Les vacances de Pâques furent décrites comme l'occasion pour les élèves de se décontracter, de retourner à une vie « normale » et d'oublier les sombres événements de ces dernières semaines au sein de leur famille. Nul doute que Dippet pensa sincèrement ses dernières paroles mais la triste réalité fut que les choses étaient bien pire à l'extérieur de Poudlard. Il ne fallut pas longtemps aux élèves, à la descente du Poudlard Express à King's Cross, pour avoir les larmes aux yeux. Londres, autrefois lumineuse et pleine de vie, semblait à l'agonie. Peu de gens s'aventuraient dans les rues et lorsque c'était le cas, on avait à peine le temps de les apercevoir tant ils étaient pressés de retrouver la sécurité de leur foyer. Les magasins ouverts se comptaient sur le bout des doigts et tous les monuments avaient été fermés.
Pourtant, ce ne fut pas ce qui angoissa le plus Aéla. Prostrée sur son lit crasseux, n'ayant pas mangé depuis deux jours, la jeune fille semblait à bout d'énergie, dépossédée de toute volonté de vivre. Si Mr.Hungard tenta vainement de savoir ce qui la mettait dans un tel état, sa femme observa ce triste spectacle en retrait, impuissante face à la détresse de la jeune fille qui demeurait plus incompréhensible que jamais. Mrs.Hungard avait pourtant le souvenir que leur retrouvaille s'était plutôt bien passée. Du moins, aussi bien que cela put l'être dans ce contexte de guerre et le mépris qu'elle ressentait pour la jeune fille même si ce sentiment tendait à disparaître un peu plus chaque jour. Elle avait même vu Aéla sourire à une blague de son mari sur le chemin de la maison. Alors pourquoi se laissait-elle dépérir ainsi ? Était-elle malade ? Était-elle sous l'emprise d'un sort ? Mrs.Hungard fut tellement dépassé par la situation qu'elle préféra ne plus s'en préoccuper, laissant à son mari le soin de remettre la jeune fille sur pieds.
Lorsque Mr.Hungard sortit du placard qui lui servait de chambre, Aéla se redressa sur son lit, plus livide et morne que jamais. Elle n'était plus qu'une ombre maladive d'elle-même, dénuée de tout éclat et de toute couleur. Elle était pâle comme la mort. Pourtant, Aéla n'était pas malade ni sous l'emprise d'un sort comme le pensait Mrs.Hungard. La vérité fut bien plus complexe et terrible que cela. La jeune fille ne se sentait plus maîtresse de son propre corps, de sa propre volonté, comme si quelque chose ou quelqu'un avait prit possession d'elle pour la manipuler comme un pantin. Elle avait déjà ressentit cela dans les cachots lorsque Tom l'avait poussé à jeter le sortilège de Serpensortia mais alors elle n'avait pas eu peur. Le sentiment qu'elle avait ressentit à ce moment était bienveillant, apaisant, comme si elle était en parfaite harmonie. Ce qu'Aéla ressentait en cet instant était totalement différent. Son esprit lui disait que c'était malfaisant, douloureux, incontrôlable et destructeur mais elle ne pouvait rien faire contre cela. Elle ne parvenait même plus à ce souvenir de comment elle en était venue à être aussi mal. Seule l'image du livre de sa mère, qu'elle avait retrouvé sous son matelas après des mois et des mois sans s'en préoccuper, émergea de son esprit. Où était ce maudit livre ? Elle n'en savait rien et ne voulait pas le savoir. Aéla ne voulait plus le revoir, quand bien même il s'agissait du seul héritage de sa mère. Ce livre était un fardeau dont elle avait choisie de se délester. Sa mère pouvait bien se retourner dans sa tombe et la maudire de tous les noms, ce que refermaient ces pages étaient trop lourd à supporter. « Jamais je ne te quitterais ! Je fais partie de toi maintenant. ». D'où venait cette voix ? Était-ce son esprit ? Non. Elle n'avait jamais entendu cette voix crissante et caverneuse, ni dans son esprit ni ailleurs. Assise sur son lit, Aéla sentit tous ses muscles se tendre pour aussitôt redevenir moues comme son oreiller. « Pourquoi me craindre ? Je ne te ferais aucun mal ». Une larme ampli de terreur coula le long des joues d'Aéla au fur et à mesure que la jeune fille réalisait qu'elle était possédée. Qu'était cette chose ? D'où venait-elle ? Pourquoi la tourmenter ainsi ? Aéla se sentit incroyablement faible et en même temps plus forte qu'elle ne l'avait jamais été. « Ne sais-tu vraiment pas qui je suis ? » Non. Devait-elle réellement le savoir ? N'est-ce pas mieux de l'ignorer ? Un rire caverneux résonna dans sa tête, lui glaçant le sang. La chose se moquait d'elle.
Soudain, sa porte de chambre s'ouvrit à la volée sur Mr.Hungard qui portait un plateau remplit de gâteaux de toutes sortes et d'un verre de jus de citrouille. Aéla ne put s'empêcher de penser qu'il tombait à un très mauvais moment.
— Je t'ai apporté quelques petites choses à manger. J'ai pensé que cela de te redonnerai l'appétit, dit-il en posant le plateau par terre. Tout va bien, Aéla ?
Elle aurait voulut crier au secours, verser une larme ou simplement dire « non » mais rien ne sortit de sa bouche, rien sur son visage ou le reste de son corps ne trahit la détresse qu'elle ressentait. La chose l'en empêchait.
Mr.Hungard resta quelques instant figé devant Aéla. A vrai dire, le regard que lui lançait la jeune fille était glaçant, terrifiant. Il n'avait jamais vu cela et pourtant, il avait croisé bon nombre de sorciers terrifiants dans sa vie !
— « Dégages de là, vermine ! », siffla Aéla.
Mais était-ce vraiment Aéla ? Non. La jeune fille ne parlait pas et si elle devait parler, ce ne serait certainement pas avec cette voix terrifiante, ni masculine ni féminine, pleine de mauvaise attention. Alors Mr.Hungard comprit. Ses yeux s'exorbitèrent avec tant d'effroi que ce fut à peine s'ils ne tombèrent pas sur le sol. Aéla n'était plus là. Ce n'était pas la jeune fille qui lui faisait face mais quelqu'un d'autre, quelque chose d'autre.
La jeune fille ne contrôlait plus rien. « Il sait ! Il sait ! Il sait ! » hurla la voix dans sa tête avec tant de fureur qu'elle faillit s'évanouir. « Il ne doit pas quitter cette chambre. On ne peut pas le laisser partir ! ». On ? Qui ça « On » ? Aéla n'avait pas envie de faire partie d'un « on » et pourtant, au fond d'elle-même, elle savait que rien ne serait plus comme avant. Elle ne serait plus jamais seule, quand bien même elle serait le seul corps dans une pièce. La chose ne la lâcherait jamais, elle faisait désormais partie d'elle. « T'as tout compris, Morhèr ! ». Morhèr ? Qu'était-ce encore que cela ? La chose n'eut pas le temps de lui répondre. Mr.Hungard avait retrouvé ses esprits et l'usage de ses jambes. Il avait déjà esquissé un pas vers la porte, le visage livide et le corps tremblant comme une feuille fragile sous la tempête.
— CHER-
Il n'eut pas le temps de finir d'appeler sa femme, d'appeler à l'aide. Aéla avait bondit de son lit avec la rapidité et l'agilité d'un guépard, saississant Mr.Hungard à la gorge de la main droite, plaquant l'autre sur sa bouche pour en étouffer les hurlements. « Personne ne doit savoir qui nous sommes. Il ne doit pas sortir de cette chambre ». Aéla ne comprit pas pourquoi la chose prenait la peine de le préciser. Elle ne contrôlait plus rien, n'avait d'emprise sur rien. La force qui maintenait Mr.Hungard plaqué au sol n'était pas la sienne mais celle de la chose. Elle pouvait faire ce qu'elle voulait de Mr.Hungard, Aéla ne pourrait rien faire pour l'en empêcher. « Ce n'est pas à toi de faire ces choses là ! Je suis là pour ça. » répliqua la chose comme s'il s'agissait d'une évidence dont Aéla aurait toujours dû avoir connaissance.
Sous Aéla qui était assise à cheval sur son torse avec le poids d'un géant de pierre, Mr.Hungard ne cessa de se débattre mais rien n'y fit. Aéla ne bougea pas d'un pouce, pas même lorsque les ongles de l'homme lacérèrent la peau tendre de son avant-bras. Le sang imbiba lentement le tissus blanc de la chemise de la jeune fille jusqu'à ce que trois goûtes tombent sur le sol. Le Ploc qu'elles produisirent en entrant en contact avec le carrelage se répercuta dans les oreilles de la jeune fille avec le fracas du tonnerre. « Cet infâme créature a osé ! » hurla la chose avec un brin d'effroi et une fureur qui terrifia bien plus Aéla que celle de Tom.
— « Tu peux commencer à prier ton Dieu, cafard ! », cracha la chose à travers la bouche d'Aéla.
Alors Mr.Hungard vit le visage d'Aéla prendre une expression horrifiante, monstrueuse, et ses yeux devînrent plus noir que la nuit la plus sombre. Noir comme la chose qui l'habitait.
— Aéla, s'il te plaît ! supplia Mr.Hungard, profitant que les doigts de la jeune fille aient disparus de sa bouche pour chercher quelque chose sur le plateau. Je t'en supplie ! Je n'ai rien fait !
— « Tu respires ! », siffla la chose. « Cela suffit pour que Morhèr t'envoi rejoindre ton créateur ».
— Non ! Pitié !
Mais la chose n'avait aucune pitié. C'était même un mot qui lui était inconnu. Elle n'était pas là pour épargner ou être magnanime. « Je suis là pour le faire. Ne t'inquiète pas, Morhèr ». Morhèr. Encore ce nom qui ne voulait rien dire pour Aéla. D'ailleurs, ce fut à peine si elle l'entendit tant la part de son esprit encore lucide fut focalisé sur ses doigts qui se resserraient comme un étau autour de la gorge de Mr.Hungard sous la volonté de la chose, tandis que sa main gauche attrapait le couteau posé sur le plateau. Et alors que sa main tenant l'arme s'élevait au-dessus de sa tête, Aéla sombra. La chose l'avait engloutie.
Pourtant, dans la chambre, la chose ne s'arrêta pas dans son geste. Alors qu'elle s'apprêtait à abattre l'arme en plein dans le coeur de l'homme qui se tortillait sous elle, un cri d'effroi s'éleva depuis le couloir. Mrs.Hungard, attirée par la voix de son mari qui débitait des paroles qu'elle ne lui avait jamais entendu, fit osciller son regard entre les yeux noirs de la jeune fille, son mari couché au sol à moitié étranglé et le couteau qui pendait au-dessus de son torse comme une épée de Damoclès.
Alors tout se passa très vite. La chose abattit l'arme non pas dans le coeur mais sur la gorge de Mr.Hungard, pas assez pour le tuer mais assez profondément pour lui trancher les cordes vocales.
— « Personne n'en saura rien », souffla la chose avant de bondir sur ses jambes en prenant soin de briser les os des mains de Mr.Hungard avec ses pieds.
Mr.Hungard voulut crier mais rien d'autre que des gerbes de sang sortirent de sa bouche tandis que sa femme se précipitait à ses côtés. Elle eut juste le temps d'apercevoir le corps d'Aéla sur le rebord de la fenêtre, prête à sauter dans le vide, avant que la chose ne la foudroie du regard. Tout devînt noir dans l'esprit de Mrs.Hungard. Que venait-il de se passer ? Elle ne savait plus. Elle était désormais seule dans son placard bizarrement aménagé comme une chambre, son mari allongé à ses pieds avec la moitié de la gorge tranchée, se noyant dans son propre sang. Elle devait appeler les urgences, elle devait le sauver.
A l'extérieur de la maison, la chose courrait plus vite qu'Aéla n'eut pu le faire si elle avait été consciente. « Je dois mettre Morhèr à l'abris » se répéta la chose comme une litanie. Elle sentait qu'Aéla voulait reprendre le contrôle des choses, que la jeune fille voulait savoir ce qui s'était passé mais la chose ne pouvait pas la laisser reprendre le contrôle. Pas encore. Elle devait l'emmener loin de cette maudite maison et taire à jamais ce qui s'était passé chez les Hungard. « Morhèr ne doit pas savoir. Elle ne doit jamais savoir. Ses mains ne doivent pas être entachées de sang. Le Maître ne le pardonnerai jamais sinon. Je suis là pour ça ».
La nouvelle arriva très vite aux oreilles du directeur Dippet. Un hibou du Ministre de la Magie en personne lui avait fait parvenir une lettre où chaque phrase semblait plus invraisemblable que la précédente. La jeune fille avait été aperçu errant dans les rues de Londres par une employée du Ministère qui, par miracle, s'occupait de son dossier. Il lui avait été impossible d'approcher la jeune fille, celle-ci disparaissant au moindre clin d'oeil ou moment d'inattention. En se rendant chez les Hungard, l'employée n'avait pas su comment expliquer la situation mais il paraissait que Mrs.Hungard n'avait aucune idée de qui était Aéla Wayne et quand à son mari, blessé à la gorge d'une manière qui demeurait obscure, il avait perdu l'usage de la parole. Tout comme de l'écriture car ses doigts avaient été brisés. Dippet demeura perplexe à la fin de sa lecture. Qu'était-il donc arrivé ? La jeune fille avait-elle usé du sortilège Oubliette pour faire perdre la mémoire à Mrs.Hungard ? Impossible. Cela dépassait les compétences d'une deuxième année et Dippet avait du mal à concevoir qu'une jeune fille comme Aéla puisse commettre une telle chose. Alors pourquoi s'était-elle enfuie sans laisser de traces ? Dépassé par la situation, Dippet n'eut d'autre choix que de demander de l'aide à celui qui l'avait amené entre les murs de Poudlard. Dumbledore été venu aussi vite que possible, malgré la fatigue que son combat contre Grindelwald lui causait. Le directeur de Gryffondor resta tout aussi perplexe que Dippet face à la lettre du Ministre de la Magie bien qu'il n'en montra rien.
— Que croyez-vous qu'il soit arrivé, Albus ? demanda Dippet d'un ton alarmé.
— Forcément quelque chose de grave. Aéla n'aurait jamais quitté les Hungard sans une bonne raison, d'autant plus qu'elle n'a nulle part où aller.
— Et concernant le fait que les Hungard soient incapables de dire ce qu'il est advenu d'elle ?
— Cela, je le crains, demeurera un mystère, répondit sombrement Albus. Toutefois, notre priorité est de retrouver Aéla. Elle est seule, perdue dans Londres, sans eau ni nourriture ni qui que ce soit pour l'aider. Le temps joue contre nous.
Dippet et Albus soupirèrent, se sentant brièvement impuissants, d'autant plus qu'ils n'avaient aucun moyen magique de retrouver la jeune fille. Dippet avait pensé faire localiser la trace magique de la baguette d'Aéla mais elle avait reçue une dérogation spéciale du Ministère lui permettant de faire usage de sa baguette en dehors de l'école. La trace ne leur était plus d'aucune utilité.
— Lorsque la magie nous fait défaut, nous devons nous tourner vers nos semblables ! fit Dumbledore comme s'il venait d'avoir une révélation.
— A quoi pensez-vous, Albus ?
— Je vais aller faire un tour à Little Hangleton.
— Vous pensez qu'elle a pu se réfugier chez les Gaunt ?
— Je pense qu'elle a pu se réfugier chez Tom Jedusor, rectifia Albus avec son petit air énigmatique.
Dippet hocha la tête, accordant par ce signe son approbation au professeur de Métamorphose. Dumbledore avait désormais carte blanche pour retrouver Aéla et peu de temps pour le faire. Rejoignant le centre du bureau du directeur de Poudlard, Albus se dématérialisa dans un bruit de tonnerre. Il venait de transplaner.
Bien qu'Albus n'eut jamais mit les pieds à Little Hangleton avant ce jour, il n'eut aucun mal à trouver le manoir des Gaunt qui se trouvait sur une petite colline surplombant la ville. La bâtisse suintait l'austérité et la morosité, la terre était devenu si stérile qu'elle avait l'aspect des cendres et quand aux arbres, Albus ne préféra pas si attarder. Rien ici n'indiquait qu'il y avait âme qui vive et pourtant, le « G » en fer forgé magnifiquement ouvragé sur le portail lui indiqua qu'il ne s'était pas trompé. Soudain, le professeur de Métamorphose comprit pourquoi Tom était si réticent à retourner chez son grand-père pour les vacances. Ce n'était pas un endroit pour un enfant. Ni même pour un adulte, d'ailleurs ! Pourtant, Dippet n'avait pas laissé le choix au garçon. Exceptionnellement, tous les élèves de Poudlard sans exception avaient dûs quitter l'école pour les vacances de Pâques, le Ministère craignant que ce ne soit la dernière occasion pour les enfants de revoir leur famille au complet avant que celle-ci ne soit touché par la guerre qui se rapprochait de plus en plus de l'Angleterre.
Arrivé devant les portes massives du manoir, Albus s'arrêta et hésita un instant. Même si d'aventure quelqu'un lui ouvrait, Tom accepterait-il de lui parler ? Il n'était pas certain que le garçon trahisse Aéla si celle-ci lui avait confié sa cachette mais l'heure n'était plus aux hésitations. La vie d'Aéla était en danger et Albus n'avait pas l'intention de laisser Tom le berner. Il toqua à trois reprises et attendit patiemment sur le perron alors que le soleil déclinait par-delà l'horizon. Au bout d'un temps incroyable, à croire que parcourir les couloirs du manoir était un exercice sans fin, un homme à l'aspect inquiétant vînt lui ouvrir. Albus n'eut aucun mal à reconnaître Elvis Gaunt. Le vieil homme paraissait aussi décharné et sinistre que dans ses jeunes années lorsqu'ils s'étaient croisés à Poudlard. En ce temps, Albus n'était qu'un jeune professeur en apprentissage alors qu'Elvis était déjà un fier Serpentard de dernière année.
— C'est pour quoi ? croassa Elvis sans reconnaître Albus.
— Bonsoir Monsieur Gaunt ! salua poliment Albus. Je suis le professeur Albus Dumbledore de l'école Poudlard. J'aimerais parler à votre petit-fils, Tom, s'il vous plaît.
— Qu'est-ce qu'l'a fait encore c'lui-la ?
— Rien, Monsieur. Il s'agit d'une affaire urgente pour laquelle j'ai besoin de quelques informations. Pourrais-je voir Tom ?
— Zêtes pas capable de régler l'problème tout seul ?
Albus ne préféra pas répondre. Elvis n'avait pas besoin de connaître les détails de la raison qui poussait le professeur à venir à Little Hangleton à la tombée de la nuit. Elvis marmonna pour lui-même et s'écarta de la porte en toisant d'un oeil mauvais le directeur de Gryffondor.
— L'marmot est dans sa chambre ! Faites-y gaffe ! L'est pas commode l'garçon.
Albus voulut répondre que cela n'était pas étonnant lorsqu'un enfant avait grandit en orphelinat pour être projeté ensuite dans un environnement aussi hostile. Toutefois il fit preuve d'assez de retenue pour garder cette remarque pour lui et après avoir remercié Elvis, il pénétra dans le manoir où flottaient des relents de moisissures. Même les cachots de Poudlard ne sentaient pas aussi mauvais ! Que diable était-il arrivé à cette bâtisse qui fut autrefois somptueuse ? Albus n'eut ni le temps ni l'envie de poser la question, Elvis l'entraînait déjà dans l'escalier de droite. Après avoir tournés dans plusieurs couloirs, gravis encore plus de marches et passés d'innombrables portes, Elvis s'arrêta devant une qui avait dû être blanche autrefois. A ce moment, il fut impossible au professeur d'en déterminer la couleur. Cramoisi, peut être. Sans prendre la peine de s'annoncer ou de toquer, Elvis ouvrit la porte à la volée, dévoilant une chambre tout aussi délabrée que le reste du manoir et sommairement meublée. A l'intérieur, affalé sur son lit comme un lion sur le rocher qui domine sa savane, Tom lisait un livre presque aussi gros que lui. Si le garçon fut surprit de voir Albus Dumbledore entrer dans sa chambre, il n'en laissa rien paraître. Tout au plus accorda t-il un regard noir à son grand-père qui marmonna de plus belle dans sa barbe avant de s'éclipser. Albus s'avança dans la chambre, se dirigeant doucement vers l'unique chaise de la pièce qui faisait face à un bureau bancale.
— Puis-je m'asseoir, Tom ?
Le garçon ne répondit rien et n'eut pas plus de réaction lorsqu'Albus prit la décision de s'asseoir sur la chaise.
— Je commence à me faire vieux pour transplaner ! dit Albus d'un ton léger en pensant détendre l'atmosphère, sans succès. Sais-tu pourquoi je suis ici ?
— Je suppose que si je le savais, je ne vous aurais pas laissé l'occasion de monter jusqu'à ma chambre.
Le garçon était sur la défensive, comme un chien acculé dans un coin sans comprendre ce qui lui arrive et dont la seule solution est de montrer les crocs. Albus esquissa un sourire rassurant. La situation lui rappela étrangement leur première rencontre à l'orphelinat. Cependant, il ne disposait pas d'autant de temps pour rassurer le garçon.
— Ignores-tu qu'Aéla a disparue ?
— Quoi ? lâcha Tom.
Le choc étira ses traits quelques instants avant que le garçon ne reprenne son masque impassible, plus dur, froid et terrifiant que jamais.
— Comment cela est possible ? demanda Tom d'une voix qui ne cacha rien de la colère et l'incompréhension qui grandissaient en lui. N'est-elle pas censé être chez ces sorciers bizarroïdes ?
— Le fait est qu'elle n'y est plus, Tom. Les Hungard ne savent pas où elle est ni même le Ministère. J'ai pensé que, peut être, elle t'aurait dis où elle comptait aller.
— Parce que vous pensez réellement qui si j'avais su qu'elle comptait s'enfuir, je serais resté sagement ici à lire un livre ? explosa l'enfant.
La pertinence de la question de Tom frappa Albus. Il n'y avait pas pensé et pourtant cela semblait si logique qu'il se sentait idiot d'avoir oublié cette possibilité. Non, Tom n'aurait jamais laissé Aéla seule dans les rues de Londres si il avait su où elle se trouvait. Il ne l'avait pas abandonné à l'orphelinat, ce n'était pas maintenant qu'il allait commencer. Albus soupira. Comment la retrouver à présent ?
— Aurais-tu une idée de l'endroit où elle aurait pu aller ?
— La vraie question est : pourquoi s'est-elle sentie obligée de fuir ?
— Nous n'en savons rien et nous ne saurons rien jusqu'à ce que nous retrouvions Aéla. Tom, plus que moi, elle a besoin de ton aide ! Si tu as, ne serait-ce qu'une vague idée, de l'endroit où elle peut être, il faut que tu me le dise.
Tom observa longuement le professeur Dumbledore. Dieu seul savait quelles pensées passaient à travers l'esprit du garçon. Son visage demeura impassible et pourtant Tom se remémora tout ce qu'il savait d'Aéla, tous les endroits dont elle lui avait parlé. Il y en avait peu mais tous se trouvaient très loin de Londres. Elle n'avait pas pu les atteindre en si peu de temps. Alors un détail le frappa. Oui, il se souvenait de quelque chose. Il n'était pas sûr de lui mais son esprit lui disait que c'était la voie à suivre.
— J'ai peut être une idée mais je ne vous la dirais pas.
— Tom, Aéla est en-
— Danger ! le coupa le garçon d'un ton ferme. Oui, je sais, je ne suis pas idiot ! Je ne vous dirais rien. En revanche, je peux vous y conduire.
— Non, Tom. Cela est trop dangereux et ton grand-père ne le voudra jamais.
Le regard du garçon se fit plus froid que jamais, si bien que le temps sembla se suspendre et la lumière vaciller.
— Ce n'était pas une question, professeur ! Je viens avec vous et je ne laisse pas non plus le choix à mon grand-père, fit-il en crachant les derniers mots. C'est moi qui retrouverais Aéla puisque vous êtes incapable de le faire vous même !
L'insolence du garçon ne fit pas ciller d'un pouce Dumbledore. Il connaissait le caractère effroyable de Tom et n'était pas dupe quand au fait que quelque chose d'étrange le liait à Aéla. Cela s'était déjà manifesté dans cette chambre miteuse de l'orphelinat. A vrai dire, au fond de lui, Albus s'était attendu à cette réaction et à cet ultimatum. Et il connaissait déjà la réponse qu'il allait formuler.
