17. Se réapprendre

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— Il faut que je m'en aille, déclara Maxime.
Il ne bougea pas d'un pouce pour autant. Ils s'étaient allongés dans l'herbe épaule contre épaule. Les rayons printaniers du soleil les enveloppaient d'une douce chaleur.
— Déjà ? déplora-t-elle.
— Oui, il est bientôt midi, je dois aller chercher Clémence à l'école.
Clémentine se redressa avec un pincement au cœur. Elle aurait aimé prolonger cette parenthèse de quiétude avec Maxime, car elle n'était pas certaine qu'elle se reproduise. Elle avait la sensation qu'ils s'étaient échappés des heures, mais la réalité était qu'elle aussi devait retourner travailler.
Ils marchèrent en silence vers le parking.
— Je la redépose à 13 h 30, énonça Maxime quand ils arrivèrent devant sa voiture.
— J'ai des rendez-vous en début d'après-midi.
— Demain ?
— C'est dans longtemps !
Clémentine bouda. Elle plaisantait mais en même temps se refusait à quitter Maxime. Elle craignait qu'il disparaisse à nouveau pour des années. Affronter une nouvelle fois la douleur du manque et la souffrance de ne pas savoir serait au-dessus de ses forces. Mais il partageait les mêmes doutes et s'éternisait. Si la circulation était dense, il serait en retard.
— Je peux t'appeler tout à l'heure ? proposa Clémentine.
— Bien sûr.
Rassurée, elle le poussa pour qu'il monte dans sa voiture, pas question que la petite Clémence doive patienter par sa faute ! Maxime obtempéra en rigolant, non sans lui voler un autre baiser.

Clémentine tint bon jusqu'à 17 h. Ils devaient être rentrés, maintenant, Maxime lui avait dit qu'ils habitaient tout près de l'école.
— Je ne te dérange pas ?
— Non, on finit de goûter !
Clémentine entendait babiller derrière Maxime. Elle eut envie d'être avec eux. Elle réclama une photo. Maxime lui en envoya une prise sur le fait, à l'insu de Clémence qui avait le nez plongé dans un verre de lait, et une autre, prise quelques jours auparavant, où elle prenait fièrement la pose devant l'objectif.
— Elle te ressemble ! s'émerveilla Clémentine, malgré les boucles blondes de la fillette.
Maxime coinça le téléphone sous son oreille et débarrassa la table. Clémence fila dans sa chambre et il put se consacrer pleinement à Clémentine. Comme s'il pensait à autre chose depuis le matin.
— C'était une catastrophe cet après-midi, confia Clémentine, je n'ai fait que des bêtises. Tu me déconcentres !
Maxime rit. Au moins ils étaient raccords. Il se prépara un café et s'installa confortablement dans son fauteuil préféré du salon. Juste sous la fenêtre, il était bien plus confortable que le canapé d'angle design qui prenait toute la place dans la pièce.
— Parle-moi de toi, dit-il, j'ai l'impression que tu n'as fait que m'écouter depuis hier ! Aussi, j'y pense, comment as-tu retrouvé mon numéro ?
— Oh, tu ne vas pas me croire ! Par Garance ! Elle savait, Max. Pour nous ! Elle ne m'a jamais rien dit mais elle l'a appris juste après mon départ, et tu ne devineras jamais comment !
Maxime manqua d'avaler de travers une gorgée de café. Clémentine ménagea son effet, avant d'avouer finalement que c'est Bart qui avait vendu la mèche.
— L'enfoiré ! s'exclama Maxime. Il m'avait juré de n'en parler à personne !
— Ne t'inquiète pas, c'est vrai que ça aurait pu être grave, je n'ose même pas imaginer ce qu'il se serait passé si Garance en avait touché un mot à son père, par exemple, et je comprends mieux son comportement avec moi à cette période, mais finalement je suis soulagée. On a énormément parlé toutes les deux, et tout va bien.
— Tant mieux, fit Maxime. Et moi ? Tu m'en veux d'avoir parlé de toi à Bart ?
Clémentine soupira.
— Non. Je comprends que tu aies eu besoin de te confier à quelqu'un. Pour moi aussi ça a été compliqué de tourner la page, tu sais.
— C'était trop dur à gérer. Tu n'imagines même pas le nombre de fois où j'ai pensé venir te rejoindre. J'ai cru que j'allais devenir fou.
— Je suis désolée pour tout ça.
— Pas moi. Encore moins aujourd'hui. Je ne sais pas ce qu'on est en train de faire, Clem, mais je n'ai pas été aussi heureux depuis longtemps. Tu m'as manqué.
Clémentine sourit, son cœur battait à tout rompre.
— Ça veut dire quoi, Maxime. Pour toi et moi ?
— Je ne veux plus qu'on se quitte.
L'émotion submergea tout à fait Clémentine. C'était d'une telle évidence entre eux. Elle oscillait entre l'espoir de voir leur amour renaître, et le regret d'avoir perdu des années.
— Clem ?
— Tu m'as manqué aussi. Tellement.
— Comment elle aurait été, notre vie, si tu étais restée ?
— Et si tu n'étais pas venu à Montpellier ? rétorqua-t-elle.
— D'accord ! Je vois où tu veux en venir ! s'esclaffa Maxime. On ne peut pas réécrire l'histoire !
— Exactement ! Et puis, c'est peut-être égoïste de ma part, mais je préfère mille fois travailler ici dans ma salle qu'être prof à Paul Valéry !
Maxime n'eut aucun mal à la croire.
— C'est génial que tu aies réussi ! Je me suis renseigné un peu sur Internet et j'ai vu que tu avais carrément un réseau. Tu as le succès modeste car ça cartonne, non ?
— Oui ! Mais ça, c'est grâce à Victor, mon associé, toute seule je n'aurais pas fait le quart de ce qu'on a accompli ! Quand je l'ai rencontré, à Sète, je voulais juste qu'il investisse, ça aurait déjà été énorme, mais finalement le projet lui a plu et depuis on bosse ensemble !
— Attends, s'étonna Maxime. Victor ? Tu ne parles pas de Brunet quand même ? Dis-moi qu'il y a d'autres hommes d'affaires à Sète qui se prénomment comme ça.
— Si ! C'est lui ! Tu le connais ?
— Tu travailles avec cet enfoiré ?
— Pardon ?
— Ça fait des mois qu'il essaie de mettre la main sur le mas de mon père ! C'est un escroc ! Il n'a aucune empathie et cherche à nous écraser comme des mouches !
— Je ne savais pas. Je reconnais qu'il peut être exigeant mais dans le fond il...
— C'est grâce à lui ta salle ? interrompit Maxime, toujours sous le choc. Je suis dégoûté.
— Max, non seulement Victor est mon associé, mais c'est aussi mon ami. Un de mes meilleurs amis, même, répondit sèchement Clémentine.
Elle ne jugea pas nécessaire de préciser qu'il était aussi son amant... Pas besoin de voir Maxime pour savoir qu'il était déçu. Mais qu'avait-il à lui reprocher ? Elle pouvait bien se lier d'amitié avec qui elle voulait, non ?
— Ecoute, tu viendras à la salle, je te montrerai ce qu'on a construit ensemble et tu verras qu'il n'est pas si impitoyable, proposa-t-elle dans une tentative d'apaiser les choses.
Maxime se radoucit, même s'il avait du mal à digérer la nouvelle. Il réalisait qu'ils se connaissaient finalement bien peu, et que les années écoulées avaient forcément laissé des traces. Il s'en voulut de s'être emporté, après tout Clémentine n'y était pour rien. Il s'excusa.
— Il faut qu'on se réapprenne, Max, dit gentiment Clémentine. Je ne suis peut-être plus celle que tu crois. On va prendre le temps.
La sérénité de Clémentine rassura Maxime. Elle savait ce qu'elle voulait, et même si lui ne savait plus trop où il en était, il avait juste envie de se laisser porter.

Effet boomerang  (Demain nous appartient - Clemax - ROMAN)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant