Le temps le dimanche semblait s'écouler plus lentement. A un rythme paisible, la petite troupe se mit en état de marche, direction l'aire de jeux à quelques centaines de mètres de la maison, qui était accessible via un large chemin sablonneux autour de l'étang, bordé de tamaris roses. S'il était fréquenté par de nombreux joggeurs et cyclistes, il n'en était pas moins le lieu de promenade favori de Clémence et Chloé, qui cheminaient gaiement main dans la main. Alex était resté se reposer à la maison, mais Maxime et Clémentine suivaient quelques pas derrière.
Clémentine avait pris la décision de ne pas s'encombrer de sa béquille, mais s'accrocha au bras de Maxime, pour se rassurer autant que pour profiter de l'avoir tout contre elle. Elle le sentait toujours tendu et absent.
— Pourquoi j'ai l'impression que tu m'en veux ? demanda-t-elle tout bas.
— Hein ? Non, tout va bien.
Elle s'arrêta et tira sur son bras pour qu'il en fasse autant.
— Max...
— Oui, bon, je n'ai pas aimé la façon dont tu as parlé à Bru... Victor tout à l'heure.
Etonnée, elle haussa les sourcils.
— Tu sais que c'est mon ami, tu t'attendais à un échange formel ?
Ils reprirent leur marche lentement, de façon à ne pas risquer d'être entendus de Chloé.
— Non, bien sûr, mais tu n'étais pas obligée de flirter !
— Hey, mais tu es jaloux en fait ! se moqua Clémentine en se raccrochant au coude de Maxime.
Mais il n'était pas d'humeur à rire, sa bouche se crispa d'un rictus amer.
— Je n'ai pas confiance en lui, c'est tout. Sa voix quand il s'adresse à toi... Il s'est passé un truc entre vous ?
— Euh...
L'hésitation et le rose aux joues de Clémentine ne laissaient pas de place au doute.
— Oh, merde ! jura Maxime. J'en étais sûr ! Tu as couché avec lui ? Brunet ?
— Ça va ! relativisa Clémentine. On n'a pas exactement fait vœu de chasteté quand on s'est quittés, toi et moi ! Tu l'as eu par une opération du Saint-Esprit, Clémence ?
— Non, d'accord, mais Brunet ! Tu connais sa réputation ?
— Oui, eh bien, il est fidèle à cette réputation, figure-toi : avec lui c'est simple, efficace et sans sentiments.
— Oh, mais tais-toi ! Pas la peine de me mettre des images dans la tête ! grogna Maxime, exaspéré.
Clémentine s'arrêta de nouveau, alors qu'ils approchaient de leur destination.
— Sérieusement, mon amour, tu n'as rien à craindre ! Dorénavant Victor est évidemment seulement un ami, rien de plus, et je n'ai jamais été amoureuse de lui.
— Tu le jures ?
— Oui, promis. Je t'aime, Max, pourquoi irais-je voir ailleurs alors que tu m'as choisie ? (Elle attrapa les deux pans de la chemise de Maxime ouverte sur son tee-shirt et tira dessus pour l'attirer vers elle.) Tu me combles parfaitement, rassure-toi. Et si Victor continue de flirter, je le lui rappellerai, d'accord ?
Maxime maugréa un assentiment incompréhensible. Il avait du mal à avaler cette réalité avec laquelle il devrait composer mais il ne pouvait pas résister à la mine suppliante qu'affichait Clémentine. Après s'être noyé un instant dans ses yeux noisette qui le fixaient, il baissa le regard sur ses lèvres boudeuses.
— Papa !!! Clémentiiiine !!! entendit-il au moment où il allait se pencher pour les embrasser.
Clémentine remit une distance respectable entre eux et se tourna vers Clémence qui les saluait de grands gestes du bras, perchée en haut de la structure colorée faite de ponts de cordes et de tunnels et qui aboutissait sur un toboggan qu'elle connaissait par cœur.
— Coucou princesse ! lui répondit Maxime avec un grand sourire.
Ils rejoignirent Chloé, qui s'était assise sur son banc de prédilection – stratégiquement le mieux placé pour surveiller à la fois l'arrivée du toboggan, l'otarie sur ressort et la cabane à deux-pièces, les trois attractions préférées de sa petite-fille.
Pour l'heure en revanche, celle-ci se dirigeait vers les balançoires.
— Tu veux que je vienne te pousser ? proposa son père en s'avançant déjà.
— Non ! Clémentiiiine ! rétorqua Clémence.
— Ah, d'accord, rigola Maxime.
Surprise mais enchantée, Clémentine se dirigea vers la fillette qui lui expliqua avec autorité comment elle devait procéder. Clémentine s'en amusa et retrouva avec bonheur des sensations qu'elle n'avait plus connues depuis longtemps. Avec un pincement au cœur, elle pensa à Garance à cet âge, puis se demanda brièvement si elle serait bientôt grand-mère. Avoir un enfant ne semblait pas faire partie des plans de Garance dans l'immédiat – à sa connaissance sa fille était volontairement célibataire – mais elle se dit que l'idée ne lui déplairait pas.
Maxime enroula un bras autour du cou de sa mère tout en gardant un œil sur ses Clem.
— Alors ? voulut-il savoir. Est-ce que tu penses que vous vous entendrez ?
— Je ne sais pas. Je ne te cache pas que je trouve toujours soudain ta décision de quitter Ophélie, même si oui, je sais que c'était devenu compliqué entre vous. Et c'est vrai que le fait qu'elle ne se batte visiblement pas pour te récupérer ne plaide pas en sa faveur. Mais, enfin ! Le coup de foudre, ça n'existe pas ! Qui te dit que tu ne vas pas regretter d'avoir choisi si vite Clémentine ?
Maxime s'esclaffa et déposa un bisou sur la joue de sa mère.
— Ton esprit scientifique te joue des tours ! Le coup de foudre n'existe pas ? C'est à moi que tu dis ça ? Deux fois, maman ! Deux fois il nous a frappé !
— Mais ça ne te fait pas peur ? Votre différence d'âge, ses problèmes de dos, tes projets pour le mas, avec à la clé un déménagement pour Clémence si j'ai bien compris ? Ça fait beaucoup de changements d'un coup !
— Exactement. Et c'est pour ça que j'ai besoin de ton soutien, pour m'aider quand je n'arriverai pas à gérer !
— T'es gonflé !
Chloé lui administra une tape sur la cuisse, mais lui sourit néanmoins. Secrètement, elle se réjouissait que son grand garçon ait encore besoin d'elle.
— Plus sérieusement, maman, reprit Maxime avec sobriété. Si Manou devait annoncer une mauvaise nouvelle à Clémentine demain et qu'elle doive subir une opération, je ferai tout mon possible pour l'accompagner dans cette épreuve. Elle a beaucoup souffert après l'accident, et je lui ai fait la promesse de ne pas la lâcher si elle devait de nouveau affronter tout ça.
— La pauvre, j'espère qu'elle y échappera. Tu sais, je croyais qu'on était amies quand elle a quitté Sète, j'ai essayé de prendre de ses nouvelles plusieurs fois après son départ. Qu'elle ne me réponde pas m'a déçue à l'époque et j'ai cru qu'elle désirait tirer un trait sur son ancienne vie à cause de l'accident ou de son divorce. J'avais trouvé ça plutôt radical et injuste, mais aujourd'hui je comprends enfin pourquoi ! Alors tu peux compter sur moi, je serai là pour vous si besoin. Ton père aussi, j'en suis sûre, il l'apprécie beaucoup !
— Vous êtes géniaux ! s'enorgueillit Maxime en prenant sa mère adorée dans ses bras pour un véritable câlin.
— Allons, se maîtrisa Chloé avant que l'émotion la submerge, c'est l'heure du goûter de Clémence !
— C'est vrai, confirma Maxime en regardant l'heure. Clem !
Clémence et Clémentine levèrent la tête simultanément vers lui, déclenchant l'hilarité générale. La première trottina vers eux puis grimpa sur les genoux de Chloé qui sortait pour elle de son sac une compote et une gourde d'eau. Clémentine arriva à son tour, et, puisqu'il n'y avait plus de place sur le banc, Maxime l'attrapa par la taille et elle n'eut d'autre choix que de se laisser tomber sur ses genoux pareillement.
— Max !!! J'ai droit à un goûter moi aussi ?
— Parfaitement, fit-il en l'embrassant franchement.
Clémence écarquilla des yeux ronds comme des billes et les regarda avec une grimace qui les fit de nouveau tous éclater de rire.
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Effet boomerang (Demain nous appartient - Clemax - ROMAN)
FanfictionAprès une idylle passionnée mais éphémère, les vies de Clémentine et Maxime ont pris des trajectoires différentes. Elle s'est construite une brillante carrière d'entrepreneuse. Lui, après des mois d'errance, a trouvé du réconfort auprès de sa famill...