28. Il faut qu'on parle

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Clémentine rassembla ses affaires en début de soirée le lendemain. Victor se débrouillait certainement à Béziers, il n'avait pas besoin d'elle, alors elle aurait pu rester encore un peu, mais ces quelques heures loin de son quotidien avaient suffi pour qu'elle y voit plus clair. Sa priorité désormais était de prendre soin d'elle. Ce n'est pas une nuit de repos et un bain dans un jacuzzi qui la guériraient.
Sur la route du retour, elle fit mentalement la liste des choses à faire en rentrant. Passer à la pharmacie faire le plein d'anti-douleurs et rappeler Nicolas. Prévenir Garance. Elle détestait l'idée d'inquiéter sa fille, mais si elle se taisait et que son état par malheur empirait, la jeune femme serait fâchée de ne pas avoir été mise au courant – à raison. Et Maxime. Si possible elle ne lui dirait rien. Mais elle ne lui mentirait pas. Tout dépendrait de sa réaction à sa proposition de prendre quelques semaines de recul pour réfléchir, chacun de leur côté. Elle n'avait pas trouvé de chargeur de téléphone pour la dépanner et ne savait pas si des messages l'attendaient. Elle se doutait bien que oui, c'est pour cela aussi qu'elle ne souhaitait pas s'attarder. Elle avertirait également Éric. Il était temps qu'elle lui confie plus de responsabilités. Elle n'était pas prête encore à tout à fait lui laisser la direction de la salle, même s'il avait toute sa confiance et qu'il le mériterait un jour, mais si elle était dans l'incapacité d'assurer il fallait qu'elle puisse compter sur lui. Dans ces conditions elle lui devait la vérité.
Alors qu'elle s'approchait du centre de Montpellier, un coup d'œil au tableau de bord l'informa qu'il était à peine 21 h. La salle était encore ouverte, elle décida de passer y faire un tour, pour voir si tout s'était bien passé en son absence. Elle avait beau n'être partie qu'une journée, le dépaysement et la déconnexion forcée lui laissaient le sentiment d'être partie plus longtemps.
Sans surprise, la salle était vide ou presque. En tout cas l'espace musculation près de l'entrée était désert. Il n'y avait personne à l'accueil. Rien d'étonnant. A cette heure, il ne restait en général qu'un seul coach – elle le plus souvent – qui s'occupait de fermer une fois le dernier adhérent parti.
Elle trouva Éric dans la salle dédiée aux cours collectifs, occupé à ranger et nettoyer le matériel utilisé dans la journée. Il sursauta quand elle entra.
— Je ne pensais pas te voir aujourd'hui !
— Je viens de rentrer, j'ai eu envie de m'arrêter pour voir si tout allait bien ! Il n'y a plus personne ?
Il roula des yeux.
— Tu es incorrigible. Ça ne te tuera pas de ne pas mettre les pieds ici pendant plus de vingt-quatre heures, tu sais ! Il ne reste plus qu'un gars, un nouveau, j'attends qu'il parte. Franchement, il en fait trop, ça fait des heures qu'il est là ! Je lui ai dit d'y aller mollo, mais bon ! La motivation du début, on sait ce que c'est ! Il va se donner à fond pendant quelques semaines et après, pouf ! on ne le verra plus ! Ou pire, il va se blesser.
— Je vais aller lui parler. Mais avant, tu as cinq minutes ?
Éric fit rouler vers lui un gros ballon de gym sur lequel il s'assit, et invita Clémentine à en faire autant. Après être restée assise dans la voiture elle préféra rester debout, mais s'adossa contre le mur. Elle n'avait jamais raconté les détails de son accident à Éric. Elle utilisait encore une béquille quand ils s'étaient rencontrés mais il savait seulement dans les grandes lignes par quoi elle était passée. Elle lui exposa donc sa situation, et lui demanda solennellement s'il accepterait de s'investir encore davantage à BodyAccess. Sous le choc, Éric se confondit en compassion. Ils régleraient les détails plus tard, mais il lui donna volontiers son accord.
— Merci, fit Clémentine en se penchant pour enlacer son ami (elle le considérait plus comme tel que comme un subordonné), c'est un soulagement pour moi de savoir que je peux toujours compter sur toi.

Elle repéra le nouveau dans la zone des machines d'entraînement pour le cardio, il trottinait tranquillement sur un tapis de course. Il était de dos, mais elle reconnaîtrait cette silhouette entre mille. Elle ne put réprimer un sourire.
Maxime la vit dans le large miroir qui recouvrait le mur en face de lui, pour que les athlètes puissent corriger leurs postures – et s'admirer. Il sauta sur les bords du tapis pour stopper sa course et actionna un bouton pour arrêter le défilement. Toujours en la regardant, il retira ses écouteurs de ses oreilles, la musique qu'il écoutait bourdonna entre eux.
— Qu'est-ce que tu fais là ? demanda Clémentine, même si elle devinait aisément la raison de sa présence.
— Eh bien, comme tu ne réponds plus à mes appels et que tu n'étais pas chez toi, je suis venu ici. J'ai été obligé de m'inscrire pour t'attendre ! J'avoue que je commençais à désespérer de te voir aujourd'hui.
Clémentine rigola. Il était en sueur et devait être épuisé mais semblait heureux de la voir.
— J'avais besoin de réfléchir, je suis partie quelques temps mais j'avais oublié mon chargeur, je n'ai pas encore vu tes messages.
— Alors tu ne m'évitais pas sciemment ? Parce que dans ton dernier message j'ai compris que tu voulais qu'on arrête de se voir.
— Oui, c'est ce que je te proposais, pour notre bien à tous.
Songeur, Maxime but une gorgée dans sa bouteille d'eau presque vide, le plastique s'écrasa sous ses doigts en un bruit qui résonna dans la salle déserte. Toujours perché sur la machine, il toisait Clémentine – il la dépassait d'une bonne tête – et elle eut l'étrange impression qu'il lisait en elle comme dans un livre ouvert.
— Ce n'est pas quand on est ensemble qu'on est bien ? questionna-t-il.
Comme à chaque fois qu'elle se trouvait en présence de Maxime, Clémentine sentit toutes ses certitudes s'envoler. Au diable Ophélie et Clémence, son dos et tout le reste, elle aspirait à une seule chose : tout oublier dans ses bras, cœur contre cœur, hanche contre Pikorua, à l'unisson et pour l'éternité.
Puisqu'elle ne répondait pas, Maxime descendit et s'approcha dangereusement, ajoutant un peu plus à son trouble.
— Si, répondit-elle enfin.
Il caressa sa joue d'une main chaude.
— Je vais te dire ce qu'il y a dans mes messages, dit-il. Il y a « je t'aime », il y a « ne disparaît pas une fois de plus », il y a « je veux faire partie de ta vie ». Clémentine, arrête de me repousser encore et encore, quoi que tu fasses je te reviendrai toujours, je le sais maintenant.
Sous le charme, elle ferma un instant les yeux avant de se ressaisir. Elle lui attrapa la main.
— C'est vraiment ce que tu veux ? Qu'on soit en couple pour de bon ? Tu es sûr ?
— Tu en doutes encore ? (Il embrassa leurs mains jointes.) Oui. C'est ce que je veux.
Elle soupira.
— Alors, il faut qu'on parle. Donne-moi deux minutes, je vais dire à Éric qu'il peut y aller, je fermerai après lui.
— J'ai tout mon temps.
Clémentine, qui se dépêchait, se retourna, surprise.
— Il est tard, tu ne devrais pas rentrer bientôt ?
— Clémence est chez ses grands-parents.
Elle s'éloigna en réfléchissant au sens profond de cette affirmation. Ophélie était-elle avec sa fille ? Si oui, est-ce que ça voulait dire qu'elle avait quitté leur appartement ?
Éric ne demanda pas son reste lorsqu'elle lui proposa d'assurer la fermeture à sa place. Elle patienta à l'accueil pendant qu'il récupérait ses affaires et en profita pour brancher son téléphone. Maxime avait tout tenté pour la faire réagir : les grandes déclarations d'amour, l'humour, la colère feinte, et puis finalement les émojis avaient remplacés les mots qui lui manquaient.
— Qui te fait sourire comme ça ?
Clémentine sentit le rouge lui monter aux joues.
— Euh... personne, bredouilla-t-elle.
— C'est cela, oui ! fit Éric en se penchant au-dessus du comptoir pour déposer une bise sur sa joue. Bonne fin de soirée !
Il quitta les lieux en lui adressant un clin d'œil.
Elle ferma à clé et éteignit la lumière de l'entrée, puis elle se hâta de rejoindre Maxime. Un soupçon de contrariété souffla sur elle quand elle ne le trouva pas là où elle l'avait laissé. Il n'était nulle part en vue, il avait dû se rendre dans les vestiaires.
Peut-être qu'il escomptait qu'elle attende dehors, mais c'était mal la connaître. Elle prit une profonde inspiration et se remémora tout ce qu'elle avait à lui dire, puis elle poussa la porte du vestiaire des hommes.

Effet boomerang  (Demain nous appartient - Clemax - ROMAN)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant