30 / EDEN

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- Tu mens. Dis moi ce qui se passe. Tu sais que je suis là pour toi, quoi qu'il arrive, je suis une oreille et une épaule pour toi.

  Elle retire son poignet de ma main et lève les deux bras en l'air en signe de résignation.

- C'est bien ça le problème.

  De quoi elle parle ? Elle s'arrête net devant moi et me fixe longuement, le regard triste.
  Des trombes d'eaux se mettent à tomber. Ses cheveux se retrouvent plaqués sur son visage, j'ai l'impression qu'elle va se mettre à pleurer, mais la pluie brouille ma vision. Si nous étions dans un film, cette scène serait un véritable cliché.

- J'ai pas envie que tu sois une oreille et une épaule pour me soutenir dans ma descente aux enfers. Je veux que tu sois plus, que tu m'aides à remonter la pente. Tu disais que tu ne croyais pas aux amitiés homme-femme, et avec toi je n'y crois pas non plus. Je ne veux pas être ton amie, mais je refuse d'admettre que je puisse ressentir quelque chose de plus fort pour toi.

  Le bruit de la pluie l'amène à hausser le ton, elle est pratiquement en train de hurler.

- Ce n'est pas moi ça, je ne peux pas.

  Je l'attrape par le bras pour l'emmener sous un hall d'immeuble pour nous protéger de la pluie, mais elle retire son bras et reste plantée là, dans l'attente d'une réponse de ma part. Je n'ai pratiquement rien compris de ce qu'elle vient de m'avouer. Si j'ai bien suivi, elle ressent quelque chose pour moi mais ne veut pas de moi.

- Donc on fait quoi ? On arrête de se voir parce que tu ne veux pas assumer le fait que tu puisses aimer un homme ? Qu'est-ce qui se passe dans ta tête pour être aussi butée et fermée ?

- Aimer un homme ?! Ce n'est pas de l'amour Eden, hurle-t-elle sèchement avant de partir en courant vers le métro.

  Je la regarde partir. Ça ne sert à rien de la suivre. J'ai bien compris le message.
  Je préfère rentrer chez moi, de toute façon, vu la pluie, je ne vais clairement pas faire de livraisons à vélo.
  Je retrouve Loïc avachi dans le canapé, un paquet de chips entre les cuisses et une bière à la main. Ça ne lui ressemble pas. Mais bon, qu'est-ce que j'en ai à foutre de toute façon.

- Tu bosses pas ?

- Non.

  Qu'est-ce qu'ils ont tous aujourd'hui à me répondre à moitié ?
  Je hausse les épaules et file dans ma chambre. Je ne sais absolument pas quoi faire. Je viens très clairement de me faire rembarrer par la fille que je cuisine depuis des semaines. C'est la première fois que je me prends un râteau par quelqu'un qui me dit éprouver des sentiments pour moi. Le pire dans tout ça, c'est que j'ai vraiment mal. Elle est devenue mon quotidien, mes pensées principales. Et je crois bien que c'est terminé.
  J'ai fini par fermer les yeux et calmer les voix dans ma tête quand j'entends mon coloc' hurler que quelqu'un est à la porte. Je me relève difficilement de mon lit, j'étais sur le point de m'endormir, j'espère que c'est important.
  En passant la porte du salon, je découvre une longue chevelure brune dégoulinante. Heather se retourne, ses yeux sont humidifiés et gonflés. En me voyant elle se jette dans mes bras et me serre de toutes ses forces. Je ne sais pas si je dois l'enlacer ou la repousser, mais c'est plus fort que moi, mes bras passent autour de sa taille. Loïc me lance un regard gêné, je lui fais signe de dégager. Il se dirige discrètement vers sa chambre, en n'oubliant évidemment pas ses chips.
  J'attrape son menton et le relève pour la contempler. Ses yeux sont injectés de sang, elle a dû pleurer pendant des heures. Elle pose sa tête dans le creux de ma main et ferme doucement les yeux. Je sens son corps trembler.

- Viens t'asseoir. Enlève ton manteau, je vais t'apporter une serviette sèche et un pull.

  Elle acquiesce et se dirige vers le canapé, en tremblant de tous ses membres. On dirait une petite chose fragile qu'on vient de secouer dans tous les sens.

SOMETIMES (you bet)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant