Nicolas lui avait fait promettre de venir le voir si ça n'allait pas mieux, et Clémentine tint parole. Elle savait qu'en ayant si mal au dos au réveil la journée serait difficile. Une fois les muscles réchauffés ça irait pendant quelques heures, puis ils se fatigueraient et la douleur reviendrait, avec de plus en plus de force.
Elle se glissa donc dans le cabinet de son ami qui avait accepté de la recevoir avant son premier rendez-vous, et elle ne lui cacha pas son état. L'inquiétude se lut sur le visage de Nicolas tandis qu'il se frottait les mains pour les réchauffer. Clémentine ôta son tee-shirt et s'allongea sur le ventre sur la table de massage en attendant un miracle.
Nicolas posa ses mains dans le creux des lombaires de Clémentine et appuya de ses pouces le long de la colonne récalcitrante. De temps en temps, la pression soutirait un gémissement de douleur à Clémentine et il insistait, jusqu'à ce que la tension lâche. Parfois il n'y parvenait pas.
— Clem, tes crises sont beaucoup trop fréquentes, ce n'est pas normal. Tant mieux si les massages te soulagent un peu mais ça ne suffira pas, il faut que tu ailles voir un médecin.
Clémentine soupira. Voilà au moins deux ans qu'elle aurait dû faire une visite de contrôle auprès du chirurgien qui l'avait suivie après l'accident.
Elle avait évité l'opération de peu.
Puisque sa rééducation avait été efficace, et malgré les lésions sur sa colonne vertébrale, l'équipe médicale avait décidé de lui épargner cette épreuve. Mais ses docteurs ne lui avaient jamais caché qu'un jour elle n'aurait peut-être pas le choix.
— Je sais.En rentrant chez elle, Clémentine fit un détour par le sous-sol de l'immeuble et la cave qu'elle avait achetée avec l'appartement.
Elle y entassait un tas de bric-à-brac : son ancienne table de salle à manger, qui avait mal supporté le déménagement et attendait depuis des années d'être emportée à la déchetterie, des affaires de Garance que l'étudiante n'avait pas emportées avec elle à Toulouse, du matériel de bricolage et des outils – tournevis, perceuse, restes de peinture, rouleaux de papier peint entamés. Ses affaires de ski. Elle ferait mieux de les donner, puisque dévaler les pistes n'était plus une option pour elle.
De l'amas d'objets, elle extirpa une béquille. Elle n'avait pas la moindre idée d'où pouvait être la deuxième, mais elle espéra ne pas en avoir besoin.
Après le fauteuil roulant, elle s'était déplacée pendant des mois avec les deux appuis, incapable de tenir sur ses jambes sans soutien. A force de persévérance et de soins, elle avait finalement pu se libérer d'une des béquilles.
Elle avait gardé l'autre longtemps.
Bien après la fin de sa rééducation, elle ne pouvait toujours pas s'en passer. Les médecins essayèrent de lui faire comprendre en douceur qu'elle devrait s'y habituer, mais elle s'y refusa. C'est parce qu'elle était persuadée pouvoir s'en débarrasser un jour qu'elle conserva sa vieille béquille, et ne s'équipa pas d'une canne. Une canne, ça aurait voulu dire que son état était permanent, alors qu'avec la béquille, elle pouvait prétendre être encore en convalescence.
Elle avait eu raison.
A moins qu'elle ait juste réussi à obtenir un sursis ?
Elle remonta dans son appartement avec l'objet qu'elle nettoya et rangea dans la penderie de sa chambre. Elle n'était pas encore prête à s'en servir. Mais désormais elle était là. Au cas où.
Ensuite elle se dépêcha de se rendre à la salle pour assurer ses rendez-vous. Il faudrait vraiment qu'elle se penche sur le dossier Béziers cet après-midi. Les jours filaient et elle n'était absolument pas prête.
Maxime lui occupait l'esprit, elle parvenait mal à être attentive à ce qu'on lui disait. Entre deux séances, elle n'y tint plus et lui envoya un message : Alors ? Comment ça s'est passé ?
Il ne répondit pas tout de suite, elle dut attendre la fin de sa séance suivante pour avoir des nouvelles. Elle ne put s'empêcher d'être déçue. Il lui expliquait qu'il n'avait encore rien dit à Ophélie, mais qu'ils parlaient. Il allait le faire.
Il a besoin de temps, pensa Clémentine, c'est normal. Elle s'en voulut d'avoir manifesté son impatience. Elle lui écrit un nouveau message pour lui signifier qu'elle comprenait et lui souhaiter du courage.A 19 h, alors qu'elle rentrait chez elle, Clémentine s'arrêta devant le salon de coiffure de Sophie et toqua à la vitrine embuée. La coiffeuse releva la tête de derrière le comptoir et lui sourit. Elle fit un moulinet de la main pour lui faire signe d'entrer.
Clémentine s'exécuta et salua les coiffeuses affairées auprès des dernières clientes de la journée, qui à shampouiner une mamie, qui à délester une jeune fille d'une chevelure bien trop abondante.
Les deux amies partagèrent un thé dans l'arrière-salle, Clémentine ne cessait de consulter son téléphone.
— J'attends des nouvelles de Maxime, expliqua-t-elle. Il doit annoncer à sa copine qu'il la quitte.
Sophie ne masqua pas son étonnement.
— Vraiment ? Déjà ?
— On n'a pas envie d'attendre, justifia Clémentine avec un grand sourire. Mais bon, il m'a dit tout à l'heure qu'il ne lui avait pas encore dit.
— Ah.
— Quoi, « ah » ?
— Enfin, Clem ! Il te balade !
Clémentine s'agaça.
— Mais, non, voyons ! Je ne lui ai rien demandé, c'est lui qui m'a annoncé vouloir lui parler dès aujourd'hui.
— Ouvre les yeux, ma vieille. Il te dit ce que tu veux entendre ! Franchement Clem, tu sais que je n'ai jamais cautionné ta relation avec Victor, tu vas vraiment remettre ça ? Être la maîtresse d'un homme qui t'appellera quand bon lui semble ? Souviens-toi qu'il t'a menti en plus, quand il t'a fait croire qu'il était déjà séparé de sa compagne.
— Tu te trompes ! Ça n'a rien à voir ! Je n'ai jamais souhaité être en couple avec Victor, la relation que j'avais avec lui me convenait très bien ! Si Maxime me dit qu'il parle à Ophélie aujourd'hui, je le crois.
— Eh bien, vas-y, appelle-le ! suggéra Sophie.
— Hein ?
— Appelle-le ! On va voir s'il en a dans le pantalon ou s'il se dégonfle !
Et pourquoi pas ? se dit Clémentine. Elle prit Sophie au mot et composa le numéro de Maxime.
— Hey ! fit-elle confiante quand il décrocha. Dis-moi... Ça y est ? Vous avez rompu avec Ophélie ? Enfin... Est-ce que tu lui as dit que c'était fini ?
La question était sans détour, il ne pouvait pas se défiler. Sophie suspendit sa tasse en l'air après avoir bu une gorgée du bout des lèvres. Elle ne pouvait pas entendre ce que disait Maxime, mais le visage de Clémentine se décomposa. Elle déploya un effort considérable pour ne pas lâcher un « je te l'avais bien dit » lorsque son amie raccrocha.
Clémentine accusa le coup. Mais elle était fière et se recomposa un semblant d'assurance avant de rapporter à Sophie la teneur de sa conversation avec Maxime.
— D'accord, tu avais raison. Mais ça ne change rien ! Il va le faire, j'en suis persuadée, il a juste besoin d'un peu plus de temps. Ce n'est jamais évident une rupture.
Sophie secoua la tête. Inutile d'essayer de faire entendre raison à Clémentine. Elle était amoureuse et ne se soucierait guère de ses mises en garde.
— Mais bien sûr, si tu le dis, conclut-elle.
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Effet boomerang (Demain nous appartient - Clemax - ROMAN)
FanfictionAprès une idylle passionnée mais éphémère, les vies de Clémentine et Maxime ont pris des trajectoires différentes. Elle s'est construite une brillante carrière d'entrepreneuse. Lui, après des mois d'errance, a trouvé du réconfort auprès de sa famill...