25 / HEATHER

31 5 0
                                    

  Il faut que je me passe de l'eau sur le visage, tout mon corps est encore endormi. Heureusement que j'avais mis mon téléphone sur silencieux car Sam a essayé de me joindre six fois.
Eden revient dans la chambre un grand sourire aux lèvres et se rassied sur le lit.
Quelqu'un toque à la porte, ça ne peut pas être mon père, il travaille toute la journée. Je regarde par le judas et distingue une chevelure frisées de l'autre côté. MERDE !
En ouvrant, je fais barrage devant pour qu'elle ne puisse pas entrer. Ses yeux sont aussi rouges et gonflés que les miens, et ses cheveux sont en pagaille. Pour une fille qui d'habitude fait énormément attention à son apparence, aujourd'hui elle a décidé d'avoir l'air d'une pauvre fille, ses vêtements sont sales, à croire qu'elle ne s'est pas changée ni lavée depuis l'autre soir.

- Qu'est-ce que tu fais là ?

- Tu ne me répondais pas. J'étais inquiète, sanglote-t-elle.

- Tu vois ce que ça fait.

  Je ferme la porte mais son pied se met en travers pour la bloquer.

- Écoute-moi s'il te plait...

- Non. Je n'en ai ni l'envie, ni le temps.

  Je lui claque la porte au nez et vérifie par le judas qu'elle part pour de bon. Sam reste plantée devant la porte quelques secondes, passe sa main sur ses yeux pour, je suppose, essuyer ses larmes et disparait.
Eden apparaît derrière moi tout penaud. Je le regarde et fonds, moi aussi, en larmes. Je ne m'attendais pas à la voir débarquer, elle a l'air encore plus mal en point que moi.
Il s'approche et me prend dans ses bras. La sensation que me procure son étreinte me rappelle celle que j'ai eu ce matin avec mon père. Je n'ai tellement pas l'habitude d'être touchée par un homme, c'est très étrange, mais vraiment pas désagréable. Je me blottis dans le creux de son cou et déverse toutes les larmes qui peuvent encore couler. Sa main caresse mes cheveux et sa voix me chuchote que tout va bien se passer. J'espère qu'il a raison.

- J'ai l'impression d'être vidée de l'intérieur, que quelqu'un a pris mon cœur et l'a tordu comme une serpillère.

  Sa main attrape mon menton et le relève. Il plante ses yeux dans les miens, son regard est à la fois sévère et rempli de compassion.

- Ta comparaison est ridicule. Ton cœur n'est pas une serpillère. Elle ne te méritait pas, et j'avais raison de le penser.

  Il avait raison... Sur ces mots, il approche sa bouche de la mienne et m'embrasse du bout des lèvres, comme s'il n'osait pas ou voulait faire monter le désir. Des frissons me grimpent le long du dos. J'appuie mes lèvres sur les siennes pour arrêter ce supplice. Il attrape mes hanches pour les coller contre les siennes. Ce baiser n'est plus tendre, mais devient sauvage.
  Mais qu'est-ce qu'il me prend ?
Je le repousse, beaucoup plus violemment que ce que je pensais. Je n'aurais pas dû me laisser aller comme ça. Je suis seulement attristée par ma rupture avec Sam. Et puis à quoi il joue, il sait très bien que je ne suis attirée que par les femmes. Je me colle contre le mur pour être le plus loin possible de lui.

- Je suis désolé si je t'ai brusqué.

- Non c'est moi... Je n'aurais pas dû te laisser croire qu'il aurait pu se passer quelque chose. Je suis attirée par les femmes Eden, et ça ne changera jamais. J'ai eu un moment de faiblesse mais ça ne se reproduira plus.

  Des larmes s'échappent encore de mes yeux. Tout fout le camp en ce moment.

- Je veux seulement qu'on soit ami, dis-je en sanglotant.

- Je ne crois pas à l'amitié fille-garçon.

  Son ton est sec. Il continue de me fixer, dans l'attente de ma réponse. Qui ne croit pas en l'amitié homme-femme ?

- Eh bien, c'est tout ce que je peux t'offrir. C'est à prendre ou à laisser.

  Je ne suis pas convaincue de ce que je viens de lâcher. S'il s'en va en me laissant ici toute seule, je ne sais pas ce que je vais devenir. J'ai l'impression d'avoir gâché tant de choses. Il est le seul à me faire sentir bien, à me changer les idées, à être mon ami. Enfin je pensais qu'on l'était, mais ce n'est apparemment pas son point de vue.
Je prie intérieurement pour qu'il ne quitte pas cet appartement, mais je le vois se diriger vers le salon prendre son manteau.

- Pars pas.

  Je chuchote ces mots. Je suis consciente que le son de ma voix est presque inaudible, mais je n'arrive pas à lever le ton. Il ne m'a manifestement pas entendu. Il attrape la poignée de la porte d'entrée et se tourne vers moi.

- Il faut que tu guérisses avant tout Heath. Je suis sûr que tu surmonteras ça.

  Il me sourit timidement et claque la porte.

  Le service du soir est beaucoup plus douloureux que les précédents. Je n'arrive pas à me concentrer, j'oublie et me trompe dans toutes mes commandes. Mon père essaye de gérer à ma place, mais je vois bien qu'il ne s'en sort pas non plus.
Je suis à bout de force, j'aimerais me cacher dans un trou et ne plus jamais en sortir.
  En fermant les portes du restaurant, mon père m'attrape par le bras.

- Prends quelques jours de repos. Tu en as vraiment besoin.

- Non je ne peux pas, tu as besoin d'aide, et j'ai besoin de penser à autre chose.

- Et ça ne marche pas, ne te mens pas. Tu ne fais que cogiter, et ça se voit sur ton travail. Reste à la maison quelques jours, j'embaucherai quelqu'un pour te remplacer. Vu le monde en ce moment, la seule présence de Mégane ne suffira pas.

SOMETIMES (you bet)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant