9. Merci Victor

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Le soir, Clémentine n'avait plus la tête au travail. Elle était fatiguée et aurait bien tourné la page de cette semaine étrange. Mais Victor avait fait le déplacement depuis Sète, et ils se penchaient ensemble sur les derniers détails pour l'ouverture de leur première salle à Béziers, prévue seulement deux semaines plus tard. Ils étaient chez elle, détendus, et partageraient plus tard un dîner qu'ils se feraient livrer – indien probablement, ou libanais. Victor espérait sûrement que la fin de soirée prenne une tournure moins professionnelle. A d'autres occasions elle l'aurait encouragé, ils ne comptaient plus le nombre de soirées de travail que leurs jeux coquins avaient interrompus. Est-ce que leur relation était saine ? Sophie avait beau clamer que non, Clémentine n'imaginait pas sa vie sans le soutien de Victor à ses côtés. Sans lui jamais elle n'aurait connu un tel épanouissement professionnel, et leur batifolage d'apparence futile lui apportait souvent réconfort et le sentiment d'être aimée. Ce soir pourtant, elle aurait préférée être seule.
— Ça va ? Je te trouve distante depuis que je suis arrivé. J'ai fait quelque chose de mal ? s'inquiéta-t-il.
Clémentine sourit à demi, puis posa sa main sur celle de Victor pour le rassurer.
— Excuse-moi, je ne suis pas d'humeur.
— Je vois ça, tu as l'air tout triste ! Il y a un truc qui te tracasse ?
Elle soupira. Victor lui resservit un verre de vin. Ils étaient dans le salon, elle referma son ordinateur qui se mit en veille, puis replia ses jambes sous elle en acceptant le verre que Victor lui tendait. Elle fit tourner la boisson entre ses mains et observa les traces saturées de tanin imprégner les parois du verre avant de répondre. Elle ne savait pas comment formuler ce qu'elle ressentait, comment décrire le tumulte qui l'habitait depuis deux jours. Finalement, elle se tourna vers Victor et dit naturellement tout haut ce qui s'imposait de plus en plus dans son esprit :
— Je crois que je suis amoureuse.
Le visage de Victor se vida de ses couleurs en même temps que le sourire qu'il affichait s'effaça.
— Pas de toi, nigaud ! précisa Clémentine.
— Ouf, j'ai eu peur ! Ne me fais jamais ce coup-là !
Clémentine but une gorgée, soulagée d'avoir prononcé ces mots. Vraiment soulagée. Elle prit la mesure à cet instant de la profondeur de ses sentiments pour Maxime. Ils étaient restés enfouis toutes ces années, cachés par son célibat assumé et la légèreté de sa liaison décousue avec Victor, mais ils demeuraient intacts. Et si elle désirait tant le revoir, ça n'était pas par curiosité, mais parce qu'elle l'aimait. En tout cas c'est l'impression qu'elle avait. Mais un simple regard ? Était-ce possible ? Ne se berçait-elle pas d'illusions ? Elle reposa son verre et essuya ses yeux, d'où menaçaient de perler quelques larmes. Victor se décala sur le canapé, et la prit dans ses bras. Il déposa un baiser sur sa tempe.
— Je le connais ?
— Je ne crois pas, peut-être. Peu importe.
Ce fut au tour de Victor de pousser un soupir. La soirée prenait une drôle de tournure. Il n'aimait pas la voir chamboulée alors il tenta de détendre l'atmosphère.
— Promets-moi simplement que ça n'est pas un de nos employés, ça serait synonyme d'emmerdes à coup sûr !
Clémentine pouffa. Il pensait à ce qui se passait à la salle de Perpignan : par deux fois ils durent recruter de nouveaux coachs à la suite d'imbroglios amoureux à l'issue dramatique.
— Je ne sais pas pourquoi je te dis ça, avoua-t-elle, c'est stupide, je ne suis même pas sûre que ce soit vrai.
— Je ne suis pas expert, mais il paraît que ça arrive même aux meilleurs !
— Non, mais... c'est juste que...
Elle hésita. Avait-elle envie de se confier davantage à Victor ? En tout cas son dilemme semblait le divertir, puisqu'il attendait qu'elle poursuive en riant. Après tout, Victor était probablement la dernière personne qui la jugerait. Elle décida de se lancer, son avis lui serait bénéfique, et elle avait bien besoin de conseils, car elle commençait à se demander si elle n'était pas en train de devenir folle.
— J'ai revu un ex, mercredi.
— Oula. Jamais une bonne idée, ça.
— Par hasard ! Je l'ai croisé dans la rue, nous ne nous sommes même pas parlé. Mais on a échangé un regard et... Oh, Victor ! Tout ce qu'on a vécu ensemble est remonté instantanément, comme si nous nous étions séparés hier.
— Ma pauvre, tu as l'air bien mordu !
— Je ne sais pas quoi faire.
— Bah, appelle-le.
— Si seulement c'était si simple !
— C'est lui qui t'a quittée ?
— Non... enfin... c'était d'un commun accord. Plus ou moins.
Victor soupira.
— Ecoute, je ne sais pas quoi te dire. Si ce n'est que tu vas me manquer.
— Victor...
Il ne plaisantait plus du tout. Si Clémentine avait en tête de se mettre en couple, il savait pertinemment que leurs nuits d'ébats n'auraient plus lieu. Ça l'attristait, bien sûr, mais il était heureux pour elle. Dans ces conditions, il espérait même que cela se produise.
— Pour être honnête je pensais que ce jour serait arrivé depuis bien longtemps. Tu mérites quelqu'un qui te donne plus que ce que j'ai à t'offrir.
— Tu m'apportes bien plus que tu ne le penses ! nuança-t-elle.
— Quoiqu'il en soit, tu pourras toujours m'appeler si ça se passe mal !
Clémentine leva les yeux au ciel.
— Pour l'instant il ne s'est rien passé du tout !
Elle repoussa Victor contre le dossier du canapé et se positionna à califourchon au-dessus de lui. Il se laissa faire docilement et posa fermement ses mains sur ses hanches tandis qu'elle se penchait pour l'embrasser dans le cou tout en déboutonnant sa chemise.
Si cette nuit était leur dernière, elle comptait bien en profiter et le remercier pour les bons et loyaux services qu'il lui avait rendus ces dernières années.

Effet boomerang  (Demain nous appartient - Clemax - ROMAN)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant