42. Sophie

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— Alors, ma belle, quand est-ce que tu m'annonces que tu plies bagage ?
Sophie déplissa le chemisier qu'elle venait d'extraire de la bassine où s'entassait le linge propre issu des deux précédentes machines et le déposa sur la pile des vêtements de Lucie. Elle avait décidé de s'atteler à la corvée quand son amie était arrivée à l'heure du thé, un sachet rempli de chouquettes crémeuses à la main. Clémentine souffla sur la tasse fumante entre ses mains.
— Tu me connais trop bien, énonça-t-elle.
— Donc, si je résume : tu vas vendre ton business pour un mas ostréicole mal en point, celui de ton beau-père qui plus est ? Et tout ça pour bosser avec ton chéri ?
— C'est ça.
— Pfff, ça doit être fatigant d'être toi en ce moment !
Clémentine explosa de rire.
— Ça veut dire quoi, ça ?
— Tu es sûre que tu veux faire ça ? Et si ça ne marche pas avec Maxime ? Tu vas te retrouver avec leur affaire sur les bras ? Et si vous n'arrivez pas à redresser la barre ? Tu risques d'y laisser des plumes, alors que BodyAccess c'est une affaire qui roule !
— Je sais que c'est risqué comme transaction, mais ça devrait aller. Primo parce que je ne compte pas qu'on se plante, je pense vraiment que ça va marcher, et deuzio parce que quand bien même ça n'irait pas, j'ai de quoi voir venir avec la vente de BodyAccess, je ne vais pas tout investir dans le mas.
— Madame est riche ! siffla Sophie. Mais tu ne m'as pas répondu : et si c'est ton couple qui flanche ? Tu te rends compte quand même que c'est hallucinant de tout plaquer pour un mec avec qui tu sors depuis quelques semaines seulement ?
Le pouls de Clémentine s'accéléra, tandis qu'une lueur passionnée s'allumait au fond de ses yeux.
— S'il y a bien un doute que je n'ai pas c'est celui-là ! Je suivrais Maxime au bout du monde s'il me le demandait.
— Eh bien ! J'espère qu'il réalise la chance qu'il a, celui-là !
— D'ailleurs... Je t'ai dit que sa sœur, Judith, vit en Nouvelle-Zélande ? Elle revient de temps en temps, mais eux ne sont jamais allés là-bas. Tu crois que c'est trop si je leur paie le voyage pour lui rendre visite ? A Max et ses parents ? Elle connaît à peine sa nièce, et elle manque tellement à Chloé... Ça me fend le cœur. J'imagine si c'était Garance là-bas...
— Bah ça dépend... Je suis invitée ? plaisanta Sophie.
— T'es bête ! Mais je suis sérieuse ! Ça me ferait plaisir mais j'ai peur qu'ils le prennent mal.
— C'est généreux de ta part mais tu devrais peut-être attendre un peu avant de leur proposer un truc pareil... Tu leur prends déjà leur fils et leur exploitation familiale et tu voudrais en plus les expédier de l'autre côté de la planète ? A leur place je me poserais des questions sur tes motivations, ça fait un peu psychopathe ! Genre tu essaies de leur voler leur vie ! J'ai vu un reportage sur les usurpations d'identités l'autre jour, ça fait froid dans le dos.
Clémentine leva les yeux au ciel.
— Je ne leur prends rien du tout, voyons ! Au contraire, même ! Puisque si on mène le projet à son terme Maxime reviendrait définitivement à Sète. S'il y en a une qui leur avait pris leur fils, c'est Ophélie, pas moi ! Mais bon, tout cela reste hypothétique de toute façon, nous n'en avons pas encore parlé à Alex.
— Ah ! Effectivement, c'est probablement une bonne idée de commencer par-là !
— Maxime ne voulait pas l'importuner trop tôt, tant que ça n'était pas sûr. Mais maintenant que j'ai donné à Victor mon feu vert pour céder BodyAccess ça pourrait s'enchaîner assez rapidement !
— Et cet Andrieu ? Il ne sera pas un obstacle ?
— Je ne crois pas. Alex a de l'estime pour lui, donc je pense qu'humainement on arrivera à s'entendre. Et je sais aussi que c'est quelqu'un d'honnête, puisqu'il a refusé de céder à un chantage de Victor quand il bossait au port. Pourtant on sait comme Victor peut être persuasif quand il s'y met ! Au pire il n'est pas du métier à la base, son exploitation n'est pas familiale comme celle d'Alex, il y a moins d'affect, donc je devrais sans trop de difficultés réussir à le convaincre de me la céder si on devait en arriver là, même si je préférerais qu'il reste, ça éviterait d'avoir à recruter quelqu'un d'autre avec son expérience.
— Que de machinations ! Tu parles comme Victor quelquefois, c'est flippant !
— Je vais prendre ça comme un compliment, décida Clémentine.
— En tout cas c'est bien, tu ne travailleras plus avec ton amant, ça aurait fini par te mettre dans de beaux draps cette affaire, sans mauvais jeu de mots !
— Arrête, je ne couche plus avec Victor depuis que je suis avec Max, je ne lui ferais jamais ça.
— Oh je sais bien ! Mais un moment de faiblesse est si vite arrivé, après une dispute avec ton chéri ou un verre de trop. Combien de fois tu ne m'as pas raconté une de vos réunions de travail transformée en partie de jambes en l'air !
— Oui et bien, ça, ça pourra toujours arriver, je vais juste changer de collègue ! railla Clémentine.
— Ah oui, je vous vois bien, Maxime et toi, à faire l'amour comme des adolescents, vautrés dans un monticule d'huîtres ! C'est qu'il doit être sacrément sexy avec un tablier et des bottes en caoutchouc ! Tiens, vous devriez le prendre en photo et en faire un calendrier pour les fêtes, à donner à vos clientes, je suis sûre qu'il ramasserait un paquet d'étrennes. M'enfin, tant que tu ne te tapes pas le père aussi !
Clémentine repoussa un haut-le-cœur, Sophie se tordait de rire.
— Ça ne va pas la tête !
— Blague à part, ça t'ira de voir ton beau-père tous les jours ? Franchement, je ne supporterais pas d'avoir le père de Daniel dans mes pattes à tout bout de champ.
— On ne bossera pas ensemble au quotidien, mon job sera d'assurer la gestion administrative de l'exploitation et de trouver de nouveaux marchés, je n'aurai pas besoin d'être sur place tout le temps.
— Mais Maxime s'est installé au mas, non ? Le but n'est-il pas justement de le rejoindre ?
— Si...
— Je sens comme un os, devina Sophie.
— Le boulot c'est une chose, mais ça j'aurais du mal à m'en accommoder, avoua Clémentine. Avoir Alex qui monte prendre son café tous les matins alors que je me réveille tout juste, non merci. En plus c'est mignon, mais il y a une tonne de travaux à faire pour que ça soit vraiment vivable. Il faudrait que j'en parle à Maxime mais je crois que lui ne voit pas de problème, il adore l'endroit et en plus il vient d'y installer Clémence, alors la refaire déménager...
— Eh, oh ! Tu ne vas pas te laisser dicter ta conduite par une gamine de quatre ans ! En plus ça serait quoi l'alternative ? Plutôt une petite maison sympa au bord de l'étang qu'un appart en centre-ville, non ? Pourquoi Maxime hésiterait entre ça et un trois-pièces miteux qui sent l'huître ?
Clémentine éclata de rire et dut retenir une envie pressante, les contractions de ses abdominaux en plus des tasses de thé qu'elle s'enfilait pesèrent dangereusement sur sa vessie.
— Oh, Soph ! Ça va me manquer de papoter avec toi !
— Dis-donc, j'espère bien que tu vas revenir nous voir souvent, Sète ce n'est pas le bout du monde, pardi ! Et tu as intérêt à me filer un tarif préférentiel sur vos huîtres, ça m'intéresse plus qu'un abonnement à BodyAccess !

Clémentine repartit de chez son amie le cœur léger. Elle ne repassa même pas chez elle et prit hâtivement la direction du mas, elle avait promis à Maxime de passer la soirée et la nuit avec lui. Et tant pis si Alex la sortait du lit demain matin.

Effet boomerang  (Demain nous appartient - Clemax - ROMAN)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant