Koja ferma la porte.
Son regard brun, presque noir dans l'ombre, s'était accroché au sien. Silencieux, il s'adossa au mur et se laissa glisser jusqu'au sol pour s'asseoir en tailleur. Ses pieds nus paraissaient pâles sur le parquet. Le souvenir de lourdes chaînes marquait ses chevilles dénudées de vilaines cicatrices. Koja sourit avant de lancer :
— Qu'est-ce que tu attends de moi ?
Surprise, Jeriko se redressa entre ses couvertures. La tête lui tournait et son estomac, malmené par les remous incessants du navire, la tordait. D'un geste agacé, elle essuyait les perles de sueurs qui imprégnaient son front. Les pouvoirs de Redha avaient fait chuter sa fièvre, mais la jeune femme gardait la désagréable impression d'étouffer dans l'étroite cabine.
Le cœur battant, Jeriko s'efforça de dissimuler la douleur qui la traversait. Elle garda une main fermement appuyée sur son ventre, à l'endroit où celle du Luan s'était posée. Elle aperçut l'œillade intriguée que Koja lui jeta et remonta instinctivement les couvertures sur elle, malgré l'intense chaleur qui l'oppressait.
— Alors ? insista le corsaire.
Jeriko l'observa avec attention. Elle ne savait pas si elle pouvait lui faire confiance.
Koja était un vendu.
Il avait fait de la trahison sa spécialité. Il n'était fidèle à Sa Majesté que parce qu'il possédait l'une des plus grosses bourses de Woe. Les caisses de l'État se vidaient à grande vitesse et Jeriko savait que Koja finirait par aller voir ailleurs avec, dans la poche, des secrets dérangeants qui pourraient faire sa fortune.
Koja était un roublard. Le seul à pouvoir la protéger à bord.
Serrant les dents, la jeune femme refusait de se laisser séduire par la facilité. Elle ne devait pas compter sur les autres. La méfiance était sa seule alliée.
Jeriko s'apprêtait à jouer les innocentes mais fut devancée par le capitaine qui poussa un soupir et déclara :
— Je ne dirais rien à Aurell.
— Il est au courant, répondit la jeune femme, s'efforçant de prendre un ton désinvolte.
— Ce n'est pas ce qu'il m'a dit.
Jeriko leva les yeux au ciel, maudissant son maître. Comment pouvait-on être aussi bavard ?
Lorsqu'il l'avait aperçu sur le pont, Aurell était entré dans une colère noire. Il l'avait fortement réprimandé, lui reprochant d'être aussi inconsciente qu'immature. Le Gāli avait toujours détesté sa mauvaise foi et son entêtement, frisant trop souvent la bêtise, mais jamais il ne l'avait traité comme une enfant. Jeriko avait fait la sourde oreille, espérant réussir à ignorer le mépris de son maître et ses mots assassins qui s'étaient pourtant glissé jusqu'à son cœur.
Aurell ne comprendrait pas.
Déglutissant avec difficulté comme pour chasser la peine qui lui nouait la gorge, Jeriko accentua la pression de ses doigts contre son ventre.
— Il s'inquiète pour toi, tu sais ?
— Je n'ai pas besoin de son aide, répliqua-t-elle, irritée.
— Je sais. En revanche, tu as besoin de moi.
Jeriko se mordit la lèvre inférieure. Koja était rusé. Elle ne gagnerait pas aussi facilement à ce jeu-là. Retenant son souffle, elle choisit d'attaquer de front.
— Je peux te faire confiance ?
— C'est à toi de voir.
Agacée, la jeune femme se crispa. Elle planta ses ongles abîmés dans sa peau. La douleur commençait à voiler son regard, elle ne devait pas la laisser endormir ses sens.
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Samudra Nari [EN PAUSE]
Fantasy« Renard trop rusé pour tomber dans le premier piège, mais pas assez pour éviter le second. » Les légendes possèdent toujours une part de vérité, du moins, c'est ce qu'il croyait. Corsaire reconnu et émissaire personnel de Sa Majesté, Koja rentre un...