34. Pizzas et barbecue

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Clémentine avait été à deux doigts d'enfourcher sa moto pour rejoindre Maxime à Sète. Seulement elle ne touchait plus au deux-roues depuis que son dos la faisait souffrir, et puis surtout Maxime l'avait priée de ne pas venir. Quand elle avait proposé de l'accompagner, il avait estimé préférable qu'il parle seul à ses parents, qui devraient d'abord digérer la nouvelle de la séparation d'avec Ophélie. Elle respectait cette décision, c'était important aussi que Maxime et son père parlent tous les deux des projets pour le mas ostréicole. Mais que l'après-midi était longue ! A ne pas savoir comment Alex et Chloé accueilleraient le choix de Maxime de prendre un tournant dans sa vie, avec elle.
En milieu de journée, elle se connecta sur son ordinateur et lança un appel vidéo avec Garance. Sa fille lui changerait les idées, c'est certain, et elle voulait également lui faire savoir que Maxime était officiellement revenu dans son cœur.
— Ma puce, j'ai quelque chose à te dire, annonça-t-elle après quelques minutes de plaisant bavardage.
Sans être fusionnelle, sa relation avec sa fille avait toujours été nourrie de complicité, excepté cette fameuse année après le bac où Garance s'était montrée distante. Clémentine en avait souffert, mais avait mis cela sur le compte du grand départ du cocon familial. Garance n'était plus un bébé et devenait indépendante, normal qu'elle s'éloigne de sa mère. Au fil des mois cependant, de nouvelles habitudes s'ancrèrent dans leurs quotidiens et elles redevinrent proches, malgré la distance séparant Toulouse de Montpellier. Textos, appels et appels vidéo comme ce jour-là étaient fréquents.
— C'est pas vrai ! s'égosilla Garance.
— Je ne t'ai encore rien dit ! s'offusqua Clémentine en riant.
— Non, mais je vois ta petite tête réjouie, là. J'imagine que ça a un rapport avec Max ?
Clémentine se mordit la lèvre, soulagée que sa fille n'ait pas l'air choqué, déçu ou en colère. Au contraire, elle semblait plutôt s'amuser.
— Ça te fait rire ?
— Un peu, oui, j'avoue. Je ne m'y attendais pas vraiment. J'avais bien compris que toi tu le kiffes, mais lui, je me demande ce qu'il te trouve !
— Hey ! J'ai des atouts à faire valoir !
Garance grimaça.
— Je ne veux pas savoir de quoi tu parles ! Je lui poserai la question directement, attends, j'ai une idée...
Avant que Clémentine n'ait compris ce que Garance tramait, le visage de Maxime apparut dans une vignette sur son écran.
— Garance ! cria-t-elle. Tu as invité Maxime dans la conversation ?
La jeune femme se bidonnait et ignora sa mère.
— Salut beau-papa ! lança-t-elle à un Maxime incrédule.
— Euh... Salut !
— Je suis désolée Maxime, s'excusa Clémentine. Je viens de faire part à Garance de notre décision d'être ensemble, et ça la fait beaucoup rire.
Maxime se détendit en avisant le grand sourire de Clémentine.
— C'est pourtant une affaire très sérieuse ! Ça me fait plaisir de te voir, Garance.
— Moi aussi. T'es toujours aussi beau gosse, dis-donc, je comprends pourquoi maman craque.
— Je rêve ou tu flirtes, là ? demanda Clémentine, outrée.
Maxime, lui, bien que flatté, était surtout amusé. Garance avait toujours flirté avec lui, parfois il lui avait rendu la pareille, et visiblement le fait de savoir qu'il sortait avec sa mère ne changeait rien pour elle sur ce plan-là. Il se promit d'être vigilant, pas sûr que Clémentine apprécie. Bien qu'il aimât l'idée d'avoir le pouvoir de la rendre jalouse, il risquait fort de le regretter s'il s'engageait sur cette voie-là. Aussi il n'entra pas dans le jeu de Garance, qui, déçue, trouva la situation beaucoup moins drôle. Elle ne tarda pas à raccrocher, non sans avoir promis de venir les voir bientôt pour « tout savoir », et les gratifiant d'un « salut les vieux ! » qui fit renâcler Clémentine.
— Bon. Eh bien, je constate que Garance est toujours fidèle à elle-même ! remarqua Maxime.
— Tout à fait ! J'avoue l'avoir appelée avec l'intention de lui parler de nous, mais je n'avais pas imaginé que ça se passerait comme ça !
— Au moins il semblerait qu'elle prenne bien la nouvelle.
Clémentine n'arrivait pas à contenir son bonheur.
— Oui ! C'est un réel soulagement pour moi qu'elle nous accepte si naturellement ! s'extasia-t-elle. Et toi, de ton côté ? Tu es toujours à Sète ?
— Oui, je m'apprêtais à prendre congé quand j'ai reçu l'appel de Garance.
— Alors ? Tes parents ?
— Je suis vivant. Donc j'imagine que ça s'est bien passé ! Plus sérieusement, je pense que j'aurai plus de réactions de ma mère quand elle aura intégré tout ce que je lui ai dit, là je pense que ce n'est pas encore le cas. Mon père a eu l'air moins surpris, il avait compris que ça n'allait plus avec Ophélie. Et te concernant... Il a vite fait le rapprochement avec tout ce que j'avais pu lui raconter à propos de mon ex du lycée.
— Je suppose que c'est ce qu'on pouvait espérer de mieux !
— Oui, moi aussi je suis soulagé, au moins c'est dit.
Clémentine fit une moue dont Garance se serait moquée mais qui fit craquer Maxime.
— J'ai envie de te prendre dans mes bras, dit-elle. Tu ne veux pas venir ici ?
— Je suis attendu chez les parents d'Ophélie. Je dois récupérer Clémence.
— Oh. Je comprends, dommage.
— Mais on peut venir après, si tu veux bien.
— Avec Clémence ?
— Oui ! Comme ça on aura fait le tour des présentations, et puis, moi aussi j'ai envie de te voir.
— Ça serait super ! Tu vas dire quoi à Ophélie ? Elle ne vous attendra pas ?
— Oh ! Ophélie à l'heure qu'il est doit être dans le train pour Paris, où elle a un séminaire ou je ne sais quoi pendant trois jours. Bonjour le sens des priorités. J'ai tenté de lui dire que ça n'était peut-être pas le moment, vu ce qu'on traverse, mais elle m'a rétorqué que c'était prévu depuis longtemps et que ça ne l'arrangeait pas d'annuler. Donc son avis, je m'en contre-fiche. On ne restera pas tard tout de même, il y a école demain !
— Bien sûr. Dépêche-toi, alors ! Plus vite tu quitteras Sète, plus vite vous arriverez ici !

Deux heures plus tard, la porte de l'appartement de Clémentine s'ouvrait sur un Maxime tout sourire, deux pizzas dans les mains – tradition du dimanche soir – et une Clémence timide cachée dans ses jambes. Il se pencha maladroitement vers Clémentine et déposa un smack pudique sur le coin de sa bouche.
— Clem, tu te souviens de Clémentine ?
La petite fille hocha la tête sans rien dire. Clémentine lui offrit son plus beau sourire et les invita à entrer. Ils s'installèrent dans le salon pour déguster les pizzas directement dans leurs cartons. Après un temps d'observation, Clémence se détendit et répondit avec éloquence aux questions que Clémentine lui posait.
Voyant que le courant passait bien, Maxime attrapa par la taille sa fille assise à ses pieds et la cala sur ses genoux.
— Princesse, commença-t-il, tu as compris que désormais papa et maman allaient vivre dans deux maisons différentes ? (Elle hocha la tête vigoureusement.) Pendant la semaine tu resteras avec papa, et le week-end tu dormiras chez maman.
— Oui ! Comme Léa ! Elle a une chambre chez son papa et une autre chez sa maman avec son nouveau petit frère !
— Voilà, comme Léa, confirma Maxime.
Les deux fillettes étaient inséparables depuis qu'elles s'étaient liées d'amitié sur les bancs de l'école l'année précédente et à cet instant Maxime bénit les parents de Léa d'avoir divorcé. Il jeta un regard à Clémentine assise en face de lui et tendit le bras à travers la table basse. Elle serra sa main, lui transmettant ainsi le courage dont il avait besoin. Même s'il était confiant, il était crucial pour lui – pour eux – que Clémence se sente bien avec Clémentine.
— Tu vois, reprit-il, Clémentine, c'est la nouvelle amoureuse de papa.
Clémence avisa leurs mains jointes, puis le sourire que Clémentine lui donnait.
— D'accord, dit-elle simplement. Tu as un bébé aussi, comme la maman de Léa ?
Maxime réprima un rire qui se transforma en hoquet. Clémentine se concentra sur la fillette et réussit avec peine à garder son sérieux.
— Non, mais j'ai une grande fille, répondit-elle. Elle s'appelle Garance, et elle a le même âge que ton papa.
Clémence haussa les sourcils, impressionnée et pas tout à fait certaine de comprendre comment c'était possible. Maxime lui caressa les cheveux et y déposa un baiser. Le temps des questions viendrait plus tard, il lui faudrait d'abord assimiler et vivre les conséquences de tous ces changements. Mais elle se montrait curieuse et peu réfractaire, là était l'essentiel.
Plus tard, la peau tendue sur son petit ventre plein, Clémence s'endormait dans les bras de son père. Clémentine les regardait amoureusement, sous le charme de la fille autant que du père. Elle profita que les yeux de Clémence se fermaient pour venir s'asseoir près de Maxime. Il l'entoura de son bras et, d'une caresse sur sa barbe naissante, elle tourna son visage vers elle pour l'embrasser.
— Je suis repu et parfaitement heureux, chuchota-t-il. Avec mes deux Clem contre moi. Je pourrais rester comme ça des heures.
— Mais tu devrais rentrer, suggéra Clémentine à contre-cœur. Sinon ta mini-Clem va être grognon demain matin.
— Tu la connais déjà bien, à ce que je vois !
— N'oublie pas que je suis déjà passée par là, et crois-moi, à cet âge Garance ne m'épargnait pas quand je ne respectais pas son rythme.
— Bizarrement, je n'ai aucun mal à l'imaginer ronchonner ! se moqua Maxime.
Clémentine rit et se blottit dans le creux de l'épaule de Maxime, il resserra son étreinte autour d'elle.
Encore quelques minutes.

Effet boomerang  (Demain nous appartient - Clemax - ROMAN)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant