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— Où étais-tu ?

Jeriko esquissa un sourire amusé. Immobile face à l'immense fenêtre, elle fouilla l'obscurité du regard, avant de lever les yeux vers la lune. Ses rayons argentés se déversaient sur les jardins de la résidence, se mêlant aux lueurs rougeoyantes des flambeaux vacillants. La gorge nouée, Jeriko refoula l'angoisse qui l'envahissait, puis se retourna.

Elle détestait les adieux.

Adossé contre le mur entre deux statues d'empereurs, Koja l'observait avec attention. Son regard scintillait dans l'ombre, souligné par les cernes qui creusaient ses joues blafardes. Il avait l'air minuscule entre ces deux colosses. Il ressemblait à un enfant, un gamin des rues aux rêves démesurés. Jeriko réprima une grimace et, avec un haussement d'épaule, elle répondit d'une voix distraite :

— Je suis allée honorer un rendez-vous prévu depuis des années déjà.

Koja lui adressa un regard surpris.

— Tu ne te souviens pas ? demanda Jeriko. Si je suis montée à bord de ton navire, c'était pour le rencontrer, lui.

— Ah... C'est vrai. « Emmène-moi à Mauna Kea », c'est ça ?

Jeriko hocha légèrement la tête. Sans un mot, elle se glissa à ses côtés et s'adossa au mur. Le contact des pierres glacées contre sa peau brûlante la fit frissonner. Les mains dans les poches, Koja gardait les yeux rivés sur la haute fenêtre. Les échos de la fête résonnaient au loin, encombrant le silence. Le cœur battant à tout rompre, Jeriko s'efforça d'ordonner ses pensées, agitées par cette soudaine proximité et les remords qui la rongeait. Oppressée par le calme qui régnait dans l'immense couloir, la jeune femme reprit :

— Tu ne veux pas savoir qui c'est ?

— Parce que tu me le dirais ? répondit le corsaire, avec un sourire malicieux.

— Non.

Koja rit, et elle se sentit sombrer.

Jeriko ferma brusquement les yeux et, ignorant le chagrin qui lui serrait le cœur, elle se concentra sur le son infime de sa respiration.

Redha. Le symbole d'Om tatoué sur sa peau. La magie se déversant dans ses veines et le sang, d'un rouge profond, qui s'écoulait entre ses doigts. Le sourire malveillant de la Peur et celui, compatissant, de la Mort, toutes deux perchées sur les épaules du corsaire.

Jeriko inspira profondément.

Elle s'était battu, jour et nuit, pour se libérer des ombres qui s'immisçaient en elle. Les Udāra l'avaient traquée, retrouvée, emprisonnée, affamée, torturée. Ils s'étaient servi d'elle, de son corps, de son pouvoir.

Elle leur avait tout pardonné.

Jeriko rouvrit les yeux. S'efforçant de chasser les pensées qui grouillaient, s'entassaient dans un coin de sa tête, elle afficha une mine malicieuse et demanda, feintant l'amusement :

— Depuis quand est-ce que tu t'intéresses aux histoires de cœur de Constancio ?

Koja rougit brusquement et se racla la gorge, gêné. Il porta instinctivement une main à son cou et, saisissant l'un de ses colliers, il fit rouler son pendentif entre ses doigts.

— La curiosité est un vilain défaut... marmonna-t-il en lui adressant un regard réprobateur.

— Oh ! J'étais là par hasard !

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⏰ Dernière mise à jour : Apr 15, 2021 ⏰

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Samudra Nari [EN PAUSE]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant