SOMETIMES (you bet)

29 / EDEN

  Ben me sert une bière et s'installe à côté de moi sur le canapé. Il se met à parler d'un tas de choses dont j'en n'ai strictement rien à foutre. Je ne fais que penser à elle. Elle était si heureuse en sortant de son rendez-vous. Ça faisait longtemps que je ne l'avais pas vu comme ça. J'aurais dû rester avec elle, profiter de sa bonne humeur.

- Au fait, petit cachotier, Michaël m'a dit que tu voulais chiner la meuf de Sam !

- C'est plus sa meuf.

  J'hésitais à en parler à Ben, je voulais être sûr qu'il se passe quelque chose entre Heather et moi avant de lui raconter quoi que ce soit. Ben parle beaucoup, j'avais peur qu'il balance quelque chose. Mais depuis que je me suis tapé sa sœur, qui s'est aussi tapée Sam, la connexion est beaucoup trop forte pour lui en parler. Mais j'aurais aussi dû me méfier de Michaël. En même temps, il n'est pas au courant que Lola a fini dans mon lit au premier de l'An, je ne peux pas vraiment lui en vouloir.

- Et donc ? Tu te l'es faite ?

- Non.

  Je ne supporte pas qu'il s'immisce dans cette histoire, mais surtout qu'il s'intéresse à l'intimité d'Heather. Si tous les critères qui font que je ne pouvais pas en parler à Ben n'existaient pas, je me serais surement vanté de mon coup, or je n'ai plus envie de me vanter, j'ai envie de profiter de nos moments, et garder ce qui se passe entre nous, pour nous.
Je m'éclipse sur la balcon et essaye de l'appeler, je veux juste entendre sa voix, mais je tombe sur sa messagerie. Je tente une deuxième fois mais elle ne répond toujours pas.

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  Vers midi mon application UberEats m'indique que je dois livrer une commande à Belleville, j'en profite pour sonner chez Heather. Elle n'a pas répondu à mes messages de la veille, et ne répond pas à l'interphone non plus. Je commence vraiment à m'inquiéter. Et s'il lui était arrivé quelque chose ?
C'est censé être ma pause déj', je vais passer à son restaurant voir si elle y est, sinon je demanderai à son père s'il sait où je peux la trouver. Il se met à pleuvoir en averse, je grimpe sur mon vélo et pédale le plus vite possible pour me mettre à l'abri. Les rues sont glissantes et je manque de tomber plus d'une fois.

  Elle est là, à servir des plats, elle n'a pas l'air aussi heureuse qu'hier, mais elle a meilleure mine que ces derniers jours. Elle est resplendissante, elle porte une robe noire cintrée qui fait ressortir ses formes. C'est assez rare de la voir dans une tenue pareille. En tout cas, les hommes se tournent vers elle quand elle passe à côté d'eux. J'ai envie de leur bander les yeux et leur coller des gifles pour avoir osé poser leurs yeux sur elle.
Le serveur qui la remplaçait est toujours là. Il se penche à son oreille pour lui dire quelque chose, elle rit aux éclats. Qu'est-ce que ce connard peut bien lui avoir dit pour la faire rire comme ça ? C'est moi qui suis censé la faire sourire en ce moment, pas lui.
Cette situation est insupportable, je décide de rentrer à l'intérieur, mais au moment où elle m'aperçoit, son sourire s'efface. Je n'aime pas du tout cette réaction.
Je m'assieds au bar, Heather continue de servir les clients comme si je n'étais pas là, je ne comprends pas pourquoi elle est comme ça.

- Ça va ?

- Oui, oui.

  Elle est lointaine, je crois que je dérange. Plutôt que d'avoir l'air d'un con à attendre à côté d'elle alors qu'elle ne me calcule pas, je préfère attendre dehors, loin des regards inquisiteurs de son connard de collègue.

  Il s'est arrêté de pleuvoir. Je m'assois sur le trottoir d'en face, comme d'habitude, comme ça je suis sûr de ne pas la rater. Elle sort à la fin de son service et salue son "nouvel ami". Elle ferme son manteau et s'avance vers moi sans me jeter un seul regard.

- Tu ne travailles pas ?

  Sérieusement ? Elle ne m'adresse pas la parole, se décompose quand elle me voit, et c'est la seule chose qu'elle est capable de me dire ?

- Non je voulais te voir, mais je crois que tu n'en as pas envie.

  Elle fuit toujours mon regard. C'est donc ça, elle ne veut pas me voir.

- Qu'est-ce qui se passe, Heather ?

- Rien... Je suis fatiguée. Je n'ai pas dormi de la nuit.

  C'est une piètre menteuse. Elle s'avance vers le métro et me laisse planté là. Je refuse de la laisser partir sans savoir ce qu'il cloche. Je crie son nom, mais elle ne se retourne pas. J'accélère le pas pour la rattraper et agrippe son poignet.