Jeriko poussa un soupir d'aise.
La chaleur de l'eau s'échappait en une fumée légère dans l'air, caressant langoureusement sa peau. Agenouillée dans un étroit bac de pierre polie à moitié rempli d'une eau tiède, la jeune femme savonnait avec vigueur son épaisse tignasse.
Six semaines. Cela faisait six semaines qu'elle n'avait pas pris un bain digne de ce nom.
Jeriko sourit et jeta un regard par-dessus le lourd paravent. Accroché au plafond, un vieux lustre, couvert de toiles d'araignées déversait dans la chambre une lumière jaunâtre. Les ampoules magiques, à moitiés devisées, grisaillaient. La tapisserie fleurie qui habillaient les murs était délavée et les rideaux, tombant devant l'unique fenêtre de la pièce, étaient auréolés. Cependant, même ce sinistre décor ne pouvait entamer sa joie.
La terre. Enfin.
Attrapant la petite bassine qui flottait à la surface d'un tonneau, équipé d'un système magique pour chauffer l'eau, Jeriko inspira profondément et savoura la fièvre qui se déversait sur son front. L'eau s'engouffra dans sa chevelure, dégoulina sur son visage découvert, la faisant frissonner. Elle papillonna rapidement des paupières pour chasser les perles qui gouttaient de ses cils et se tourna vers le paravent. Les orteils de Koja s'agitaient vivement, battant la cadence au rythme d'une mélodie que lui seul entendait.
Installé sur un vieux matelas, le corsaire s'était adossé au paravent et avait sombré dans un silence apaisé. Depuis la courte baignoire de pierre, Jeriko ne distinguait que son coude, sur lequel la manche de sa chemise était maladroitement remontée, et son pied nu. Elle passa une main sur son visage.
— Tu crois vraiment qu'Ēn̄jal va nous aider à trouver l'œuf de Bosh ? demanda-t-elle en attrapa l'une des serviettes jetées sur le paravent.
— J'ai de quoi le payer, marmonna distraitement Koja.
Jeriko leva les yeux au ciel. Le pouvoir de l'argent... Le corsaire n'envisageait pas que l'on puisse refuser de l'or.
La jeune femme frotta sa peau humide, puis enroula ses cheveux dans l'épaisse serviette avant de se rhabiller. Sortant de leur salle de bain de fortune, elle jeta un regard à Koja. Affalé sur le matelas, le nez plongé entre les pages d'un bouquin, il était absorbé par sa lecture. Surprise, Jeriko se pencha pour lire par-dessus son épaule et sentit son cœur rater un battement. C'était son carnet. Ses mots.
D'un geste brusque, empreint de colère, elle lui arracha l'ouvrage des mains.
— Où tu as trouvé ça ?! s'écria-t-elle, les joues rouges de honte.
— Dans tes affaires.
— De quel droit...
— Je suis désolé !
Jeriko le fusilla du regard et traversa la chambre d'un pas raide pour aller ranger son carnet au fond de son sac. Elle aurait voulu disparaître, se fondre dans le décor, s'éteindre tout simplement. C'étaient ses mots, sa voix... Une partie de son âme.
Le regard, transpirant d'une surprise inquiète, courait dans son dos. Serrant les dents à se les briser, Jeriko s'efforçait de calmer les battements affolés de son cœur, quand la voix du corsaire rompit le silence avec une écœurante naïveté :
— Je pourrais lire la suite ?
Jeriko écarquilla les yeux et se sentit sombrer au fond d'elle-même. Quel culot !
Incapable de réprimer l'ardeur qui la traversait, la jeune femme attrapa son petit couteau et, l'entourant d'une puissante bourrasque, l'envoya fendre le vide. L'arme tournoya et alla se planter dans le paravent. La lame avait frôlé l'oreille de Koja qui l'observait avec de grands yeux. La magie vibrait dans l'air, colorant l'atmosphère d'une désagréable tension.
VOUS LISEZ
Samudra Nari [EN PAUSE]
Fantasy« Renard trop rusé pour tomber dans le premier piège, mais pas assez pour éviter le second. » Les légendes possèdent toujours une part de vérité, du moins, c'est ce qu'il croyait. Corsaire reconnu et émissaire personnel de Sa Majesté, Koja rentre un...