52 / EDEN

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  Je me retourne vers elle, abasourdi, elle fulmine à l'intérieur d'elle-même, je le sais car, comme d'habitude, lorsqu'elle est dans cet-état là, elle mord l'intérieur de sa joue droite.

- Je peux savoir ce que tu faisais tout à l'heure ?

  Je n'avais pas prévu de lui donner une explication rationnelle, mon cerveau tourne à mille à l'heure pour essayer de ne pas paraître fou. Je n'avais surtout pas prévu qu'elle débarque chez moi comme une furie.

- Je passais devant, alors je me suis arrêté pour voir si tout allait bien.

- Tu as une drôle de manière de t'inquiéter pour les gens, toi ! Depuis quand tu cherches à savoir comment je vais ?

  Elle crie presque. Je ne sais pas quoi lui répondre. J'aimerais lui dire que je passe devant elle tous les jours depuis deux semaines, que je veux juste me rassurer, la voir heureuse. Mais je ne dis rien.
  Ses yeux s'embuent de larmes devant mon silence. Je déteste la voir dans cet état, mais tout ça c'est de ma faute, je n'aurais jamais dû revenir. Je m'approche d'elle pour lui essuyer la joue, mais elle recule brusquement.

- Tu fais quoi, là ? Tu crois que tu peux m'envoyer chier quand bon te semble puis revenir comme ça, sans explication, et en m'espionnant en plus ?

- Je ne t'espionnais pas, je t'ai dit que je passais devant, je n'ai pas pu m'empêcher de jeter un œil. Et puis je peux t'expliquer pourquoi j'ai mis de la distance entre nous... Encore faut-il que tu te calmes.

- Je suis très calme, crache-t-elle sèchement.

  Je ne peux empêcher un rictus devant sa mauvaise désinvolture.
  Je lui attrape le poignet et la tire vers le canapé, elle se laisse faire. Ses yeux fixent les miens dans l'attente d'une explication, mais tout se brouille dans ma tête, je ne sais pas par où commencer...

- Tout d'abord, je suis désolé si je t'ai fait de la peine... J'étais dans une période compliquée... C'est sûrement bateau ce que je raconte mais c'est vrai. Avec les soucis de santé de ma grand-mère j'ai un peu perdu les pédales, je me suis renfermé, j'avais l'impression que tu ne pouvais pas comprendre, et que dans tout les cas tu n'aurais pas pu m'aider, moi, ni même Ninja. Quand tu as su que tu étais prise sur le film de Baron, ta joie était tellement intense que j'ai été jaloux de ton avenir. J'ai paniqué en pensant au mien. Et là aussi j'ai pété les plombs. J'ai arrêté les livraisons tout en cherchant ce que je pourrais bien faire pour être heureux et rendre les autres fiers de moi. Et puis je me suis rendu compte que je n'étais pas heureux sans toi. C'est débile, et sûrement tout droit sorti d'un bouquin, mais je le pense vraiment. J'ai trouvé, en partie, une solution pour mon avenir, je me suis inscrit à la fac, mais il me manque une seconde partie pour vraiment réussir. Et j'ai besoin de toi pour ça.

  Je n'ai jamais été aussi sincère de toute ma vie, enfin presque... Si je lui disais exactement la raison pour laquelle je l'ai quitté, elle m'en voudrait à vie. Ça ne vaut pas le coup.
Heather me fixe, le regard dans le vague. Je crois que je l'ai perdu. Aucune réaction ne s'affiche sur son visage. Elle se lève et se dirige vers la porte sans un mot.

- Tu vas où ?

- Prendre l'air.

  Sur ces mots, elle claque la porte derrière elle. Je ne sais pas si elle compte revenir. En général, lorsqu'on dit qu'on va prendre l'air, on revient là où l'on était, non ?
J'envoie un message à Michaël pour me décommander. Je préfère attendre Heather. À cette pensée, quelqu'un sonne à la porte, mon cœur s'emballe, je cours pour ouvrir et me retrouve nez à nez avec Loïc.

- J'ai croisé ta copine dans les escaliers, elle n'avait pas l'air en forme, tout va bien ?

- Mêle-toi de ce qui te regarde, grogné-je en refermant la porte derrière lui.

  J'en ai marre d'attendre, j'ai essayé de la joindre trois fois, je tombe toujours sur le répondeur. Elle est sûrement rentrée chez elle et ne veut plus jamais me parler. Je l'aurais bien mérité. J'attrape mon manteau et sors pour la retrouver.
En descendant les escaliers je l'aperçois, assise sur la marche devant la porte du hall d'entrée. Elle n'est donc pas partie. Une once de soulagement se libère en moi.

SOMETIMES (you bet)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant