Koja haussa les épaules, impuissant.
Les bras croisés sur sa poitrine et la mine sombre, Constancio faisait les cent pas, arpentant le timonerie comme un fauve en cage. Il fulminait. Une veine palpitait sur son front dégagé. La mâchoire crispée, il jetait des regards assassins au corsaire qui l'observait sans un mot.
Les coudes sur la table de navigation, le menton dans ses paumes, Koja suivait des yeux la silhouette agitée du conseiller, écoutant d'une oreille distraite ses réprimandes. Cela faisait presque qu'une heure qu'il s'époumonait, battant des bras comme s'il essayait de garder la tête hors de l'eau. Ses yeux, exorbités derrière le verre épais de ses lunettes, lui donnaient des airs de poisson asphyxié. Koja esquissa un sourire amusé.
— Vous m'écoutez ? brailla le conseiller.
— Je t'écoute.
Constancio s'immobilisa, le fixa quelques instants, avant d'attraper le compas qui traînait sur la table et de le lui lancer avec hargne. L'instrument percuta le front du corsaire, qui poussa un cri de douleur. Agacé, il sauta sur ses pieds, renversant sa chaise.
— Non, mais ça va pas ?
— Vous ne m'écoutiez pas, Kyāpṭan, répliqua sèchement le Cintane.
Koja leva les yeux au ciel. Il avait fait preuve d'une patience légendaire, pliant sous les injures et la colère du conseiller. Il s'était juré d'écouter, de ravaler son arrogance et d'apprendre, pour une fois, de ses erreurs. Et, plus il s'efforçait de se taire, plus il était traversé par cette cuisante certitude : l'humilité n'était pas pour lui.
Inspirant profondément pour savourer le silence qui s'était installé dans la pièce, le corsaire se pencha pour redresser sa chaise. Une expression suffisante froissant ses traits, Koja se tourna alors vers son invité.
— C'est toi qui ne m'écoute pas, Constancio.
— Ne me tutoyez pas ! s'insurgea le conseiller.
Koja balaya sa remarque d'un geste de la main. Il s'appuya sur la table et plongea son regard dans celui du Cintane.
— Je ne suis pas responsable de ce fiasco. Ce n'est pas moi qui ait donné l'ordre de libérer les prisonniers.
— Alors qui ? gronda Constancio, en faisant claquer ses paumes contre la table, imitant sans s'en rendre compte la posture du capitaine.
— Le quartier-maître, lâcha une voix provenant de l'extérieur.
Constancio sursauta et pivota vivement, troublé. Dans son dos, le corsaire esquissa un sourire. Ses prunelles fatiguées se posèrent sur la silhouette élancée qui se découpait dans l'intense lumière de l'après-midi.
Spekṭram. Le Fantôme.
C'était un surnom qui lui sillait à merveille, celui qu'elle aurait dû porter lorsqu'elle s'était hissée à la tête de pirates sans foyer ni famille.
Les mains posées sur les hanches, une mine sévère assombrissant son visage d'une pâleur spectrale, Shih adressa un regard indéchiffrable au corsaire, puis reporta son attention sur Constancio.
— À bord d'un navire, c'est le quartier-maître qui donne les ordres. Il est le porte-parole du capitaine et celui qui se charge des prisonniers, expliqua-t-elle, d'une voix grave.
Méfiant, Constancio jeta une œillade perplexe au capitaine, qui hocha la tête, sans pour autant quitter des yeux la Maune. Une étrange lueur éclairant son regard, elle entra dans la pièce. Ses bottes claquèrent contre le paquet, rythmant le silence.
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Samudra Nari [EN PAUSE]
Fantasy« Renard trop rusé pour tomber dans le premier piège, mais pas assez pour éviter le second. » Les légendes possèdent toujours une part de vérité, du moins, c'est ce qu'il croyait. Corsaire reconnu et émissaire personnel de Sa Majesté, Koja rentre un...