roi.

Se débattant avec sa chemise de nuit, Chad sauta de son lit pour s'avancer en chancelant vers sa lourde commode. Piochant au hasard dans les tiroirs, il attrapa une tunique et un bas très mal assortie, qu'il enfila rapidement.

Il avait besoin prendre l'air.

Chad s'apprêtait à ouvrir la porte de la cabine, mais se ravisa. Une secousse du navire le fit vaciller. Le Roi se rattrapa de justesse au mur et, plus à l'aise à quatre pattes, il rampa jusqu'à son conseiller.

Constancio était épuisé. Ses lunettes, de travers, lui tombait sur le bout du nez. Prenant garde de ne pas le réveiller, le jeune homme lui les retira pour aller les poser en sécurité sur la commode. Chad attrapa un bout de papier pour y griffonner quelques mots avant de le glisser sous les lunettes du conseiller.

Constancio serait fou d'inquiétude lorsqu'il découvrirait son lit déserté, mais le Roi n'avait pas le cœur à le réveiller. C'était la première fois qu'il dormait vraiment depuis qu'ils avaient quitté Woe.

Satisfait, Chad sortir discrètement de la cahute pour s'élancer dans l'étroit couloir qui menait au pont. Ses pas étaient encore maladroits, mais il commençait à trouver son équilibre à bord.

Lorsque le Roi arriva sur le pont, les rayons encore faibles du soleil levant l'éblouirent. Inspirant profondément, il savoura le parfum de l'océan et celui de la brise. Jamais il ne s'était sentit aussi vivant.

Les marins étaient déjà levés. Tandis que certains rentraient les voiles auriques, d'autres portaient un immense filet de pêche jusqu'au Beauprés. Chad les observait, intrigué, lorsqu'une main se posa sur son crâne, le faisant sursauter.

— Alors, Mejesi, bien dormi ? demanda Koja, lui ébouriffant les cheveux.

— Mieux que la veille...

— C'est déjà ça ! Vous avez faim ?

Chad hocha vivement la tête et, attrapant le bras que le corsaire lui tendait, il le suivit jusqu'à la timonerie d'où s'échappait une bonne odeur de pain chaud.

Samudra Nari [EN PAUSE]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant