61 / HEATHER

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  Ça fait trois jours que cette fichue lettre est posée sur mon bureau. Ça fait trois jours que je l'observe avec mépris. Ça fait trois jours que j'hésite à l'ouvrir, je m'approche d'elle, puis me ravise. J'ai beaucoup trop peur de ce qu'elle contient. M'écrit-il la vérité, ou essaye-t-il de se défendre pour essayer de me récupérer ? Dans tous les cas, ça ne vaut sûrement pas la peine d'être lu, car premièrement, je ne veux pas savoir sa vérité pour le moment et deuxièmement, je refuse de me faire attendrir encore une fois. Lui qui me disait que j'étais la seule qui compte à ses yeux, qu'il avait besoin de moi pour se sentir vivant. Il doit bien se sentir vivant maintenant. Il a réussi son coup et doit se sentir puissant.
Plus rien n'a de sens. Tout me parait fade. Mon père essaie tant bien que mal de me remonter le moral, de me faire sortir un peu. Il a demandé à Mégane et Louis de s'occuper du restaurant quelques jours, il passe de temps en temps vérifier si tout va bien, mais mes deux collègues se débrouillent très bien sans nous.
Tout le monde fait des promesses intenables. À commencer par Eden. Comment peut-il promettre à son meilleur ami qu'il ne couchera jamais avec sa sœur alors qu'il a littéralement baisé toutes les filles présentes dans leurs vies ?
Comment Sam peut-elle me promettre qu'il ne se passe rien avec Lola sachant qu'elles couchaient ensemble depuis un moment ? Comment Eden peut-il me promettre qu'il tient à moi, alors que je n'étais qu'un jeu pour son égo ? Comment ma mère peut-elle me promettre d'être guérie alors qu'elle continue de se droguer sous mes yeux. Comment mon père peut-il me promettre que ça ira mieux, sachant que tout ceux que j'aime me détruisent ?

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    Les jours passent et se ressemblent. Je n'arrive toujours pas à ouvrir cette maudite lettre. Eden tente de me joindre au moins une fois par jour. J'ose espérer qu'il finira par se lasser de mon silence, mais ce n'est pas le cas.
Éric m'a appelé pour m'annoncer que le tournage de son film est décalé de deux mois pour des raisons de financement. C'est le coup de grâce. Rien ne me permet de remonter à la surface, même pas ce projet.
Je passe mes journées enfermée dans ma chambre, mon père a repris le travail, ne sachant pas quoi faire de moi. Quoi de plus déprimant que de rester avec sa fille dépressive toute la journée ? Le pire c'est que je ne lui en veux pas de me laisser seule. Je l'envie presque d'avoir une vie normale.

- Bon Heath... Ça fait quasiment deux semaines que tu ne parles pas, que tu ne manges pratiquement rien. Ça ne peut plus durer, va voir quelqu'un. Je sais que tu ne peux pas tout me raconter, mais peut-être que tu arriveras plus facilement à t'ouvrir à un professionnel. Si tu ne le fais pas pour toi, fais le au moins pour moi. Tu commences vraiment à me faire peur.

  Je sais que je ne suis pas de tout repos, et que mon comportement l'inquiète, mais même lui n'arrive pas à me rendre vivante. La seule personne qui en était capable est en train de me tuer à petit feu.

- Peut-être que si tu ouvres sa lettre, tu pourras passer à autre chose... En tout cas je l'espère.

  Il n'a pas tort. Si sa lettre est un adieu, alors je pourrais moi aussi lui dire adieu dans ma tête.
Je fixe mon père dans les yeux, son visage se tord devant ma mine vampirique. Aucune émotion ne révèle ce que je ressens ou pense. Je me lève doucement de ma chaise et me dirige vers ma chambre en la fermant à clé. Je ne veux pas être dérangé, chose que mon père fait souvent en ce moment pour s'assurer que je suis toujours là.
Pour la première fois depuis des jours, mes mains se mettent à trembler au contact de la feuille. Mes yeux s'embuent de larmes alors que je ne l'ai même pas encore ouverte. Je prends une grande inspiration et l'ouvre d'un coup sec.

" Heather.

  Je n'ai jamais écrit de lettre de ma vie, sauf peut-être ma lettre de motivation pour la fac, mais celle-ci n'a rien à voir.

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