— Il m'a proposé de vendre BodyAccess.
— Quoi ? Mais il ne peut pas te faire, ça ! Quelle enflure !
— Calme-toi ! Viens, je vais t'expliquer, ça n'est peut-être pas une mauvaise idée.
Toujours recouverts de leur drap blanc qui leur donnait l'allure d'un fantôme à deux têtes perdu dans la nuit, ils regagnèrent l'intérieur. Clémentine demanda à Maxime s'il y avait quelque chose à boire, et il leur servit deux grands verres de thé glacé à la menthe – c'est tout ce qu'il avait trouvé – pendant qu'elle enfilait sur son corps mince un de ses tee-shirts. Elle lui lança un boxer qu'il revêtit avant de s'asseoir près d'elle sur le canapé.
— Je ne vois pas comment ça pourrait être une bonne chose, bougonnait-il, tu as ton mot à dire, non ? Ce concept, c'est ton idée, à la base !
— Chut, mon amour ! supplia Clémentine. Ecoute-moi, d'accord ?
Maxime cessa de commenter. Il était intrigué car elle n'avait pas l'air outré et il ne comprenait pas pourquoi. Elle poursuivit :
— Bien sûr que j'ai mon mot à dire. Il m'a fait part d'une proposition que l'on a reçu, voilà tout. On décidera ensemble.
— Tu t'y attendais ?
— Oui, ce n'est pas une surprise. L'acquéreur potentiel est un groupe américain qui possède sa propre chaîne de salles de fitness. Ils veulent s'implanter en France et l'axe du handicap les intéresse énormément. Ils nous ont déjà contacté il y a quelques mois, mais j'avais refusé catégoriquement, je n'étais vraiment pas prête à me séparer de BodyAccess. Mais là... Les circonstances sont différentes et leur offre bien plus agressive. D'après Victor c'est une aubaine. Donc je me dis que pourquoi pas, c'est peut-être le moment.
— Je suppose que c'est la rançon du succès..., commenta Maxime, calmé. Je comprends que ça cogite dans ta petite tête !
En rigolant, il tapota la tempe de Clémentine de son index. Elle attrapa son doigt puis baisa la paume de sa main, et la garda serrée dans la sienne avant de lui rapporter la suite de leur échange, qu'elle aborda d'une voix posée :
— Ce n'est pas tout. Victor ne pense pas que ton idée de développer la vente directe au mas soit mauvaise. En ouvrant une boutique ou en mettant en place un distributeur automatique de bourriches vous pourriez gagner gros.
— Ah bon ? C'est ce qu'il pense ? Il a eu une drôle de façon de le montrer !
Clémentine ne releva pas le commentaire acerbe de Maxime, l'important n'était pas là. Elle tendit le bras et lui caressa la joue. Comme un chat, il ferma les yeux et se lova dans la chaleur de sa main. Avant de poursuivre doucement – pour le préserver –, elle se pencha et l'embrassa du bout des lèvres.
— Il pense aussi que ça ne suffira pas. Il m'a montré les bilans que ton père lui a communiqué et à première vue je suis d'accord avec lui.
— Et donc ? Je ne comprends pas où tu veux en venir.
Clémentine se mordit la lèvre inférieure. Elle n'était pas sûre que Maxime soit aussi réceptif qu'elle à la proposition de Victor.
— La solution, selon lui, est de joindre vos forces avec Andrieu. Fusionner en une seule exploitation pour commercialiser vos huîtres sous une marque commune, débita-t-elle.
La stupéfaction se lut sur le visage de Maxime. Néanmoins, la curiosité le piqua, ses sourcils se levèrent.
— Et comment on ferait ça ? Il s'en sort à peine mieux que nous !
— Ça peut paraître contradictoire, mais c'est pour cela qu'investir dans les deux affaires à la fois est pertinent ! Victor a eu du mal à l'admettre, parce que ça servirait les intérêts d'Andrieu autant que les vôtres, mais pour moi il est prêt à renoncer à sa vendetta contre lui. Ça l'amusait de lui chercher des noises, mais ça devient trop compliqué, il n'a plus envie de se mêler de cette affaire.
Maxime ne put retenir un nouveau sarcasme.
— Quel merveilleuse preuve d'humanisme ! Mais comment ça, « pour toi » ?
Clémentine se replaça en repliant sa jambe sous elle de façon à faire face à Maxime ; c'est là que ça devenait intéressant.
— Victor ne veut rien avoir à faire avec l'élevage d'huîtres, ça, c'est clair, mais il pense que je pourrais le faire, lâcha-t-elle d'une traite, avant de préciser : si on vend BodyAccess j'aurai beaucoup d'argent.
— Attends, je ne suis pas sûr d'avoir bien compris. C'est quoi l'idée ? Tu rachèterais les deux mas ? Toi ?
— Tu penses que c'est idiot ?
Maxime se leva, incapable de réfléchir assis. Il entreprit de faire les cent pas, sous le regard anxieux de Clémentine, qui avait parfaitement conscience d'avoir lâché une bombe.
— Whouhaou ! Je n'avais pas du tout imaginé ça... mais je ne trouve pas l'idée idiote, non. Tu l'envisages sérieusement ?
Clémentine, qui retenait sa respiration, poussa un soupir de soulagement.
— Je crois, oui. C'est tout frais, j'ai besoin d'y réfléchir mais plus j'y pense plus le projet me plaît.
Maxime se rassit, plein d'enthousiasme. Il caressa la cuisse nue de Clémentine.
— Tu es incroyable ! Ça serait génial !
— Vraiment ?
— Evidemment ! Ça voudrait dire que tu me rejoindrais à Sète, non ? Si tu n'as plus ton boulot à Montpellier ?
— Alors... J'avoue que c'est le bon côté de la chose, parce que je dois admettre que finalement, Montpellier me paraît bien trop loin d'ici. Rien que l'idée de rentrer sans toi demain ça me déprime ! Mais ça n'est absolument pas une raison suffisante pour se lancer dans cette aventure, les enjeux sont autrement plus importants !
— Je sais, mais ça donne une motivation supplémentaire !
Il l'embrassa passionnément, ses doigts se perdant dans ses cheveux qui retombaient librement sur ses épaules. Elle rompit leur baiser, sans toutefois se détacher de lui, car son désir lui donnait du courage.
— Tu réalises que si on le fait, tu travailleras pour ton père et moi ? Je ne sais pas si c'est une bonne idée pour notre couple.
— Tu rigoles ? J'adorais déjà l'idée de travailler avec mon père, si en plus tu es avec nous je suis aux anges ! Vous êtes probablement les deux personnes au monde en qui j'ai le plus confiance, pourquoi je me plaindrais ? Et je sais par Marina que tu es une excellente patronne !
— Ah oui ? Depuis quand elle te fait des confidences celle-là ? Déjà qu'elle te mate beaucoup trop à mon goût quand tu viens à la salle !
— Tiens donc ! Qui est jalouse maintenant ?
Il ne résista pas à l'envie de la taquiner, et se pencha au-dessus d'elle pour la chatouiller. En se tordant en tous sens, Clémentine s'agrippa à ses épaules. La bouche de Maxime se perdait dans son cou, et il retroussait son tee-shirt sur son ventre.
— Arrête ! gloussa Clémentine en se redressant, ce qui obligea Maxime à en faire autant.
Ils n'avaient pas fait le tour de tout ce qui la préoccupait.
— Et ton père ? Qu'est-ce qu'il va dire ? C'est beaucoup lui demander de m'accepter au capital de son entreprise, surtout si j'exige qu'il s'associe avec Andrieu. En plus de ça, je suis novice en la matière. Même si j'ai beaucoup appris avec Victor ces dernières années et que je sais administrer BodyAccess, là c'est différent, je ne connais rien aux huîtres ! Je n'ai pas l'intention de le déposséder de la gestion du mas, c'est certain, mais il devra quand même me faire confiance. Et puis, bah... techniquement je suis sa belle-fille, quoi.
— Tu es bien présomptueuse, je ne t'ai pas encore demandé de m'épouser !
— Oui, enfin, tu m'as comprise !
— On lui en parlera quand tu seras sûre, pas la peine de le tracasser avant.
Clémentine réfléchit. Alex était le premier concerné par cet arrangement, mais par conséquent celui aussi qui avait le plus à perdre.
— Tu as raison. Et puis, même après, il aura le temps de s'y faire, la transaction avec les américains pour BodyAccess ne va pas se faire du jour au lendemain ! Surtout si entre-temps je dois séjourner à l'hôpital... Mon Dieu, je ne sais pas comment je vais arriver à gérer tout ça, et si j'en étais incapable ?
— Alors ça, tu arrêtes tout de suite ! coupa Maxime. La vraie question, c'est comment on va réussir à te suivre, nous ? Mais en tout cas, tu m'as l'air bien décidé, pour quelqu'un qui doit réfléchir !
— Humm... C'est risqué tout de même, on ne doit pas se précipiter, même si ça paraît idéal. Et j'attends aussi de voir le détail de ce que proposent les américains pour le rachat. Je ne vendrai pas BodyAccess sans garanties pour mes équipes. S'ils envisagent de se séparer d'eux c'est niet. Et...
Maxime interrompit le flot incessant de ses paroles par un baiser profond, jusqu'à ce que les mots se transforment en plaintes lascives. Il sentit alors Clémentine se laisser aller à la détente dans ses bras.
— Tu sais ce qu'on dit ? La nuit porte conseil ! Tu as ruminé bien assez pour aujourd'hui, et n'oublie pas que demain en fin de matinée tu as ton rendez-vous avec Manou, il faut qu'on dorme.
Clémentine laissa Maxime l'entraîner au lit, mais le sommeil la fuit encore de longues minutes. L'appréhension, qui face à la décision qu'elle pourrait prendre s'était muée en doute quand elle en avait fait part à Maxime – réalisant ainsi toutes les responsabilités qui lui incomberaient –, se transformait désormais en excitation. Son cerveau cochait des cases. D'une part les pours : sauver le mas, se rapprocher de Maxime, travailler avec lui – pourquoi pas vivre avec lui ? –, et les contre : quitter Montpellier, son appartement qu'elle adorait et ses amis, le sentiment d'abandonner ses collègues de BodyAccess. Travailler avec Maxime. Après avoir fini de détailler le plafond en analysant toutes ces pensées contradictoires elle se redressa sur un coude et fit face à son homme. Il dormait à plat ventre, le visage tourné de l'autre côté, sa jambe gauche repliée, le galbe de ses fesses retenant à peine le drap qui glissait. S'apprêtait-elle à tout gâcher ? Etaient-ils capables de travailler ensemble sans que leur couple en pâtisse, le jour où il faudrait prendre des décisions difficiles ? Mais ne serait-ce pas merveilleux aussi de le voir tous les jours ? Après le temps qu'ils avaient perdu et celui, incertain, qu'il leur restait ?
Pleine autant d'espoir que de doutes, elle s'endormit finalement, apaisée par le rythme lent de la respiration de Maxime.
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Effet boomerang (Demain nous appartient - Clemax - ROMAN)
FanfictionAprès une idylle passionnée mais éphémère, les vies de Clémentine et Maxime ont pris des trajectoires différentes. Elle s'est construite une brillante carrière d'entrepreneuse. Lui, après des mois d'errance, a trouvé du réconfort auprès de sa famill...