48 / HEATHER

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  Un taxi m'attend à la sortie de l'aéroport, ma mère m'a expliqué avoir perdu son permis il y a un an, elle ne peut donc pas venir me chercher.
J'arrive devant la maison où j'ai grandi, des milliers de souvenirs me reviennent à la tronche. Je prends une grande inspiration, enclenche la poignée et ouvre délicatement la porte. Une délicieuse odeur de poulet rôtie arrive à mes narines. Ma mère dévale les escaliers et me saute au cou. Elle me sert tellement fort que j'ai du mal à respirer.

- Tu m'as tellement manqué, mon bébé !

  Elle m'attrape le poignet et me tire vers le salon.

- Fais voir à la lumière comme tu es belle.

  Elle repousse mes cheveux en arrière et me tient le visage entre ses mains. Des larmes apparaissent aux coins de ses yeux.

- Tu m'as manqué aussi, murmuré-je.

  Nous nous installons à table. À l'époque elle ne faisait jamais à manger, toujours trop défoncée pour réussir quoi que ce soit, c'est mon père et moi qui faisions tout à la maison. Mais aujourd'hui elle s'est surpassée, c'est succulent.
La maison est propre, il n'y a rien qui traine, comme des boîtes de médicaments ou encore des mégots de cigarettes au sol ou dans les assiettes. Elle a réellement fait des progrès et je suis fière d'elle. Elle a l'air d'être en forme, ses joues et ses lèvres sont roses, son teint est frais et ses yeux ne sont plus rouges. C'est une tout autre personne.

- Alors raconte-moi, tu me disais que tu avais des projets en ce moment ?

- Oui ! C'est assez dingue. J'ai rencontré par hasard Éric Baron un jour, tu sais le réalisateur français qu'on regardait en boucle avec papa ?

  Son visage devient dur en entendant parler de mon père, mais elle acquiesce et sourit à la remémoration de ce souvenir.

- Il m'a proposé de passer un casting pour son film, au début j'avais la trouille, mais j'ai réussi à dépasser tout ça, j'y suis allée et j'ai obtenu le rôle. On part en tournage dans deux mois. Et tout ça c'est grâce à Eden.

  Je m'arrête brusquement. Je n'avais pas l'intention de parler de lui à ma mère mais je n'avais surtout pas envie de penser à lui. Une boule se forme dans mon estomac, je ne me sens pas bien. Mon visage se ferme, j'ai envie de pleurer. Mais ma mère n'a pas l'air de s'en rendre compte.

- Qui est ce Eden ?

- Un ami.

  Je ne sais pas quoi dire. Je n'aurais même pas dû dire "ami", car ce n'est pas le cas. C'est difficile d'être ami avec quelqu'un dont on est tombé amoureux.

- Un ami ou... un ami ? dit-elle pleine de sous-entendus.

  Je me lève et ramasse les assiettes pour les mettre dans l'évier. Je n'ai pas envie de continuer cette conversation.

- Ça a l'air sérieux comme histoire en tout cas. Mais je pensais que tu aimais les filles ?

- C'était le cas, répondis-je fermement.

  Je crois qu'elle a compris que je ne continuerai pas cette discussion car elle ne répond rien. Je referme le lave-vaisselle, toujours dos à ma mère, je sens les larmes me monter aux yeux. Je les tapotent légèrement pour que ça ne coule pas, puis reviens à ma place.

- Et si on sortait prendre l'air ?

  Je viens à peine de la retrouver, je ne vais pas commencer à me plaindre auprès d'elle. Un large sourire illumine son visage. Elle se lève d'un bond et attrape son manteau. Elle est resplendissante. J'ai l'impression de retrouver la maman de quand j'étais enfant. Celle qui me bordait le soir avant de me coucher, qui m'amenait à l'école et venait me chercher à l'heure. Celle qui me racontait des histoires et qui séchait mes larmes quand je me faisais mal. Celle qui me disait "Je t'aime" à tout bout de champ. Cette maman m'a terriblement manqué. Et je la retrouve enfin.

SOMETIMES (you bet)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant