19. 38,4

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Clémentine se servit un nouveau café et patienta nerveusement. Ses lèvres la brûlaient. La fougue du baiser de Maxime l'avait surprise, et réveillé en elle une passion qu'elle s'aperçut ne pas avoir éprouvée depuis longtemps. Perdue dans ses pensées, elle ne l'entendit pas la rejoindre.
Il s'arrêta entre le séjour et la cuisine, avec la volonté de garder une distance respectable entre sa raison et la tentation de se réfugier à nouveau dans les bras de Clémentine.
— Clémence est malade, je dois y aller.
Clémentine sursauta. Elle lui adressa un petit sourire empreint de tristesse, de regret peut-être un peu aussi.
— Bien sûr, je comprends.
Ancré dans le sol, il refusait de lui tourner le dos. Elle posa sa tasse sur le plan de travail et se dirigea vers lui.
— File ! dit-elle avec un engouement feint, en le forçant par les épaules à prendre la direction de la porte.
Bien sûr qu'elle aurait préféré passer la matinée avec lui, comme ils l'avaient envisagé. Mais comment rivaliser avec une petite fille souffrante ?
Maxime ne lui facilitait pas la tâche. Il avait attrapé sa main et lui écrasait les doigts.
— Viens avec moi ! lança-t-il spontanément.
— Chercher ta fille ? Max...
— Quoi ? Ce n'est rien, juste un petit mal de ventre, tu sais comment c'est à cet âge-là ! On va rentrer et je vais la mettre au chaud, et puis on pourra discuter !
Clémentine hésita. Une demi-seconde.
— D'accord.
— D'accord ?
La stupéfaction se lut sur le visage de Maxime. Il pensait avoir dépassé les bornes en lui proposant de venir avec lui. Chez lui. Avec sa fille. Clémentine lui demanda deux minutes et disparut dans sa chambre. Elle réapparut en enfilant un blouson en jean sur son tee-shirt, et souleva la masse de ses longs cheveux pour les dégager du col. Elle arborait toujours le médaillon avec leurs initiales. Une paire de baskets vint rapidement chausser ses pieds. En quelques mouvements efficaces supplémentaires elle rafla sac, clés, lunettes de soleil, téléphone, puis elle entraîna Maxime dehors.

Peu de temps après, Clémentine faisait les cents pas sur le trottoir devant l'école publique, et chaque minute qui passait semait le doute dans son esprit. Toute à son envie de rester avec Maxime elle avait occulté le fait qu'elle était sur le point de rencontrer sa fille, rien que ça. Son enfant. La chair de sa chair. Et celle d'Ophélie. Cette jeune femme qu'elle ne connaissait pas et qui avait donné à Maxime ce bonheur qu'elle-même n'aurait su lui offrir.
Maxime ressortit de l'établissement rassuré, la petite dans les bras. Ils avaient utilisé la voiture de Clémentine pour arriver au plus vite de chez elle mais elle n'était pas équipée d'un siège auto alors ils l'abandonnèrent sur une place de stationnement et empruntèrent à pied les quelques rues les séparant de chez Maxime.
Revigorée par l'air frais et la présence rassurante de son père, Clémence demanda à descendre de ses bras, et, pour la première fois, remarqua la présence de Clémentine.
— Ma puce, Clémentine est une amie, elle va venir avec nous à la maison, expliqua Maxime.
— Bonjour Clémence ! salua joyeusement Clémentine.
La fillette leva vers elle de grands yeux brillants, et Clémentine se sentit fondre.
— Mes deux Clem ! s'enthousiasma Maxime, ce qui eut pour effet de faire rire Clémence, amusée par la similitude entre son prénom et celui de cette amie de son père qu'elle n'avait jamais rencontrée, mais qui semblait gentille.
Maxime adressa un clin d'œil à Clémentine qui se détendit enfin.

— 38,4 °C, déclara Maxime. Ça va. Elle a un peu mal au ventre mais rien de grave pour le moment, elle dort déjà, j'appellerai le médecin si ça ne va pas mieux après sa sieste.
Il s'assit sur le canapé design pas confortable sur lequel il avait invité Clémentine à patienter et lui prit la main.
— Tu l'as bien réussie, elle est adorable ! s'ébahit-elle, sincère.
— Et encore, elle est K.O., là ! C'est une vraie pile électrique quand elle n'est pas malade !
— Oh, mon mollet s'en souvient très bien ! Figure-toi que j'ai un sacré bleu ! rigola Clémentine.
Maxime en profita pour glisser ses doigts le long de sa cuisse, descendant jusque sous son genou pour l'attirer contre lui. Sa main continua ensuite son chemin et s'engagea sous son tee-shirt. Des frissons qui n'avaient rien à voir avec la fièvre remontèrent le long de la colonne vertébrale de Clémentine. Il s'approcha de son visage mais ne l'embrassa pas, attisant sadiquement son désir. Les yeux grands ouverts, il la dévorait. Leurs souffles se mêlaient.
— Si tu continues ça je ne vais pas pouvoir te résister, chuchota-t-elle d'une voix grave.
Sûr de son effet, il sourit et effleura à peine les lèvres entre-ouvertes que Clémentine lui tendait. Un baiser. Un deuxième. Alors que sa langue entrait dans la danse, cherchant son âme sœur, Clémentine recula.
— Pas maintenant, Max. Pas comme ça, pas ici.
Sans rancune, il déposa un dernier baiser sur sa tempe et l'invita à se serrer contre son torse. Elle se blottit sans se faire prier.
— Raconte-moi la Nouvelle-Zélande, réclama-t-elle, et elle se laissa bercer par sa voix au creux de son oreille.

— Qu'est-ce que...
Clémentine se redressa et Maxime se leva d'un bond. Ni l'un ni l'autre n'avait entendu Ophélie entrer.
— Tu n'es pas au bureau ? demanda Maxime d'un air bête.
— Comme tu le vois, non. J'ai des heures à récupérer, j'ai voulu rentrer plus tôt pour voir comment allait Clémence.
— Je t'ai dit que je m'en occupais... Ce n'est rien, elle dort.
— Tu t'en occupes, là ? rétorqua Ophélie. Qui est-ce ?
— Je... commença Clémentine.
— Ecoute, interrompit Maxime. C'est une amie avec qui j'étais quand l'école m'a appelé.
Une amie ?
Les deux femmes le fusillèrent du regard.
Si Ophélie était décontenancée, Clémentine était furieuse.
— Une amie, vraiment ? Tu te fous de moi ! s'emporta Ophélie.
— Max ! Tu m'as dit que vous étiez séparés ! éructa Clémentine peu subtilement.
— J'ai dit que nous allions nous séparer ! se défendit-il.
— Je ne crois pas, non ! insista Clémentine.
— Ça va ? Je ne vous dérange pas ? fit Ophélie, agacée.
Elle laissa le sac qu'elle tenait sur son épaule tomber lourdement au sol, puis elle croisa les bras sur sa poitrine. Maxime l'ignora et se tourna de nouveau vers Clémentine, suppliant.
— Je te jure, je ne voulais pas te duper, pour moi c'est clair...
La conversation à laquelle elle assistait sembla enfin résonner dans l'esprit de Ophélie. Elle eut un mouvement de recul.
— Max, qu'est-ce que c'est que cette histoire ? Qu'est-ce qui est clair ? Tu veux rompre ? dit-elle d'une voix grave et mal assurée qui contrastait avec la prestance qu'elle essayait de se donner.
Elle était profondément blessée et surtout réellement surprise. Le choc se lisait sur son visage devenu blanc d'un seul coup. Maxime se passait la main sur la figure en soupirant.
Clémentine eut honte. Elle se trouvait dans le salon de cette jeune femme qui n'avait rien demandé et dont par sa faute le couple menaçait d'exploser. Maxime s'était précipité aux côtés de sa compagne et pressait ses mains pour calmer leurs tremblements, tout en balbutiant des excuses pathétiques.
Clémence choisit ce moment pour débouler de sa chambre, le visage pâle, des larmes au bord des yeux et son doudou serré dans son poing.
— Papa ! J'ai mal au ventre !
Clémentine se précipita vers la sortie.
— Clem, attends ! supplia Maxime, ne sachant plus où donner de la tête.
Ophélie bondit. Avait-elle bien entendu ?
Clem ? répéta-t-elle, incrédule.
Maxime jura, impuissant. Il avait tant de choses à expliquer, mais ça serait des conversations pour plus tard : la porte de l'appartement claqua pendant qu'Ophélie proférait des insanités et Clémence vomit sur le tapis de marque que sa mère avait choisi avec soin pour habiller le sol de leur séjour.

Effet boomerang  (Demain nous appartient - Clemax - ROMAN)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant