40 / HEATHER

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  Je me mets à rougir, la gêne me prend. Pourquoi ai-je accepté de me retrouver seule avec elle ?

- Vous êtes charmants tous les deux. Ça fait bien longtemps que je n'avais pas vu mon Eden aussi heureux.

  J'acquiesce à sa réflexion. C'est vrai qu'Eden est bien dans ses baskets.

- Et je suis persuadée que c'est grâce à toi. Tu lui fais du bien.

  Le rouge me monte aux joues. Je ne sais pas où me mettre. J'accueille son compliment avec un sourire timide. Et si elle avait raison ? Je lui fais sûrement plus de bien qu'il ne m'en fait. J'ai l'impression de découvrir une autre personne. Toutes les rumeurs sur lui, avant que je le rencontre, disparaissent quand je suis avec lui. C'était compliqué au début, mais plus j'apprends à le connaître, plus je sais que c'est une bonne personne. Maintenant que j'ai appris qu'il est orphelin, j'ai encore plus envie d'être près de lui.

  Le trajet retour est calme et silencieux. Aucun de nous ne veut rentrer dans les détails des aveux qui ont été faits une heure plus tôt. Eden me ramène jusqu'au hall de mon immeuble, pose sa main sur ma joue et m'embrasse tendrement avant de repartir vers le métro.

  Nous sommes dimanche soir, mon père ne travaille pas et est assis devant la télé, sa mâchoire se décroche lorsque je pénètre dans le salon. Il me complimente sur ma tenue, je le remercie et file dans ma chambre me mettre en pyjama.
J'observe la photo de ma mère et moi sur la table de chevet et fonds en larmes. Elle me manque terriblement, mais je ne pourrais jamais lui pardonner tout ce qu'elle nous a fait. Est-ce que la solution c'est réellement le pardon? Ou alors, essayer de recoller les morceaux et avancer ?
  J'allume mon ordinateur et lui envoie un mail :

Bonjour maman,
J'espère que tu vas mieux. Ici ça va, avec papa on est un peu fatigué par le rythme du travail, mais sinon tout va bien. J'ai quelques projets qui arrivent, je t'en parlerai sûrement plus tard. J'ai beaucoup de choses à te raconter. Écris-moi quand tu pourras. Je t'embrasse.

Heath. X

  J'envoie le mail puis referme l'ordinateur. Je reçois un texto d'Eden.

NINJA M'A GLISSÉ À L'OREILLE AVANT DE PARTIR QUE TU ÉTAIS CHARMANTE, ET JE SUIS D'ACCORD AVEC ELLE. NIGHT NIGHT.

  Je souris bêtement et éteins mon téléphone avant de m'endormir profondément.

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  Eden est au téléphone avec l'aide soignante de sa grand-mère. Je l'entends lui expliquer qu'il faut qu'elle soit beaucoup plus présente pour elle. Depuis sa chute, Eden est très inquiet, et je le comprends.
Pour la première fois depuis que je viens chez lui, il a enfin rangé sa chambre, tous les vêtements qui jonchaient le sol sont dans un panier à linges sales, son bureau est nettoyé et le sol aspiré. Je crois même qu'il a aspergé du parfum sur les rideaux, histoire de rafraîchir la chambre.
Il s'assied sur le lit à côté de moi, le visage grave.

- Carole me dit que Ninja a de gros soucis de santé... Je savais qu'elle avait un problème au cœur, rien de bien grave, mais apparemment elle a des nodules sur les poumons... Je ne comprends pas pourquoi elle ne m'en a pas parlé...

  Ses yeux s'humidifient, je lui attrape les mains et commence à les caresser pour l'apaiser.

- Elle ne veut sûrement pas t'inquiéter...

- Mais elle ne peut pas affronter ça toute seule.

  Il s'allonge en posant ses mains sur son visage pour se cacher. Je les reprends dans les miennes délicatement.  Je ne sais absolument pas quoi lui dire... Je prends sa tête et la pose sur mes genoux pour lui caresser les cheveux, je sais qu'il aime ça.

- C'est peut-être le bon moment pour arrêter de fumer, tu ne penses pas ?

  Il ne répond rien et continue à fixer le plafond. Ses yeux sont vides. C'est la première fois que je le vois aussi vulnérable, ça me fait mal au cœur de le voir ainsi.

- D'ailleurs, pourquoi Ninja ?

  Un sourire apparaît sur son visage.

- Parce qu'elle s'appelle Janine. Depuis tout petit, je trouvais que l'appeler Ninja était beaucoup trop classe, alors c'est resté comme ça. Finalement, tout le monde l'appelait de cette manière.

  Un large sourire illumine désormais son visage. À cet instant précis, j'ai l'impression d'avoir un enfant devant les yeux. Évoquer ce souvenir doit le ramener dans le passé, au moment où tout allait bien, je suppose. J'ai envie de lui parler de ses parents, mais avec ce qu'il vient d'apprendre concernant sa grand-mère, je ne pense pas que ce soit le bon moment.

SOMETIMES (you bet)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant