Clémentine congédia Sophie peu après 22 h, pour qu'elle file retrouver son pauvre mari délaissé. La fin d'après-midi de confidences s'était muée en une délicieuse soirée pleine de complicité entre les deux femmes, autour de sushis et d'un verre – ou deux – de vin. Clémentine mangea avec plaisir et avec bien plus d'appétit que les jours précédents. Elle était soulagée de s'être confiée à son amie, surtout que celle-ci voulut tout savoir.
Elle n'avait jamais parlé de Maxime avant. Jamais. Le raconter lui fit un bien fou. Son visage s'illumina au fil des heures tandis que Sophie observait avec tendresse la transformation de son amie.
Après avoir refermé la porte, Clémentine consulta sa montre. Elle débarrassa les reliefs de leur repas en se demandant s'il était trop tard pour déranger sa fille. Elle opta pour un SMS : tu es occupée ?
Garance appela immédiatement.
— Bonsoir ma p'tite maman ! Que me vaut ce message ? Tu t'ennuies ?
Clémentine roula des yeux.
— Tout de suite ! Je ne peux pas juste avoir envie de prendre des nouvelles de ma fille chérie ?
Elle prit ensuite son mal en patience pendant que Garance lui faisait le récit de son quotidien depuis leur dernière conversation.
— Dis-moi, risqua-t-elle finalement d'une voix légèrement suraiguë qu'elle espéra innocente, tu as gardé contact avec tes amis du lycée ?
— Pourquoi ? s'étonna Garance non sans rigoler. Tu veux organiser une réunion des anciens ?
— Non, non... mais je... j'ai aperçu Maxime Delcourt par hasard l'autre jour et... euh... je me demandais si tu avais des nouvelles, voilà tout.
— De Max précisément ?
— Oui. Enfin, non ! Des autres aussi... mais comme je l'ai croisé...
Un silence inconfortable s'installa.
— Maman, reprit Garance posément. Tu m'appelles à 23 h un dimanche soir pour me demander des nouvelles de Maxime Delcourt ?
Clémentine grimaça. Quelle mauvaise idée ! Elle n'aurait pas dû écouter Sophie ! Ou au moins attendre le lendemain, quelle idiote !
— Tu as raison, c'est bête.
Elle se mit à faire les cent pas. Elle s'empêtrait dans des explications sans queue ni tête et ne savait plus comment mettre un terme à cette discussion qui prenait un mauvais tour. Mais Garance aussi semblait étrangement embarrassée.
— Non, non, ce n'est pas bête ! s'empressa-t-elle de rassurer sa mère. Mais... tu es sûre que c'est une bonne idée ?
— Pourquoi tu dis ça ?
La question de Clémentine, sur la défensive, flotta sur la ligne. Un nouveau silence, encore plus pesant que le premier, les écrasa jusqu'à ce que Garance le brise d'un ton décidé.
— Oh, et puis zut ! Maman ! Je suis au courant !
— Quoi ?
— Pour toi et Maxime, je sais que vous avez eu une aventure !
Le téléphone de Clémentine faillit lui glisser entre les doigts. Ses jambes se mirent à trembler, elle s'empressa de rejoindre le salon et se laissa tomber sur le canapé.
— Il t'a dit ?!
— Maxime ? Non, c'est Bart qui m'en a parlé. Brièvement, je ne connais pas les détails.
— Bart ? s'étrangla Clémentine. Il est au courant aussi ?
Sa tête lui tournait. Garance le comprit puisqu'elle lui demanda si ça allait.
— Non... je... mais... Pourquoi tu ne m'as rien dit ? Depuis quand ?
Garance soupira. Elle ne savait toujours pas ce que sa mère avait derrière la tête, mais autant commencer depuis le début.
— Tu avais déjà pris la décision de déménager à Montpellier quand je l'ai su.
— Tu as gardé ça pour toi tout ce temps ? Mais pourquoi ?
— Déjà parce que je t'en ai voulu ! J'étais vraiment énervée contre toi ! Et contre Max, du reste. Mais tu te rappelles l'ambiance à ce moment-là ? Avec papa qui n'acceptait pas que tu le quittes et faisait des scènes à la moindre occasion ? Et toi, qui galérait avec tes béquilles et consacrait toute ton énergie à te construire une nouvelle vie ? C'était peut-être lâche mais j'ai trouvé plus simple de partir à Toulouse en vous laissant vous débrouiller avec vos affaires.
Clémentine accusa le coup.
— Oh. C'est pour ça que tu as été distante avec moi cette année-là ?
— Ouais.
— Tu aurais pu me parler ! Je t'aurais expliqué...
Garance se souvint de la rancœur qui l'habitait alors.
— Je ne sais pas si j'étais prête à entendre ce que tu avais à dire.
Clémentine se mordit la lèvre.
— Et maintenant ? demanda-t-elle timidement.
— C'est important pour toi ? De me dire ce qui s'est passé ?
— Oui.
— Alors je t'écoute.
Clémentine s'allongea sur le canapé et recouvrit ses yeux de son bras. Le cuir froid la fit frissonner. A moins que ça ne soit à cause de ce qu'elle s'apprêtait à révéler à sa fille. Par où commencer ?
— Déjà je voudrais que tu comprennes que je n'ai pas voulu que ça arrive. Et je suis désolée que ton père et toi en ayez souffert.
Et pour la deuxième fois de la soirée, elle narra comment l'ouragan Maxime l'avait emportée, n'occultant que les moments les plus intimes qui n'appartenaient qu'à eux.
— Tu m'en veux ? demanda-t-elle fébrile quand elle eut terminé.
L'avis de sa fille lui importait infiniment plus que celui de Sophie, malgré toute l'estime qu'elle avait pour sa meilleure amie.
— Non, répondit sincèrement Garance, c'est du passé.
— Merci.
Les trémolos dans la voix de sa mère à l'évocation de Maxime n'avaient pas échappé à Garance. Elle ressentit un élan de compassion pour elle. Finalement, elle était peut-être la première victime dans cette affaire. Certes elle vivait épanouie à Montpellier, même si les premières années avaient été difficiles – jusqu'à ce qu'elle récupère la quasi-totalité de ses capacités physiques. Mais sur le plan sentimental, elle n'avait jamais refait sa vie, contrairement à son père, qui pourtant n'était pas celui qui avait demandé le divorce. Olivier avait connu quelques femmes après le départ de Clémentine, jusqu'à jeter son dévolu plus sérieusement sur une mère d'élève célibataire, avec qui il filait le parfait amour depuis quatre ans. Garance comprit que sa mère n'avait jamais tourné la page de son histoire avec Max, et, pour son bien, pensa qu'il était grand temps qu'elle le fasse.
— Du coup pour répondre à ta question, non je n'ai pas de nouvelles de Max. Je ne l'ai jamais appelé après mon départ pour Toulouse et lui a eu la décence de ne pas me contacter non plus.
— Je comprends... évidemment...
Clémentine fut déçue, mais le choc de savoir que pendant toutes ces années sa fille – et Bart ! – connaissait son secret l'empêchait de réfléchir.
— Mais je sais qu'il est toujours ami avec Jessica, commenta Garance. J'imagine qu'ils ne se voient pas souvent depuis qu'elle est à Paris, mais je peux lui demander son numéro. Sans lui dire pourquoi, évidemment.
— Tu ferais ça ?
— Bah de toute façon, tu finiras bien par le retrouver, non ? Ce n'est pas un criminel en cavale que je sache, ça ne doit pas être si compliqué !
Le pragmatisme de sa fille fit rire Clémentine. La pression était retombée et à cet instant, bien que vidée émotionnellement, elle se sentit heureuse. Et chanceuse. Elle reprit son sérieux quand Garance lui demanda ses intentions. Allait-elle le revoir ?
— Je n'en sais rien, ma chérie, répondit-elle avec sincérité.
Mais j'en crève d'envie.
Elles se souhaitèrent une bonne nuit, et Clémentine n'imagina pas qu'il puisse en être autrement. Elle se sentait légère et soulagée d'un poids qu'elle ne savait même pas qu'elle portait. Les minutes avaient filé et il était près de 1 h du matin ! Elle passa sous la douche pour que l'eau bien chaude décontracte ses muscles et détendent ses nerfs mis à rude épreuve. Puis, elle se glissa avec délice sous la couette, un sourire de pur contentement accroché à ses lèvres. Le « ding » annonciateur d'un message fit vibrer son téléphone avant qu'elle n'ait eu le temps de le paramétrer en mode avion pour la nuit. Elle regarda machinalement et fut surprise de découvrir un message de Garance.
Pas déjà ?
Elle ouvrit le SMS et le numéro de téléphone de Maxime lui sauta à la figure, éclipsant les mots de Garance. Les bienfaits de la douche s'estompèrent instantanément et elle eut de nouveau les nerfs en pelote. Trop tard pour reculer, maintenant.
Ou pas.
Il suffirait de supprimer le message et de ne plus y penser.
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Effet boomerang (Demain nous appartient - Clemax - ROMAN)
FanfictionAprès une idylle passionnée mais éphémère, les vies de Clémentine et Maxime ont pris des trajectoires différentes. Elle s'est construite une brillante carrière d'entrepreneuse. Lui, après des mois d'errance, a trouvé du réconfort auprès de sa famill...