6. Maxime, Maxime

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Clémentine se réveilla le lendemain matin avec une migraine qui lui vrillait le crâne. Les rayons du soleil filtraient à travers les stores à demi-baissés de la fenêtre de sa chambre et elle grogna à l'idée d'inonder la pièce de lumière en les ouvrant entièrement. Elle regarda son réveil : 9 h 22. Merde, je suis censée à la salle à 10 h, se rappela-t-elle dans un éclair de lucidité. Mais elle ne bougea pas pour autant, elle avait l'impression que son corps pesait une tonne. Elle se frotta les tempes et le souvenir de la journée de la veille se reforma peu à peu dans son esprit embrumé. Un désespoir sans nom la submergea alors, tandis qu'elle murmurait celui de son amour passé :
— Maxime... Maxime... Maxime... Pourquoi es-tu revenu ?
Elle attrapa son téléphone nerveusement, anxieuse de savoir si l'objet de ses tourments lui aurait laissé un message pendant la nuit. Mais s'il avait occupé ses rêves, aucune des notifications affichées sur son écran ne signalait un message de Maxime. Et comment aurait-il fait pour m'écrire ? se demanda Clémentine. Alors que j'ai exigé de lui qu'il efface mon numéro de son téléphone, comme moi le sien du mien, pour être certain que nous ne cédions pas à la tentation. Ô Maxime ! J'ai si souvent eu envie de t'appeler, ne serait-ce que pour entendre le son de ta voix !
Clémentine soupira. 9 h 31. Elle contacta Éric pour lui signaler qu'elle prenait sa journée, et lui demander de gérer seul le planning. Elle lui faisait confiance et elle savait qu'il saurait s'arranger avec les collègues, même à la dernière minute. De toute façon, même si ça ne lui plaisait pas, il ne le lui dirait pas, après tout, c'était elle la boss. Le message envoyé, elle jeta son téléphone sur le lit dont elle s'extirpa péniblement. Assise sur le bord, elle étira ses bras au ciel, avant de placer ses mains dans le bas de son dos. Aïe. Un jour sans. Depuis l'accident de la circulation dont elle avait été victime près de huit auparavant, ses lombaires la faisaient régulièrement souffrir. Avec le temps, et grâce à ses habitudes de sportive, elle avait appris à gérer et savait comment se ménager pour éviter au mal de s'installer, mais parfois, quand la douleur était trop intense, elle prenait rendez-vous avec Nicolas qui faisait des miracles avec ses vertèbres.
Dans la cuisine, elle se servit un grand verre d'eau au robinet qu'elle but directement. Sa langue était pâteuse et elle n'avait pas faim, mais elle avala tout de même un yaourt, dans l'espoir de faire passer la nausée qui retournait son estomac.
Maxime, tu es réapparu dans ma vie il y a moins de vingt-quatre heures, et je fais déjà n'importe quoi ! se dit-elle. Devant elle, trônait la bouteille de rosé que Sophie avait apportée pour son anniversaire mais qu'ils n'avaient finalement pas bu ce soir-là. La veille, toujours chamboulée par sa presque rencontre avec Maxime, Clémentine l'ouvrit en se disant qu'un verre calmerait ses nerfs. Ça avait tellement bien fonctionné qu'elle s'était resservie, ce qu'elle regrettait amèrement maintenant. A en juger par ce qu'il restait dans la bouteille, elle avait clairement abusé. Elle débarrassa hors de sa vue la preuve de sa faiblesse et se dirigea vers la salle de bain.
Ça faisait longtemps qu'elle n'avait pas pris un peu de temps pour elle, autant en profiter. Elle remplit la baignoire et ôta sa culotte et le tee-shirt dans lequel elle avait dormi, puis elle attacha ses cheveux au sommet de son crâne pour ne pas les mouiller. Après avoir fermé le robinet, elle avança prudemment un pied dans l'eau presque brûlante, et ensuite s'allongea confortablement.
Pendant quelques minutes elle se laissa envelopper par le répit. L'eau chaude ramollit sa chair et anesthésia ses pensées.
Brièvement.
Bientôt, le silence fut propice à la réflexion et un millier de questions l'assaillirent. Qu'est-ce qu'il faisait à Montpellier hier ? Habite-t-il ici ? Qui était la petite avec lui ? Sa fille ? Serait-il marié ? C'est ce que je voulais pour lui, alors pourquoi ça fait mal ? Pourquoi est-t-il parti si vite ? Sûrement qu'il ne voulait pas me voir, mais juste bonjour, peut-être ? J'aurais aimé entendre sa voix. Ou le voir sourire.
Se peut-il que je l'aime encore ?
Un gémissement de frustration lui échappa, elle retint sa respiration et glissa sous l'eau, tant pis pour ses cheveux.
Une heure plus tard, Clémentine s'installa dans son bureau et alluma son ordinateur. Même si elle n'allait pas à la salle, elle avait suffisamment de boulot pour s'occuper. Elle ouvrit le dossier que Victor lui avait envoyé en vue de l'ouverture de leur prochaine salle. C'était presque devenu la routine, maintenant. Victor sélectionnait la ville cible – ou le quartier s'il s'agissait d'implanter une deuxième salle dans une ville où ils étaient déjà connus –, sur la base d'études de marché soignées, ensuite il missionnait un agent immobilier local pour leur dégotter des locaux susceptibles de convenir, qu'ils visitaient ensemble. Ils s'étaient battus sur ce point au début. Victor voulait investir les zones d'activités en périphérie des agglomérations, mais Clémentine avait insisté pour ouvrir des salles de proximité en centre-ville, même si ça signifiait payer un loyer plus cher ou se priver de possibilités d'extension. Selon elle, ça cadrait plus aux valeurs de l'enseigne, qu'elle voulait accessible et à taille humaine. Cela changeait pas mal de choses, mais Victor avait fini par céder. Clémentine avait alors prié pour avoir fait le bon choix, mais ni l'un ni l'autre le regrettait aujourd'hui. Une fois le lieu sélectionné, tout s'enchaînait très vite : Victor supervisait les travaux – mettait la pression aux artisans – pendant que Clémentine s'occupait des recrutements. Ensuite ils dépensaient un petit budget pour de la publicité dans la presse locale et préparaient l'ouverture. Dans ces dernières semaines, Clémentine se rendait toujours sur place pour former les équipes.
Elle n'arrivait pas à se concentrer. Laissant tomber sa boîte de réception remplie d'e-mails non-lus, elle ouvrit le navigateur Internet et, sur un coup de tête, se rendit sur Facebook. Elle n'avait pas de compte, mais elle pouvait quand même regarder, non ? Dans le formulaire de recherche du réseau social, elle tapa « maxime delcourt ». Qu'est-ce que je suis en train de faire ? se demanda-t-elle. Mais elle pressa tout de même la touche « Entrée » de son clavier. Une liste de plusieurs dizaines de profils s'afficha à l'écran. Un bon nombre d'entre eux sans photo. Fébrile, elle fit défiler les résultats mais ne reconnut pas le Maxime qu'elle cherchait. Elle fut déçue, mais pas vraiment surprise. Déjà adolescent il se fichait des réseaux sociaux, alors maintenant... Elle calcula rapidement. Il avait vingt-six ans. Toujours si jeune. Qu'est-ce que tu fais, Clémentine ? Tu crois qu'il pense toujours à toi, lui ? Respecte le pacte et laisse-le vivre !
Agacée par son propre comportement, elle abaissa âprement le capot de l'ordinateur et retourna dans son lit, en espérant qu'un bon roman la divertirait.

Effet boomerang  (Demain nous appartient - Clemax - ROMAN)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant