66 / HEATHER

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  Je ne comprends absolument pas ce qui vient de se passer. J'ai l'impression d'avoir été un animal en manque de sexe. Je ne contrôlais plus rien, mon cerveau était déconnecté, seul mon désir agissait.
Eden me laisse me rhabiller et sors de la salle de bain seulement vêtu d'une serviette autour de la taille. Son corps est encore plus parfait qu'avant, je n'ai oublié aucun détail, comme ce petit grain de beauté situé entre ses deux omoplates. Avant de fermer la porte, il se retourne et m'adresse un sourire heureux. Comment je m'explique à moi même ce qu'il vient de se passer ? Il pense sûrement que tout est pardonné, que je reviens dans sa vie... Mais est-ce vraiment le cas ?
Je me laisse glisser sur le sol, enferme mon visage dans mes mains et réfléchis à la situation. Quand je sortirai de cette salle de bain, il faut que tout soit clair dans mon esprit. Je me redresse et m'observe dans le miroir. Tout se mélange dans ma tête. J'avais plus ou moins réussi à penser à autre chose et réussi à avancer, seule. Enfin, je le croyais. Je suis si faible. Il suffit d'un appel, d'un regard, d'un baiser pour que je retombe dans ses bras. Le souvenir de ses mains sur ma peau quelques minutes plus tôt me donne des frissons. De plaisir. C'est ce qu'il me procure. Du plaisir. Malgré ses mensonges, ses secrets, sa réputation, lorsqu'il est près de moi, tout ça n'a plus d'importance. Je suis prisonnière de lui autant qu'il ne l'est de moi. Je crois.

  Une tasse de café m'attend sur la table basse. Je m'arrête sur le pas de la porte du salon et observe Eden. Ses joues sont creuses, comme d'habitude des cernes lui tombent sur les joues, mais il a l'air plus apaisé que tout à l'heure. Un sourire béat s'affiche sur son visage, il ne semble pas m'avoir entendu arriver. Je me racle la gorge pour lui signifier ma présence, il sursaute, se lève d'un bond et m'indique de le rejoindre sur le canapé.
Je m'assieds à son côté, une centaine de phrases se bousculent derrière mes lèvres, prêtes à lui expliquer que ce n'est pas possible, que ça ne doit jamais se reproduire. Mais rien ne sort. Je suis obnubilée par son regard posé sur moi. Je me tords les doigts de gêne et cherche les mots les plus justes.

- Je suis désolée pour tout à l'heure.

- Moi non, dit-il en fixant sa tasse.

- Si, nous avons eu un moment de faiblesse, mais ça ne se reproduira plus jamais.

  Son sourire s'efface et de la tristesse apparaît dans ses yeux. Son visage se tourne vers moi, cherchant une émotion dans mon regard, mais je ne laisse rien paraître. Je veux fuir, loin, très loin, pour l'oublier et faire disparaître la douleur qui persiste. Il passe une main dans ses cheveux, les ramenant en arrière. J'ai envie de défaire ce geste et de les ébouriffer, comme je les aime. Je secoue timidement la tête pour me sortir cette image de la tête.

- Je ne peux pas m'excuser jusqu'à la fin de mes jours Heath... Je ne sais pas quoi faire pour te prouver que je t'aime. Et je sais que toi aussi, c'est inévitable. Je suis devenu fou sans toi, je t'ai tellement harcelé, tu ne me répondais pas, j'ai cassé les couilles de tout le monde pour avoir de tes nouvelles, pour savoir comment tu allais. Je ne dors plus, je ne mange plus, je suis devenu un fantôme. On ne peut pas se séparer, ça nous tue à petit feu, tu en es consciente. Je ne te demande pas d'oublier ce que j'ai fait, c'est impossible, mais je te demande de me laisser une deuxième chance, que je ne mérite sûrement pas, mais je veux que tu sois heureuse, avec moi et personne d'autre. Je sais que je peux te rendre heureuse. Je ne peux pas te promettre que ce sera toujours rose, mais il y a aura beaucoup plus de rose que de noir, et parfois du gris, mais c'est ça qui fait qu'un couple s'aime. Je ne désire que toi, comme je n'ai jamais désiré personne, et ça j'ai pu te le prouver il y a quelques minutes.

  Un nouveau sourire apparaît sur le coin de ses lèvres et je ne peux qu'en esquisser un aussi, que j'essaye de dissimuler en baissant la tête.
Il pose sa main sur la mienne et la caresse doucement en voyant que je ne la retire pas. Je ne sais pas ce que je suis en train de faire, mais je veux croire que nous pouvons être heureux, qu'il m'aime vraiment et que mon coeur peut se réparer. Ça va être long, mais je veux vraiment y croire.

- Je ne sais pas, Eden... Je ne sais pas si je peux continuer à te faire confiance. Tu m'as trahi, tu m'as blessé, tu m'as menti, tu as préféré me sacrifier plutôt que de faire face à tes responsabilités. Tu te souviens, un jour tu m'as dit " Il faut que tu guérisses avant tout, je suis sûr que tu surmonteras ça". Nous sommes dans la même galère aujourd'hui. Nous sommes beaucoup trop brisés pour continuer à vivre notre histoire. La confiance ça se gagne, j'ai besoin de temps, j'ai besoin de réfléchir, et toi aussi.

  Je retire délicatement ma main de la sienne et attrape mon manteau. Ses yeux restent vissés au sol, je crois apercevoir des larmes couler sur ses joues, mais il reste silencieux. Le voir comme ça me brise le coeur, mais je lui ai épargné mes larmes durant des semaines. Mes mots ne lui montreront jamais l'état pitoyable dans lequel j'étais. Je passe mon manteau sur mes épaules et me dirige vers la porte. Il ne me regarde toujours pas.
En attrapant la poignée de la porte, un frisson me parcourt le dos, est-ce que c'est la bonne solution ? Sans me retourner, je lui chuchote "Je t'aime" et referme la porte derrière moi.

SOMETIMES (you bet)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant