5. Flash-back

214 15 22
                                    

Le mercredi de la semaine suivante en début de matinée, la rue était déjà passablement encombrée. Les Montpelliérains sortaient faire des courses, et à cette époque de l'année, les touristes commençaient à arriver. Clémentine était tombée nez à nez avec Sophie alors que celle-ci sortait de la boulangerie où elle achetait son croissant quotidien, et elles parcouraient ensemble les quelques mètres jusqu'au salon de coiffure de Sophie où, comme souvent, elles partageraient un café en attendant l'arrivée des premières clientes, moment qui signifierait à Clémentine qu'il était temps qu'elle aille elle aussi travailler.
Le trottoir fut subitement envahi lorsqu'un bus s'arrêta à leur hauteur et déversa son flot de voyageurs urbains. Une fillette, qui circulait en trottinette derrière elles, fut surprise par le mur d'adolescentes venues faire les boutiques qui surgit soudain devant elle et elle faillit perdre le contrôle de son engin. Elle rectifia habilement sa trajectoire mais heurta Clémentine au passage.
— Aïe !
A cloche-pied, Clémentine se frotta le mollet à l'endroit meurtri par le choc. La fillette avait vacillé mais s'éloignait déjà à toute allure, sans s'être aperçue de sa maladresse et sans prêter attention aux semonces qu'on lui adressait :
— Clem ! Fais attention, voyons ! Et attends-moi ! Il y a trop de monde !
Le jeune homme qui poursuivait la petite fille s'excusa auprès de Clémentine en passant, tout en pressant le pas pour ne pas perdre de vue le casque rose qui disparaissait déjà à l'angle de la rue. Quand Clémentine releva la tête cependant, il se figea. Elle, son souffle se coupa. Le groupe d'adolescentes qui s'était engouffré dans un magasin de vêtements ressortait déjà en caquetant, et pendant un instant Clémentine ne distingua plus le jeune homme. Quand enfin son champ de vision s'éclaircit, il avait disparu.
Sophie, qui n'avait pas remarqué la bousculade, tenait la porte du salon ouverte, persuadée que Clémentine était sur ses talons. Elle s'impatienta.
— Tu entres ou bien ? demanda-t-elle.
Clémentine resta pétrifiée, le visage blême.
— Clem !
— Hein ?
Clémentine avisa son amie qui l'invitait à entrer, et elle se rappela soudain ce qu'elle faisait là. Un instant, elle s'était retrouvée sur un quai venteux du port de Sète, sept ans plus tôt.
— Ça va ? On dirait que tu as vu un fantôme !
Un fantôme peut-être pas, mais un revenant, ça c'est sûr ! songea Clémentine en rejoignant enfin son amie.
Sophie se glissa derrière le comptoir et ouvrit l'agenda de la journée, pour voir à quelle charge de travail elle et ses collègues devraient s'attendre. Clémentine s'était dirigée vers la salle réservée aux employés à l'arrière du salon et se chargea de la préparation de leur café, qu'elle fit fort. Elle était comme à la maison dans le commerce de Sophie.

A quelques mètres de là, Maxime avait rattrapé l'imprudente qu'il tenait maintenant fermement par la main, la trottinette dans l'autre. Il revenait sur ses pas aussi vite que possible. La petite ne s'était finalement pas trop éloignée, ils ne mirent que quelques dizaines de secondes à rejoindre l'endroit où il avait vu Clémentine, mais celle-ci avait disparu. Il balaya la rue du regard nerveusement, le trottoir d'en face aussi au cas où elle aurait traversé, mais il ne la trouva pas.
— Merde ! lâcha-t-il.
— Papa ! s'écria la fillette. Tu as dit un gros mot !
— Tu as raison, pardon, c'est mal. Allez viens, on rentre à la maison, maman nous attend !

Pleine d'entrain, Sophie rejoignit son amie en se frottant les mains. Si tout se passait comme prévu elle serait fourbue le soir venu, mais les caisses seraient pleines. Normalement quand elles parlaient business Clémentine n'était pas en reste, mais là, elle était prostrée devant la machine à café et regardait les gouttes noires couler une à une. Ploc, ploc, ploc. Sophie annonça qu'une catastrophe était arrivée, que tous les clients de la journée avaient annulé, elle n'aurait pas d'autre choix que de fermer boutique. Son amie ne réagit même pas.

Dans le bus qui le ramenait chez lui dans un quartier populaire au nord-ouest de la ville, Maxime n'écoutait pas non plus les babillages de sa fille. Perdu dans ses pensées, il se demandait si un seul regard pouvait bouleverser une vie. Avec un pincement au cœur, il se rappela la promesse qu'ils s'étaient faite des années auparavant, Clémentine et lui. Avant qu'ils n'effacent leurs numéros de leurs téléphones respectifs. Avant qu'elle n'enfourche sa moto et quitte la ville pour une autre vie. La promesse ? Ne jamais plus se revoir.
Mais maintenant ?

Effet boomerang  (Demain nous appartient - Clemax - ROMAN)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant