A Poudlard les événements se précipitèrent brusquement au cours de la semaine précédente, notamment depuis que le Ministère avait avoué qu'un mage noir du nom de Gellert Grindelwald avait rejoint l'Allemagne pour prendre part à la guerre. A l'école, comme dans tout le monde sorcier, cette nouvelle avait fait l'effet d'une bombe et la paranoïa semblait, plus que jamais, submerger les esprits qui jusqu'à présent avaient fait preuve de sang-froid. Si tous les élèves de Poudlard étaient confinés à l'intérieur de l'école et ne cessaient de s'en plaindre à longueur de journée, il y en avait un parmi eux que la situation ne semblait pas déranger le moins du monde : Tom. Celui-ci, loin de paniquer au moindre bruit trop aiguë ou trop grave, affichait une sérénité qui effrayait encore plus ses camarades et se permettait même de faire part de sa curiosité en ce qui concernait la personne de Gellert Grindelwald. Les mêmes questions revenaient sans cesse dans son esprit : Qui était-il ? D'où venait-il ? Pourquoi l'appelait-on « mage noir » ? Cela l'intriguait tellement qu'il en perdait le goût du sommeil et s'enfermait dans un monde où lui seul et Grindelwald existaient. Même Aéla ne semblait plus avoir d'importance à ses yeux bien que de temps à autre, lorsqu'il hasardait un oeil dans la direction de la jeune fille, il l'apercevait ruminer une sorte de rage qu'il ne lui connaissait pas. S'il n'avait pas été aussi tourmenté par Grindelwald, peut être aurait-il eu le courage de lui demander ce qui n'allait pas mais à présent cela lui était impossible, son unique préoccupation étant d'apporter des réponses à ses nombreuses questions. Aussi, afin de ne pas détourner son attention vers Aéla et d'autres choses, Tom s'évertua à passer tout son temps libre dans la bibliothèque, arpentant les nombreuses étagères à la recherche d'informations sur Gellert Grindelwald. Cette situation lui rappela étrangement les recherches qu'il avait faites sur sa famille l'année précédente. Des recherches qui n'avaient abouties que grâce à l'aide d'Aéla. Devait-il lui demander de l'aide ? Tom en avait envie mais préférait se brûler la langue avec un tisonnier plutôt que d'avouer à haute voix qu'il n'arrivait pas à faire quelque chose par lui-même, alors il garda le silence et s'efforça de ne pas prêter attention à la frustration et la colère qui grandissaient en lui, au fur et à mesure que ses recherches s'avéraient infructueuses.
De son côté, Aéla n'avait pas décoléré d'avoir une heure de retenue malgré ses nombreuses tentatives pour retrouver son calme. Björn lui-même n'avait rien pu faire pour apaiser sa colère et s'était retrouvé avec une brûlure en forme de pentacle sur la joue droite. Aucun des deux enfants n'avaient réellement compris comment cela était arrivé. Tout ce dont Aéla fut sûre, c'était que sa colère en était à son point culminant et que Björn l'aggravait depuis une heure en essayant, tant bien que mal, de la faire sourire en lui racontant des blagues. D'ordinaire cela l'aurait détendu, mais ce jour là elle avait simplement accordé à Björn son regard le plus noir et la marque était apparue sur la joue du garçon, rougeoyante et crépitante comme une braise. Il avait poussé un hurlement de douleur qui avait ameuté toute la salle commune et, aussitôt, des regards accusateurs s'étaient posés sur Aéla bien que plus tard, lorsqu'il fut emmené à l'infirmerie par une délégation de Serpentard, Björn affirma être tombé sur une braise. Les infirmières semblèrent le croire mais leurs camarades demeuraient étrangement dubitatifs et évitaient désormais Aéla avec un soin particulier. Cela ne la dérangeait pas. En revanche, ce qui la dérangeait, ce fut que Björn la regarda avec une pointe d'angoisse après l'accident. Tom la fuyant, comme le reste de leurs camarades, il ne lui restait plus que Björn et Sibbie, mais la jeune fille semblait vouloir passer davantage de temps avec d'autres filles de Serpentard et Björn lui accordait le même regard qu'à un monstre imprévisible. Et peut être qu'au fond cela était justifié.
Pour l'heure, elle devait accomplir sa retenue et, grâce à Dumbledore, celle-ci se déroulerait à la bibliothèque en présence de Miss Druaux. Elle s'avança à pas feutrés jusqu'à la bibliothécaire, qui rangeait consciencieusement des livres par ordre alphabétique et, lorsqu'Aéla tira discrètement la manche de son chemisier, Miss Druaux échappa un cri de surprise en lâchant sa pile de livres qui alla s'écraser bruyamment au sol.
— Oh, Aéla ! soupira Miss Druaux comme soulagée. Tu m'as fait une de ces peurs ! Ça me change terriblement de l'ennui qui règne dans cette bibliothèque, ajouta t-elle en partant dans un rire. Que puis-je faire pour toi ?
Ne sachant pas comment si prendre, Aéla se contenta de lui tendre sa notification de retenue, élégamment rédigée par Dumbledore. Miss Druaux haussa un sourcil en voyant le sceau écarlate de Gryffondor sur la lettre et s'étonna un instant que ce fut une Serpentard qui le détienne. Elle enleva le cachet et parcouru la notification, non sans échapper de temps à autre de petits soupirs plus étonnés les uns que les autres.
— Eh bien ! C'est la première fois qu'on m'envoi un élève en retenue ! s'exclama Miss Druaux avec une excitation palpable dans la voix. Qu'est-ce que je pourrais te donner à faire ? Mh... La bibliothèque a besoin d'un peu de rangement alors un peu d'aide serait la bienvenue ! Dumbledore a bien fait de t'envoyer ici.
Miss Druaux échappa de nouveau un rire sincère qui arracha un sourire à Aéla. Après des jours passés à faire la tête, sourire lui fit presque mal aux joues mais la bibliothécaire avait une bonne humeur contagieuse. De plus, la jeune fille était certaine que Dumbledore ne l'avait pas envoyé ici par hasard. D'ailleurs, Albus Dumbledore ne faisait jamais rien par hasard ! Miss Druaux replia la lettre et la rangea soigneusement dans la poche de son chemisier comme une sainte relique.
— Nous allons commencer par les livres d'Histoire de la Magie. Ce sont mes préférés ! Je les trouve tellement passionnants !
Et Miss Druaux partit dans les récits de ces innombrables livres « coup de coeur », à croire qu'il s'agissait de la bibliothèque tout entière, tandis qu'elle et Aéla mettaient un peu d'ordre dans les rayons. Il y avait tant de livres à ranger dans tant d'endroits différents qu'Aéla crut qu'elle ne verrait jamais le bout de sa retenue.
Heureusement Miss Druaux s'avéra être d'une excellente compagnie, à tel point qu'Aéla ne vit pas le temps passer. Elle s'était perdue dans les méandres des souvenirs de jeunesse de la bibliothécaire et ne devait sa libération qu'à l'apparition inattendue du Poseur d'énigmes, de son vrai nom : Kartwell Adams, célèbre fantôme de Serpentard. Apparemment, il avait besoin des conseils de Miss Druaux pour conquérir le coeur du fantôme de Gryffondor, Babel Sans-yeux. Aéla avait donc laissé Miss Druaux délivrer ses précieux conseils en matière de séduction au fantôme et se retrouva devant le portrait du cavalier-sans-tête plus vite qu'elle ne l'aurait cru. Il fallait dire que le débat intérieur qu'elle menait sur la possibilité que les conseils de la bibliothécaire puissent être efficaces sur un fantôme l'avait particulièrement passionné.
Après avoir donné le mot de passe au portrait, Aéla s'engouffra dans le tunnel qui débouchait sur la salle commune où un feu verdâtre crépitait dans l'âtre de l'une des cinq cheminées. Personne ne fit attention à son arrivée et elle s'en trouva soulagée, comme à chaque fois que personne ne posait pas ses yeux sur elle ou ne chuchotait dans son dos. Du coin de l'oeil, elle aperçut Sibbie et Björn dans une partie d'échec version sorcier particulièrement violente, notamment à cause du fait que Sibbie refusait catégoriquement de perdre une partie. Plus loin, assit sur un canapé du salon et entouré d'élèves de Serpentard, Tom discutait en chuchotant. Il lui sembla, l'espace d'un instant, que les yeux de Tom se tournèrent vers elle et Aéla n'eut d'autre réflexe que de lui faire un signe de la main, trop heureuse d'avoir un peu de son attention après avoir passé des semaines à l'état d'ombre. Seulement, si Tom l'avait vu, il n'en laissa rien paraître et continua de discuter avec ses camarades. Dépitée, Aéla partit dans son dortoir sans même aller saluer Sibbie et Björn qu'elle n'avait pas vu depuis le déjeuner.
Aéla eut un mal terrible à s'endormir. Cela faisait plusieurs jours maintenant qu'elle était constamment énervé sans qu'elle ne comprenne pourquoi, et cela perturbait grandement son sommeil mais aussi ses journées. Etre en colère n'était pas une chose dont elle avait l'habitude et ce sentiment lui déplaisait grandement. Seulement, celui-ci ne semblait pas décidé à la quitter.
Malgré les temps lugubres et la menace du Mage Grindelwald, Dippet avait maintenu l'organisation du bal de Halloween, que les élèves semblaient attendre avec plus d'impatience que jamais. Il fallait dire que les occasions de s'amuser et d'oublier la guerre, et la peur qu'elle engendrait, étaient rares.
— Tu vas aller au bal avec qui, toi ? demanda Björn comme si de rien n'était.
— Abraxas Malefoy m'a invité.
— Je croyais que tu le trouvais trop abruti pour le fréquenter ?
— C'est vrai mais mon père le trouve charmant et m'a demandé d'éviter de lui étaler de la bouse de dragon sur le visage, répliqua sombrement Sibbie. Je crois qu'il projette d'unir nos deux familles dans quelques années.
— Ma pauvre ! se plaignit faussement Björn. A ta place, je préférerais me jeter du haut de la Tour d'Astronomie !
— J'y ai déjà pensé mais j'ai peur du vide... Et toi, Aéla ? Avec qui vas-tu aller au bal ?
Björn se redressa sur le lit de Sibbie où ils étaient tous les trois affalés, l'air particulièrement intéressé par la réponse. Normalement, les garçons et les filles n'avaient pas le droit d'entrer dans les dortoirs des uns et des autres mais ce jour-là, alors qu'il pleuvait des cordes et qu'une partie d'échecs ne les avait occupé que pendant une heure, ils avaient décidés de tuer le temps en papotant de tout et de rien. Malgré la discrétion dont ils avaient fait preuve pour rejoindre le dortoir des filles, Björn savamment dissimulé sous sa capuche de robe de sorcier, le Baron Sanglant les avait aperçu mais n'avait fait aucune remarque.
Aéla leva les yeux vers le garçon. Depuis une demi-heure, elle les écoutait parler sans vraiment s'intéresser à la conversation, totalement perdue dans ses pensées dont elle ne parvenait plus à se souvenir. Ces derniers temps, tout lui échappait. Ses pensées, ses sentiments, ses souvenirs, tout !
— Je ne sais pas. Personne ne m'a demandé de l'accompagner au bal.
— Les garçons sont de vraies trolls en matière de galanterie ! répliqua Sibbie. Si tu attends qu'on t'invite, tu peux être sûrs de ne jamais assister à un bal de ta vie !
— N'importe quoi ! siffla Björn, la voix étouffée. Aéla, si tu veux je-
Mais il n'eut pas le temps de finir sa phrase. Dans la salle commune, des cris avaient retentis et il ne fallut que quelques secondes à Sibbie et Aéla pour se précipiter hors du dortoir, leur baguette à la main. Björn de son côté, désespéré, traîna des pieds pour les rejoindre. Il ne s'agissait pas d'une attaque mais d'Armando Flickhold, un Serpentard de troisième année qui agitait un exemplaire de la Gazette sous le nez de qui voulait bien regarder. En Une du journal, une photo de Grindelwald le représentait en première ligne sur le champ de bataille à Varsovie.
— Il paraît que sa prochaine cible est l'Angleterre ! s'étrangla une fille. Il pourrait même s'en prendre à Poudlard !
— Ne soit pas stupide ! cracha Tom, surprenant tout le monde en prenant la parole. Poudlard est imprenable, c'est une forteresse protégée par le Ministère.
Nonchalamment assit dans un canapé de la salle commune, un livre sur les genoux, il ne semblait pas alarmé par la situation. Ce fut à peine si le nom de « Grindelwald » lui fit lever les yeux des pages.
— C'est ce qu'on disait aussi du village de Salem ! souffla Sibbie. Et regardes comment ils ont tous finis là-bas.
Aéla sentit un frisson lui parcourir tout le corps. L'évocation de Salem ou de son histoire lui retournait l'estomac et elle savait que le peu de cauchemars qu'elle avait réussie à atténuer, reviendraient hanter ses nuits avec plus de violence et d'horreur qu'autrefois. Cependant, la jeune fille ne dit rien et écouta son amie lui relater une histoire qu'elle ne connaissait que trop bien : celle des sorcières de Salem.
Du coin de l'oeil pourtant, Tom l'observait. Il voyait Aéla devenir de plus en plus pâle, vacillante sur ses jambes, le regard hagard. Elle semblait sur le point de s'effondrer au sol et il ne faisait aucun doute pour lui que la cause était Sibbie et le flot de paroles qu'elle semblait débiter. De quoi pouvait-elle bien parler ? Avec une pointe de mécontentement, il referma sèchement son livre et se leva alors que les autres élèves se dispersaient aux quatre coins de la pièce en marmonnant sur les sombres nouvelles de la journée.
— Au lieu de parler de choses que tu ne connais pas, tu ferais mieux de finir ton devoir de Botanique ! siffla Tom en se postant devant Sibbie. Je ne crois pas que ta dernière note te permette de bavasser !
— Bon, si vous me cherchez, je serais à la bibliothèque, souffla Sibbie à l'oreille de Björn et Aéla après un long moment de silence.
— Je te suis ! J'ai une rédaction en Histoire de la Magie a terminer pour demain. Tu viens Aéla ?
La jeune fille observa ses amis d'un air hagard, ne sachant plus vraiment où elle se trouvait ni ce qu'elle devait faire. Son seul réflexe fut de se tourner vers Tom qui ne la lâchait pas du regard tout en affichant son sempiternel visage impassible, proche de celui d'une statue grecque. Le regard du garçon la convainc de rester dans la salle commune et ce fut d'un signe de tête qu'elle signifia à ses amis qu'ils pouvaient partir sans elle. De toute façon, qu'aurait-elle fait à la bibliothèque ? Elle n'était pas du genre à laisser ses devoirs traîner. Ceux-ci étaient bouclés depuis des jours.
— Qu'est-ce que cette fille te racontait ? demanda Tom, la voix tremblante d'une colère qui échappait à Aéla.
— Quelque chose que je n'avais pas envie d'entendre.
— C'était quoi cette « chose » ? Si tu n'avais pas envie de l'entendre, il aurait été plus simple que tu t'en ailles dans ta chambre plutôt que de manquer de défaillir dans la salle commune, sous les yeux de tout le monde !
Une fois de plus, Aéla resta pétrifiée par la virulence des propos de Tom. Ce qu'il disait n'était pas dénué de sens. Elle aurait très bien pu planter ses amis au milieu de la pièce et partir se réfugier quelque part pour ne rien entendre, mais cela aurait parût encore plus louche. Non ! Ce qui la laissa pantoise, ce fut cette façon agressive, presque accusatrice, que Tom avait pour dire les choses. Aéla savait que le garçon n'avait aucun tact et qu'elle ne devait pas se plaindre car elle était la seule qui le voyait sous son vrai visage, mais elle ne cessait jamais d'être surprise par la dureté et la froideur de Tom.
— J'ai fuis toute ma vie ! Je suis fatiguée de fuir ! lâcha t-elle dans des gestes las.
Tom déglutit lentement, vaguement dérangé d'avoir été dur avec Aéla mais pas assez contrit pour lui faire des excuses. D'un geste de la tête il chassa immédiatement ce bref sentiment de culpabilité et enchaîna sur un sujet tout autre. Un sujet sur lequel il était particulièrement mal à l'aise et maladroit, pour lui c'était l'inconnu et il ne savait pas comment s'y prendre.
— C'est bientôt le bal de Halloween, lâcha t-il si rapidement qu'Aéla faillit ne rien comprendre. Tu vas y aller ?
— Je ne sais pas. Peut être bien, oui.
La jeune fille avait les yeux brillants de curiosité mais aucun trait de son visage ne laissa paraître sa surprise. Où Tom voulait-il en venir ? Björn lui avait demandé cent fois déjà d'être sa cavalière pour le bal mais elle avait toujours refusé, attendant désespérément une autre proposition de quelqu'un autrement plus important pour elle. Les mains enfoncées dans ses poches, elle serrait les poings si forts que ses ongles rentraient dans sa paume, lui procurant une douleur qui lui faisait oublier celle de son coeur qui tambourinait comme un diable contre sa poitrine.
— Tu..Enfin..Tu y vas avec quelqu'un ? bafouilla t-il, ce qui lui déplut grandement.
— Non, je n'ai pas encore de cavalier.
— Cela m'étonne de Dunharrow ! marmonna Tom si bas qu'Aéla ne put rien entendre. Moi j'y vais avec... Zelda Winshow.
Soudain, les murs semblèrent trembler sur leur fondation, le plafond sembla céder sous son propre poids, le ciel sembla déverser de l'acide, le tonnerre sembla faire trembler la terre. En somme, ce fut comme si la fin du monde succédait aux paroles de Tom. Du moins ce fut ce que crut Aéla, dont les ongles s'enfoncèrent plus profondément encore dans sa chair. Elle se sentit vaciller sur ses jambes mais sans qu'elle puisse faire quelque chose, sans même qu'elle s'en aperçoive, un ouragan de fureur noire fit bouillonner son sang. Une fureur aussi brusque que douloureuse et dévastatrice.
— Ça te fais plaisir de me dire ça ? signa t-elle avec des gestes si rapides et si brutaux que Tom en eut un hoquet de surprise. Me faire du mal te fait-il plaisir au point que tu t'évertues chaque jour à être plus méchant que le jour d'avant ? J'en ai rien faire de savoir avec qui tu vas au bal ni même avec qui tu traînes dans les couloirs !
— Vraiment ? siffla Tom en tirant Aéla dans un coin discret de la salle commune, cédant lui-même à la colère. Dans ce cas pourquoi me regardes-tu avec ce même air de chien battu ? Tu me colles ! Tu m'oppresses ! Tu m'énerves !
— Toi aussi tu m'énerves ! Qu'est-ce que je t'ai fais ? Qu'est-ce qui te déplaît tant chez moi pour que tu me traites avec tant de méchanceté ?
— Ce qui me déplaît c'est que tu n'es qu'une sale sang-de-bourbe ! cracha Tom, hors de lui, attirant tous les regards de leurs camarades en ayant parlé plus fort qu'il ne l'aurait cru.
Un silence stupéfait s'abattit lourdement sur la salle commune. De tous les élèves présents, aucuns n'osa simplement ouvrir la bouche pour prendre une bouffée d'air de peur de s'attirer les foudres de Tom Jedusor. Mais ce qui les stupéfia plus encore que cet éclat de voix effroyable, fut que celui-ci soit à l'attention d'Aéla Wayne, une fille qu'ils avaient toujours crus hors de portée de la fureur de Jedusor.
De son côté, plus rien n'existait autour d'Aéla. Ce fut comme si son coeur s'était arrêté et que le sang n'irriguait plus son cerveau. Face à elle, Tom demeurait impassible, ne sachant pas s'il était choqué qu'une telle insulte ait fusée d'entre ses lèvres ou si c'était parce qu'il avait osé s'en prendre à Aéla, qu'il avait osé la traiter d'une chose que tous les sorciers de sang-pur exécraient : une sang-de-bourbe.
La jeune fille échappa brusquement un hoquet de douleur et des flots de larmes déferlèrent sur son visage. Tom se sentit harponné par la souffrance d'Aéla. Il essaya faiblement de la retenir mais elle s'enfuit vers sa chambre. Elle s'enfuit loin de lui comme elle fuyait ses terribles souvenirs et ce fut, très certainement, ce qui ébranla le plus l'impassible et sans coeur Tom Elvis Jedusor.
Deux jours étaient passés depuis la terrible dispute entre Tom et Aéla. La jeune fille n'avait toujours pas quitté sa chambre et d'après Sibbie, elle n'avait pas non plus cessé de pleurer. Tom, de son côté, après s'être prit une gifle de la part de Björn, fort heureusement à l'abris des regards indiscrets ; était devenu plus irascible qu'à l'habitude, s'en prenant à tous ceux qui lui déplaisait d'une quelconque manière. Ce fut dans cette ambiance tendue qu'arriva la soirée du bal de Halloween. Tom n'avait eu aucune envie d'aller à ce bal, encore moins avec une Zelda Winshow transie d'amour pendue à son bras, mais après sa dispute avec Aéla, il n'avait pas eu le coeur à se dégonfler. Pour l'occasion, il avait simplement enfilé une veste de costume noir par-dessous sa robe de sorcier. Tom avait catégoriquement refusé d'acheter un costume spécialement pour l'occasion malgré les suppliques de sa cavalière et les arguments des autres garçons de Serpentard. Lui, tout ce qu'il voulait, c'était que cette torture prenne fin rapidement. Il ne savait pas danser et n'avait pas prit la peine d'apprendre le moindre pas, il ne savait pas non plus faire la conversation sans cracher au visage de quelqu'un, mais Zelda ne semblait pas offusquée par ses manières rustres et sauvages. Au contraire, à chaque regard noir, à chaque parole cinglante, elle affichait un sourire plus béat que le précédent et se mettait à glousser comme une dinde. Tom n'en pouvait plus. Ce n'était pas Aéla qui l'étouffait et l'oppressait mais tous ces gens qui se cramponnaient à lui en quête d'un peu de gloire et d'attention. Zelda n'échappait pas à la règle et était peut être la pire de tous. En observant la foule d'élèves virevolter au son des violons et pianos de l'orchestre en face de lui, Tom se perdit dans ses pensées les plus profondes, celles auxquelles il ne s'abandonnait que très rarement par peur qu'elles le rendent faible. Il se mit à imaginer combien Aéla aurait été heureuse d'être ici, à danser parmi leurs camarades comme une élève normale, à écouter les blagues ennuyeuses de Björn, qui avait dût se rabattre sur une Poufsouffle pour aller au bal. Elle aurait été radieuse et ravissante dans une robe scintillante bleu, argent, rouge ou rose. Non ! Une robe vert émeraude comme la couleur de Serpentard l'aurait rendu merveilleuse et aurait éclipsée toutes les autres filles de la salle.
Une fois de plus, et pour une raison qui lui échappait, Zelda se mit à glousser en se dandinant sur ses pieds. Ce fut le coup de grâce ! Prit d'une colère qui menaçait de s'abattre sur la salle entière, Tom retira son bras des griffes de Zelda d'un geste sec et sans se justifier ni même s'excuser, il sortit de la grande salle et regagna la salle commune de Serpentard d'un pas empressé.
— Mot de passe ? siffla le portrait du cavalier sans tête.
— « Le sang est la vie » !
Le portrait s'ouvrit et Tom s'engouffra dans la salle commune. Un instant il resta planté là, entre les canapés et la cheminée, à fixer l'étroit couloir qui menait au dortoir des filles. Aéla devait être là, affalée sur son lit comme le racontait chaque jour Sibbie, à pleurer toutes les larmes de son corps à cause de lui. Il aurait préféré l'ignorer mais ses tripes se tordirent et sa gorge sembla se rétracter sur elle-même. Si cela était l'oeuvre d'un sortilège d'Aéla et bien soit ! Il méritait bien cette désagréable sensation qui oscillait entre la douleur et la culpabilité. Saisissant un paquet de chocogrenouille qui traînait sur une table basse, il s'aventura dans le couloir du dortoir des filles d'un pas mesuré. Il entra et alla directement devant la porte de la chambre qu'Aéla partageait avec d'autres filles. Il pouvait l'entendre. Il pouvait la sentir. Ses tripes se tordirent un peu plus tandis que son poing frappait faiblement le battant en bois de la porte. Aucune réponse. Rien d'autre que des sanglots étouffés qui s'arrêtèrent brusquement. Tom savait qu'Aéla ne bougerait pas de son lit à moins d'avoir une raison valable de le faire. Il devait la convaincre de venir à lui et pour cela, il allait devoir faire l'effort de ravaler sa fierté et avouer qu'il n'avait jamais été aussi abruti que le jour où il l'avait insulté de sang-de-bourbe.
— Aéla, ouvres moi, souffla Tom en essayant d'être le plus calme possible. Il faut qu'on parle. On ne peut pas passer les vacances en se faisant la tête !
Le silence lui répondit mais Tom savait qu'elle l'écoutait. Il avait entendu de subtiles bruits derrière la porte. Peut être que la jeune fille avait la main posée sur la poignée et qui lui manquait encore un argument pour ouvrir la porte.
— Je ne voulais pas te faire du mal l'autre jour, continua t-il, la voix un brin tremblante d'anxiété et de résignation. J'ai été vraiment idiot ! ... S'il te plaît, ouvres moi. Je n'ai pas envie que quelqu'un me surprenne ici, dans le dortoir des filles.
Derrière la porte, Aéla s'était assise sur son lit, abasourdie que Tom vienne lui présenter des excuses, tout du moins qu'il avoue s'être mal comporté. Sa manière de le dire était maladroite mais elle savait, au petit tremblement qu'elle perçut dans sa voix hésitante, qu'il était sincère. A vrai dire, elle lui avait déjà pardonné son éclat de colère et les mots horribles qui étaient sortis de sa bouche. Pourtant, elle aurait voulue continuer à le détester et lui faire payer ses méchancetés, mais cela lui demandait une force qu'elle n'avait pas. La raison qui la maintenait cloîtrée dans sa chambre et la faisait pleurer au point de la rendre presque aveugle était que les paroles de Tom avait réveillés en elle un sentiment qu'elle s'était toujours efforcé de ne jamais ressentir : le manque. Ses parents lui manquaient terriblement, plus violemment qu'auparavant.
Elle s'approcha de la porte et l'ouvrit avec une lenteur presque insolente. Dans l'embrasure apparut Tom, un paquet de chocogrenouille à la main. Cela était sans doute sa manière de se faire pardonner officiellement. Aéla prit le paquet et rien qu'à l'opercule déchiré, elle sut qu'il n'appartenait pas à Tom. Qu'importait ! Il avait prit la peine de voler un paquet de bonbon pour elle alors qu'il avait toujours scrupuleusement respecté le règlement intérieur qui punissait, entre autre, le vol d'affaires entre élèves.
La jeune fille échappa un sourire que Tom lui rendit immédiatement même si celui-ci fut bref. Ses entrailles se décontractèrent et ses épaules lui semblèrent plus légères. Aéla lui avait pardonné et c'était tout ce qui comptait pour lui sur le moment.
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Tale of Jedusor : les jeux du sort
Fanfiction« - Vous êtes faible ! Vous ne connaîtrez jamais l'amour. Je vous plains sincèrement ! Voldemort abaissa quelques instants sa baguette, un sourire grimaçant sur les lèvres. Qu'est-ce que ce sang-mêlé de Potter venait de lui dire ? Il eut terriblemen...