SOMETIMES (you bet)

24 / EDEN

  Elle rentre dans une pièce qui semble être sa chambre. C'est super bien rangé, son lit est fait au carré, tout est correctement positionné, j'ai même l'impression que les livres de sa bibliothèque sont triés par taille et couleurs. Il n'y a rien qui dépasse. Devant son lit il y a une grande malle qui doit servir à ranger la tonne de coussins qu'elle a. Au-dessus de son bureau, un poster de David Bowie y est accroché. Rien que pour ça, elle commence vraiment à me plaire.
  Je me dirige vers sa bibliothèque, qui comme je le pensais, est bien rangée par taille. Tout en bas sont alignés ses CD et Vinyls. Elle a toute une collection de musique rock; Bowie, Pink Floyd, Muse, The Beatles, The Rolling Stones, Sex Pistols tout y est. On ne devinerait jamais son côté anglais.

- Tu caches bien ton jeu.

- Tu croyais que j'écoutais quoi ?

- Du bon gros rap de cité, plaisanté-je. Je pensais que tu étais plutôt pop, classique...

- Je viens de Grande-Bretagne je te rappelle. Et puis j'écoute aussi de la pop, du classique, du jazz, du rap... un peu de tout, en fait.

  Elle s'installe à son bureau et m'observe faire le tour de sa chambre. Des photos d'elle petite sont posées sur sa table de chevet, sur l'une d'entre elles, une très belle femme blonde la tient dans ses bras. Ce doit être sa mère, elles se ressemblent beaucoup, hormis la couleur de cheveux.

- C'est une fausse blonde, souffle-t-elle dans mon dos., tout est faux chez elle.

- Comment ça ?

- C'est une hypocrite, manipulatrice et menteuse.

- Woaw... C'est l'amour fou entre vous.

  Elle pouffe de rire mais ne rajoute rien.

- Qu'est-ce qu'elle a fait ?

- J'ai pas envie d'en parler maintenant, ça risque de m'énerver.

- C'est toi qui as lancé le sujet, mais très bien, n'en parlons pas.

  Je lui lance un sourire compréhensif qu'elle me rend, soulagée.
  Elle semble épuisée de fatigue. Je ferais mieux de la laisser dormir, mais je n'ai aucune envie de partir. Je ne m'en irai que lorsqu'elle me le demandera.
  Heather s'approche de son lit et s'écroule dessus en lâchant un grognement. Elle enfouit sa tête dans son oreiller et fait mine de ronfler.

- Tu veux que je parte ?

- Non, pardon... Je veux juste m'allonger un peu, histoire de récupérer des forces pour ce soir. Tu peux t'installer sur le lit si tu veux.

  Je m'exécute et m'assieds sur le bord du matelas par peur d'être trop intrusif dans son espace.
  Je la regarde étendue de tout son long sur le ventre, ses bras sont sous son oreiller, qui lui mange une partie du visage, ses yeux sont fermés et ses jambes tendues jusqu'au pied du lit. Sa respiration a pris une allure plus lente. Je crois qu'elle s'est endormie.
  Je m'allonge à côté d'elle et l'observe. Ses yeux roulent doucement sous ses paupières, sa bouche s'entrouvre légèrement laissant passer un filet d'haleine mentholé. C'est la première fois que je sens le souffle d'une fille qui ne fume pas, c'est très agréable. Une mèche de cheveux lui tombe sur le visage, je l'attrape délicatement pour la mettre derrière son oreille. Elle frémit en sentant mes doigts sur sa joue mais ne se réveille pas. Elle serait sûrement furieuse que je la touche pendant son sommeil.
  Je me tourne sur le dos et regarde le plafond. Je repense à sa mère et essaye d'imaginer ce qu'elle a bien pu faire à Heather pour qu'elle la déteste à ce point. Ce ne doit pas être pire que ce qu'a fait la mienne. Après m'avoir balancé que j'étais un raté, que j'allais crever sous les ponts et mis à la porte, elle est allée porter plainte contre moi en disant que je lui avais volé des centaines d'euros pour me défoncer. C'est vrai, mais de là à porter plainte contre son propre fils plutôt que de l'aider, ça faisait d'elle une belle salope.
  Je n'ose pas bouger pour ne pas réveiller Heather, mais j'ai très envie de pisser. Au moment de poser un pied à terre pour sortir du lit, son bras passe par-dessus mon torse et me bloque. Je la regarde stupéfait, mais elle dort toujours. Tant pis je vais me retenir. Je reste là sans bouger dans l'espoir qu'elle retire son bras dans quelques secondes, mais rien, elle reste accrochée à moi.
  J'ai très envie de faire pipi maintenant. Je passe ma main sur son épaule pour la réveiller en douceur. Elle ouvre les yeux brusquement et m'observe longuement. Elle a l'air complètement à l'ouest. Son regard descend sur son bras qui entoure mon torse et le retire brusquement, ses joues rosissent instantanément.

- Je... Je suis désolée, bégaye-t-elle en essuyant un filet de bave sur le coin de ses lèvres, question d'habitude.

- T'en fais pas, c'était plutôt agréable.

  Elle se relève sur son lit et déglutie de gêne. En passant la porte de sa chambre pour aller aux toilettes je l'entends chuchoter "Quelle conne". Je me marre.