22. Assume

251 15 6
                                    

Clémentine ne demanda pas à Maxime ce qu'il faisait là. Elle passa devant lui, ouvrit la porte et entra sans un mot. Il la suivit en gardant le silence lui aussi.
— Je suis désolé, dit-il seulement quand la porte se fut refermée derrière lui.
— C'est moi qui suis désolée, Max, rétorqua-t-elle sans oublier toutefois qu'elle était en colère contre lui. Je n'aurais jamais dû aller chez toi.
Elle abandonna ses affaires à même le sol de l'entrée et l'invita froidement à s'asseoir dans la salle à manger, puis elle prit place en face de lui. La table entre eux était sa meilleure alliée. Elle ne se faisait pas confiance s'il la touchait. Mais il fallait parler, d'abord. Pour dire quoi ? Elle n'était plus sûre. Il tendit le bras au-dessus du plateau de verre pour lui saisir la main mais elle la retira prestement.
— Tu m'en veux à ce point ? Je ne comprends pas, je ne t'ai pas caché l'existence d'Ophélie.
Clémentine fixa Maxime. L'intensité de son regard dardé sur elle dissipait le ressentiment qu'elle éprouvait. Cependant il suffisait qu'elle repense à la scène de la veille pour qu'elle sente de nouveau son pouls s'accélérer. Et il fallait qu'il comprenne pourquoi.
— Je ne devrais pas dire ça parce que ça fait probablement de moi une horrible personne mais je me fichais complétement que tu sois en couple, dit-elle. Mon mari depuis vingt ans n'a pas fait le poids face aux sentiments que j'avais pour toi, alors là, crois-moi, je n'ai pas réfléchi. Mais c'était une erreur. Tu ne peux pas lui faire ça, Max. Ni à Ophélie, ni à ta fille.
— Je ne peux pas retomber amoureux de toi ? C'est ce que tu essaies de me dire ?
Clémentine eut du mal à soutenir son regard plus longtemps, et elle cacha ses mains moites sous ses cuisses pour masquer sa nervosité.
— De toute façon ce n'est pas ta copine mon problème, fit-elle d'une voix tremblante.
Maxime semblait de plus en plus perdu.
— Explique-moi.
— Je ne t'en veux évidemment pas d'avoir construit quelque chose avec quelqu'un d'autre, c'est même ce que j'espérais pour toi. Mais j'ai été tellement surprise hier de voir sa réaction, alors que tu m'avais laissé entendre que vous étiez séparés ! On s'est toujours tout dit, tous les deux. Mais là, tu m'as menti, Max. Et ça fait mal.
Maxime baissa les yeux, pas fier.
— C'est vrai, peut-être que j'aurais dû être plus clair avec toi au sujet d'Ophélie, mais je ne voulais pas risquer de te perdre à nouveau. Et puis, c'est allé si vite depuis mercredi.
— Je sais. Trop, sûrement. C'est facile pour moi, je n'ai personne. Mais je comprends que pour toi ce n'est pas si simple, je regrette de t'avoir suivi, hier.
— Tu regrettes ? Carrément ? Dis-moi, qu'est-ce qu'il se serait passé si l'école ne m'avait pas appelé ?
Le souvenir encore brûlant de leur baiser dans le bureau fit tressaillir Clémentine. Maxime insistait.
— Tu es satisfaite qu'on ait été interrompus ? Parce que moi c'est ça que je regrette. Et je ne comprends même pas qu'on ait cette conversation en fait. Je t'aime toujours. Et pardon de t'avoir blessée, mais je ne peux pas croire que tu ne m'aimes pas aussi.
— Max... ce n'est pas si simple... ta situation... Je pense qu'il vaut mieux qu'on prenne un peu de temps pour y voir clair.
— Vraiment ? Alors pourquoi tu as dit à Brunet que tu voulais être avec moi ?
— Quoi ?
— Il est venu voir mon père ce matin, au mas ostréicole. J'y étais.
— Je suis désolée, j'aurais dû te prévenir que je lui avais parlé. On avait rendez-vous, hier après-midi, et j'étais tellement énervée quand il est arrivé que j'ai craché le morceau. Je n'aurais pas dû...
— Arrête ça ! coupa Maxime, lassé des tergiversations de Clémentine.
Il se leva et fit le tour de la table. Il tira d'autorité la chaise à côté de Clémentine et s'assit lourdement, puis la fixa de ses yeux pleins de détermination.
— Regarde-moi ! imposa-t-il alors qu'une fois encore les prunelles de Clémentine le fuyait.
En relevant la tête, elle le trouva beaucoup trop proche, ainsi penché vers elle. Elle se leva avec l'intention de remettre de la distance entre eux. Un peu trop rapidement sans doute, puisque son dos refroidit lui arracha un cri de douleur.
— Aïe ! lâcha-t-elle en manquant de perdre l'équilibre.
Maxime avait bondi et la soutenait par les coudes. Raté pour éviter le contact.
— Tu vas bien ? demanda-t-il d'une voix chargée d'inquiétude.
Une fois encore Clémentine se dit qu'il ne pouvait pas être si prévenant s'il n'était pas sincère avec elle.
Elle expira profondément. Elle aurait aimé lui dire que ce n'était qu'un faux mouvement, que ça allait, mais elle savait qu'une telle douleur n'était pas si innocente. Ça lui arrivait de plus en plus régulièrement ces derniers temps, et elle n'avait vraiment pas été raisonnable, ce matin.
Les deux paumes appuyées sur la table, elle s'octroya encore quelques profondes respirations avant de se redresser et répondre à Maxime.
— Je vais aller m'allonger un peu. Tu veux bien m'aider ?
— Bien sûr ! Dis-moi ! Qu'est-ce que je fais ?
— Rien, reste juste à côté de moi au cas où je m'écroule ! dit-elle avec une légèreté feinte.
Elle avança péniblement jusqu'au salon, Maxime sur ses talons, puis s'allongea sur le canapé en poussant un soupir de soulagement. Il s'assit sur la table basse et demanda encore :
— Ça va ?
Clémentine le regarda tendrement.
— J'ai un peu forcé à la salle ce matin, lui assura-t-elle. Tu veux bien me passer mon téléphone ?
Maxime s'exécuta prestement, et elle s'empressa d'envoyer un SOS par message à Nicolas, lui demandant s'il aurait un moment pour elle dans la journée.
— Bon, fit Maxime quelques instants plus tard en voyant que Clémentine reprenait du poil de la bête, je salue ta tentative de diversion mais je n'en ai pas fini avec toi !
Clémentine secoua la tête.
— Tu devrais pourtant, regarde dans quel état je suis !
Maxime ne se laissa pas distraire.
— Alors ? Qu'est-ce que tu as dit à Brunet ?
— Il s'appelle Victor.
— Peu importe !
Clémentine se sentit coincée, Maxime était penché au-dessus d'elle, avec un sourire narquois néanmoins ravageur. Il semblait s'amuser, tellement sûr de lui. Finalement l'incident avait détendu l'atmosphère. Elle se redressa péniblement pour se mesurer à lui – de nouveau assis sur la table basse, leurs genoux se touchaient presque –, et cala un coussin dans le creux de son dos.
— Tu veux vraiment m'entendre le dire ! dit-elle.
— Oh que oui !
— Alors oui, je t'aime aussi, avoua-t-elle.
— Et...
— Comment ça, « et » ? Ça ne te suffit pas ?!
Malgré ce qu'il prétendait, Maxime savait que ce n'était pas suffisant. Sa situation, comme lui avait rappelé Clémentine, était délicate. Ophélie lui prenait Clémence aujourd'hui. Il irait la chercher à l'école, comme d'habitude, puis elles iraient toutes les deux chez les parents d'Ophélie. La petite n'y verrait que du feu, ravie d'improviser une nuit chez son papy et sa mamie adorés. Maxime rentrerait seul chez lui, et demain serait un autre jour. Leur fille resterait chez ses grands-parents, pour qu'ils puissent parler tranquillement. Maxime appréhendait cette discussion. Il craignait ce qu'Ophélie lui dirait autant que ce que lui avait à dire.
Alors non, ça ne lui suffisait pas. Il avait besoin de savoir que c'était possible. Qu'il pourrait vivre cet amour sans semer le désordre autour de lui. Mais Clémentine était aussi désemparée que lui. Leur amour les encombrait. Elle ne demandait qu'à le laisser éclore, mais, même si elle refusait de l'admettre, elle ne supporterait pas de le savoir retourner auprès d'Ophélie en attendant. Alors qu'elle avait entretenu pendant des années et avec satisfaction une relation avec un homme engagé aux côtés d'une compagne officielle et Dieu sait combien d'autres maîtresses, elle se découvrit jalouse de cette femme qui en plus d'être jeune était jolie. Parfaite pour Maxime.
— Et je ne sais pas ce qui nous arrive, Max.
— Tu sais ce qu'on a fait, Clémence et moi, l'autre jour ? (Clémentine secoua la tête.) On a regardé la Belle au bois dormant. J'ai l'impression que c'est ce qui se passe. Je dormais. Et voilà que tu viens me réveiller.
— Je ne comprends pas ce que tu fais avec moi. Tu as une famille, et toute la vie devant toi. A quoi pensait la fée qui s'est penchée sur ton berceau ?
Trois coups secs sur la porte qui s'ouvrit sur-le-champ empêcha Maxime de répondre.
— C'est moi ! T'es où, ma belle ? appela Nicolas de l'entrée.
Clémentine s'amusa de la mine surprise de Maxime quand elle cria à Nicolas de les rejoindre.
— Nico, je te présente Maxime, annonça-t-elle. Un ami.
Elle avait insisté sur le mot ami et décocha un regard malin à Maxime.

Effet boomerang  (Demain nous appartient - Clemax - ROMAN)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant