4. Qu'est-ce qui te retiens ?

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Plus tard dans la soirée, Clémentine venait de souffler les bougies disposées sur le gâteau – deux grandes en forme des chiffres quatre et zéro et huit bougies traditionnelles autour –, et maintenant Ethan l'aidait impatiemment à déballer le cadeau qu'il avait lui-même choisi avec son père avant de venir. Il s'agissait d'un coffret de bougies parfumées de trois sortes différentes : une grande et une petite à la rose, et une autre petite, blanche, qui sentait le camélia. Sophie, qui partageait le même goût pour la lecture que Clémentine, lui acheta deux nouveaux romans dont elle avait entendu dire qu'ils étaient excellents, tandis que Marina et Éric s'étaient cotisés pour lui offrir un bon cadeau pour un massage qu'elle pourrait dépenser à sa guide dans le salon d'esthétique qu'ils avaient sélectionné. Ils avaient opté pour un soin du visage « Détente » qui alliait massage relaxant et moment de douceur, mais l'esthéticienne avait pris soin de leur préciser que Clémentine serait libre de changer comme bon lui semblerait quand elle viendrait, si toutefois elle préférait un autre soin.
— C'est parfait, merci les amis !
Clémentine se leva et fit le tour de la table pour embrasser chacun de ses invités, les adultes du moins : Ethan s'était de nouveau réfugié dans le salon où il avait étalé sur le sol toutes les petites voitures qu'il avait apportées avec lui pour ne pas s'ennuyer. A seize et quatorze ans, Jordan et Lucie, les enfants de Sophie et Daniel, avaient passé la soirée dans le bureau – qui a l'occasion servait aussi de chambre d'amis grâce au canapé convertible –, l'une le nez rivé sur son téléphone portable et l'autre sur sa console.
Maël suivit Clémentine dans la cuisine, où après s'être débarrassée des papiers de ses cadeaux, jetés en boule dans la poubelle, elle mettait un peu d'ordre.
— Je peux t'aider ? proposa-t-il.
— Non, ne t'embêtes pas ! Je lance juste un café et j'arrive !
Maël n'insista pas. Il s'appuya contre l'îlot central et regarda son amie se mettre sur la pointe des pieds pour attraper des tasses dans le placard au-dessus de l'évier. Dommage qu'elle soit si grande, pensa-t-il, j'aurais bien aimé l'aider. Il calma le prince charmant en lui, Clémentine était tout sauf une damoiselle en détresse. Quand même, lui-même mesurait un mètre quatre-vingt-cinq, et il adorerait qu'elle se blottisse dans ses bras.
— Tu es vraiment magnifique, ce soir.
Elle posa la tasse qu'elle avait dans la main sur le plan de travail qu'elle venait de débarrasser, glissa une mèche de ses cheveux derrière son oreille, puis elle se tourna vers lui et lui sourit.
— Merci.
— Note-bien, tu l'es toujours. Magnifique, précisa-t-il d'une voix basse en se penchant légèrement vers elle.
Clémentine se concentrait sur le nombre de cuillères de café à verser dans la cafetière et Maël remarqua que sa main trembla légèrement.
Des exclamations leur parvinrent de la salle à manger, où un vif débat avait lieu entre les convives qui discutaient de si oui ou non il fallait plus de pistes cyclables dans le centre de leur ville. Nicolas et Marina étaient pour, mais selon Éric et Daniel cela ne ferait qu'accroître les problèmes de circulation qu'ils connaissaient déjà. Clémentine en profita pour échapper à Maël sans avoir à poursuivre la conversation et rejoignit ses invités avant que les esprits s'échauffent – elle connaissait Daniel quand il avait bu, il pouvait s'énerver pour un rien !
Maël savait que c'était un prétexte, car Daniel conduisait et s'était contenté d'un apéritif et d'un seul verre de vin. Un brin frustré par cette occasion avortée de converser avec Clémentine, il resta dans la cuisine jusqu'à ce que la cafetière crachote ses dernières gouttes et que le voyant indiquant qu'elle était en marche s'éteigne. Il apporta alors la verseuse à table et servit qui en voulait, sous l'œil inquisiteur de Sophie à qui la petite parenthèse dans la cuisine n'avait pas échappé. Elle essaya de décrypter sur le visage de son ami s'il s'était passé quelque chose : il affichait un grand sourire – forcé ? –. Clémentine en tout cas n'avait pas changé d'attitude envers lui et faisait mine de ne pas remarquer les petites attentions qu'il avait continuellement pour elle.
Nicolas avala rapidement son café et alla retrouver son fils. Sourd au bruit des adultes, Ethan s'était endormi par terre sur le tapis. Nicolas ramassa les jouets dispersés autour de l'enfant et le souleva délicatement. Ethan gémit sans se réveiller et se nicha contre son père.
— Merci d'être venu, dit Clémentine quand Nicolas lui expliqua qu'il était temps pour eux de rentrer. Ça m'a fait plaisir.
Elle chatouilla la nuque de l'enfant qui ne broncha pas et déposa une bise sur la joue du père, en lui souhaitant de rentrer prudemment.
Marina, Éric et sa copine se levèrent également. Il n'était pas question pour eux d'aller se coucher, mais ils proposèrent de poursuivre la soirée dans un club situé non loin de là. Clémentine déclina sans regret.
— J'ai définitivement passé l'âge pour ça ! Amusez-vous bien !
— Bon, fit Daniel en baillant bruyamment. Je vais chercher les gosses, on va y aller aussi.
Sophie se redressa pour qu'il puisse dégager le bras qu'il avait passé autour de ses épaules. Seul Maël restait silencieusement assis à table, confortablement adossé à sa chaise, et sirotant un verre de San Pellegrino.
Daniel revint rapidement, suivi par ses deux adolescents atones. Clémentine se racla la gorge.
— Humm... vous avez une place, du coup vous pouvez raccompagner Maël, c'est sur votre route !
Maël se raidit, soudain gêné. Il est vrai qu'il était venu à pied et que – vu l'heure tardive – les transports en commun ne circulait plus ou peu, mais il n'avait rien demandé, et surtout il aurait aimé ne pas partir tout de suite. Mais manifestement Clémentine n'avait pas envie qu'il reste. Déçu, il se leva.
— Oui, bien sûr ! Pas de souci, on te dépose ! s'enthousiasmait Daniel sans percevoir le moindre malaise.
Le cœur de Sophie en revanche se serra pour son ami. Elle posa une main sur le bras de son mari.
— N'oublie pas que j'ai ma voiture, dit-elle, allez-y, je vais rentrer de mon bord.
— Tu es sûre ? Tu pourrais la récupérer demain.
— Oui, oui, je vais rester un peu pour aider Clem à débarrasser.
Daniel haussa les épaules, voilà bien longtemps qu'il avait cessé d'essayer de convaincre sa femme de quoi que ce soit. Il se pencha et déposa un smack affectueux sur ses lèvres.
— Comme tu voudras, à tout à l'heure.
Clémentine referma la porte sur le quatuor qui quitta l'immeuble discrètement pour ne pas réveiller les voisins. Sophie empilait les assiettes à dessert pour les ramener dans la cuisine.
— Tu n'es pas obligée de m'aider ! Au pire je finirai de ranger demain !
Sophie ignora la remarque de son amie et déposa sur la pile la poignée de cuillères sales qu'elle avait rassemblées.
— Dis-donc, le pauvre Maël, tu l'as quasiment fichu à la porte !
— Quoi ?
— Allons, il aurait bien prolongé la soirée en tête-à-tête avec toi, tu le sais parfaitement.
Clémentine resta silencieuse.
— Je ne te comprends pas, reprit Sophie. Il est adorable avec toi !
— Je sais...
— Tu te fais du mal ! Ça fait quoi ? Sept ans, que tu es divorcée ? Il est temps que tu passes à autre chose ! Et franchement, tu pourrais trouver pire, c'est une crème cet homme !
Clémentine se mordillait la lèvre.
— Tu as raison, je n'ai rien à lui reprocher. Je sais bien que je lui plais, moi aussi je l'aime beaucoup !
— Qu'est-ce qui te retient, alors ? Vous êtes tous les deux célibataires, c'est pourtant simple. Tu le connais, il te traitera comme une princesse, je ne comprends pas que tu te refuses ça.
Les yeux de Clémentine s'assombrirent, elle ne répondit pas tout de suite. Sophie croyait que sa vie sentimentale était un désert par suite de son divorce compliqué et elle ne l'avait jamais démentie. Certes, c'est l'explosion de son couple qui avait précipité son départ de Sète pour Montpellier, mais il était injuste de faire porter le chapeau au père de Garance. Olivier avait été un bon mari, et ce n'était pas l'usure du temps qui avait fini par les séparer, contrairement à ce que pensait Sophie. Il aurait même sans doute pardonné qu'elle le trompe, si seulement ça avait été un simple écart de conduite. Mais il n'avait pas accepté qu'elle tombe amoureuse d'un autre. Et elle, alors qu'elle pensait passer sa vie entière auprès d'Olivier, n'avait plus supporté de le côtoyer dès l'instant où elle comprit que c'est Maxime qu'elle aimait. Ce même instant où elle avait su avec certitude aussi que son infidélité ne mènerait nulle part.
Elle avait officiellement demandé le divorce le jour où elle avait rompu avec son amant.
Tout cela, elle ne pouvait pas le raconter à Sophie. Comment expliquer qu'en dépit du bon sens, son cœur n'était pas entièrement libre ? C'est pour ça qu'elle était bien avec Victor, il se fichait de ses sentiments, lui. Mais Maël...
— Je ne veux pas le faire souffrir, confia-t-elle.
— Pourquoi tu ferais ça ?
— Parce qu'il m'aime plus que ce que je ne pourrais jamais l'aimer.
Sophie fronça les sourcils.
— Voyons ! D'accord, peut-être que tu n'es pas amoureuse de lui comme il l'est certainement de toi, mais ça peut changer ! Et personne ne te demande de l'épouser demain !
— Encore heureux !
— Enfin bref, c'est toi qui vois, conclut Sophie. Mais fais attention, il risque de se lasser et toi, tu pourrais bien le regretter.

Effet boomerang  (Demain nous appartient - Clemax - ROMAN)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant