Dans ce monde, le bonheur n'existe pas. Je le vois dans les yeux des gens qui passent devant moi, en me lançant un regard fugace. Je connais depuis trop longtemps ce regard, ce regard qui ne sert qu'à juger les autres, afin d'éviter de devoir se regarder soi-même. Je ne sers aujourd'hui qu'à rassurer les gens qui passent, pour qu'ils puissent penser à quelqu'un qui a une vie pire que la leur. Alors ils me regardent, juste pendant une seconde, ils pensent peut-être que je ne les voient pas. Ces gens m'énervent,leurs mensonges, leur hypocrisie, m'énervent. Le monde est fait ainsi, la vérité n'est plus qu'un lointain fantasme. C'est ainsi qu'une nouvelle journée pourrie se termine. Mal. Je rentre dans une maison, celle dont on m'a toujours dit qu'elle était la mienne. Ça aussi c'est un mensonge, je ne suis pas chez moi entre ces murs blancs, ces photos de familles, et ces souvenirs meurtriers. Demain, c'est une journée plus pourrie que les autres, demain je rentre au lycée.
C'est comme ça qu'on appelle la jungle ici. C'est un endroit où les tigres ne font qu'une bouchée des moutons comme moi. Exactement comme le collège, à la seule différence que les tigres ont de plus grosses dents. Je sens des larmes de rage couler lentement le long de mes joues, creusant dans mon cœur des sillons de douleur, qu'emprunte le flot des souvenirs, s'insinuant au plus profond de moi, éteignant sur son passage destructeur les dernières lueurs d'espoir, qui s'entêtaient à briller dans la nuit noire. Bon débarras, cet espoir n'était plus d'aucune utilité, il ne faisait que me donner des illusions futiles, essayer de me faire croire que je pouvais être heureux, quel naïveté. Je n'ai pas ce droit. Personne ne l'a. Le bonheur n'est qu'un fantôme après qui on nous fait courir, sans jamais pouvoir l'attraper. Même ceux dont les jambes sont capables de les porter au bout du monde n'y parviennent pas. Alors moi... Devrais-je mourir ? Sans doute. Comment ? Je sais que les tigres qui m'attendent demain s'en chargeront.
Alors que je m'installe machinalement dans mon lit, je me surprend à prier un dieu auquel je ne crois même pas, pour que je me trompe, cette fois. Je suis pitoyable. Je suis faible. Je suis seul. Je suis Mathieu Glory.La lumière blanchâtre du matin illumine la ville alors que je marche, la petite main d'Ambre dans ma main, son sourire éclatant semblant illuminer le monde entier. Elle rit, tandis que je l'accompagne à la maternelle avant d'aller en cours. C'est ce que je croyais. Je sais ce qui va se passer. L'avenue est là, elle est toujours là. Je veux faire demi tour, mes jambes ne m'obéissent plus. Non ! Pas encore ! Je veux crier mais ma bouche reste close, je veux prendre Ambre dans mes bras pour la protéger mais elle reste accroché à ma main, mon bras aussi m'a abandonné. Je veux pleurer mais mes yeux reste secs alors que nous traversons l'avenue. Je regarde ma petite sœur, ses yeux bleus, ses cheveux blonds clairs, son visage angélique, son rire cristallin résonnant dans mon âme, tandis qu'il est éclipsé par un bruit sourd de klaxon et un crissement de pneus. Plus de rire, plus de jambes, plus de bonheur.
Je me réveille en sursaut. En sueur, en pleur. J'ai revécu une fois de plus, le jour de la fin de mon monde.
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Ambre
Teen FictionLes histoires des lycéens sont souvent joyeuses et naïves. Mais pas celle de Mathieu. Après avoir traverser une expérience traumatisante, la vie lui semble hypocrite et cruel. Alors qu'il a arrêté d'essayer d'être heureux, il va rencontrer Ambre, un...