— Bien ! Je vais aller prévenir ton grand-père.
Albus sortit de la chambre, laissant Tom seul avec ses pensées. Ce ne fut que lorsque l'ombre du professeur disparu dans le couloir que le garçon autorisa la peur à déformer son visage. Il manqua de peu de défaillir mais l'urgence de la situation et l'adrénaline qui coulait dans ses veines ne lui en laissèrent pas l'occasion. Aéla avait besoin de lui. Elle était en danger.
Il ne fallut pas longtemps pour convaincre Elvis de laisser partir Tom avec le professeur. Même si les paroles d'Albus ne l'avaient pas convaincu, le ton glacial de son petit-fils et son regard assassin finirent par le faire céder. Elvis craignait Tom pour une raison qui lui échappait et le vieil homme n'était pas contre l'idée de s'en débarrasser pour quelques heures. Au moins aurait-il le temps de faire une sieste sur ses deux oreilles et l'esprit en paix !
Tom et Albus rejoignirent le parc du manoir qui offrait assez d'espace et de discrétion pour transplaner. Le professeur tendit sa main que le garçon saisit à contre-coeur. Quel dommage qu'il n'ait pas l'âge de transplaner par lui-même ! En un clin d'oeil ils transplanèrent dans un fracas qui se répercuta jusqu'au bout de la ville, déclenchant quelques aboiements de chiens réveillés en sursaut.
La chose l'abandonna progressivement. Elle sentit son corps s'alourdir et manqua de s'effondrer au sol si la chose ne continuait pas à faire avancer ses jambes. Aéla était épuisé et avait mal dans tout le corps comme si elle était tombé de la tour d'Astronomie. « Morhèr ne crains plus rien. Tout est finit ». Encore et toujours cette voix ! Aéla ne voulait plus l'entendre et la chose obéit, se taisant pour mieux laisser la jeune fille réfléchir. Elle savait que quelque chose de terrible s'était passé mais elle fut incapable de dire quoi. Tout au plus se souvînt-elle du regard effrayé de Mr.Hungard. Après un temps incalculable, peut être des heures, Aéla reconnut enfin le chemin sur lequel la chose l'avait emmené. Elle se trouvait dans le coeur de Londres, non loin de l'orphelinat. Une angoisse la saisit à la gorge et son souffle devînt court, presque imperceptible. Pourquoi l'avoir amenée jusqu'ici ? « Morhèr ne crains plus rien. La fin est proche. Le Maître l'a dit. » susurra la chose d'une voix qui se voulait apaisante mais qui donna des frissons à Aéla. Qui était le « Maître » ? Qui était la « Chose » ? Aéla était si fatigué qu'elle décida de reporter ces questions à plus tard. Après tout, elle n'avait pas d'autre choix que de se fier à la chose aveuglément. La jeune fille ne savait pas comment rentrer chez les Hungard, ni comment rejoindre la gare King's Cross ni comment se rendre au Ministère de la Magie. Elle était seule. Seule avec la chose.
Des gens se retournèrent sur son passage mais aucun ne lui vînt en aide, comme si une aura les repoussait à chaque fois qu'ils s'approchaient d'Aéla. Inconsciemment, la jeune fille se laissa glisser contre un mur de pierres fraîches. Il faisait nuit noire et elle avait froid. Dans un dernier élan de lucidité, la jeune fille éleva son regard pour croiser la lumière réconfortante des étoiles. Mais elle n'en vit aucune. Son regard se verrouilla à l'archange Saint-Michaël terrassant les démons. Elle reconnaissait cette scène. Le vitrail d'une église. Elle reconnaissait l'endroit où elle était. L'église Saint-Michaël. Ses yeux s'alourdirent et Aéla sombra dans l'inconscience avec un petit sourire sur les lèvres, rassurée par l'Archange au-dessus d'elle qui veillait sur son corps endormi.
Tom parcourut les rues de Londres sans l'ombre d'une hésitation, laissant son esprit le guider à travers la ville, Dumbledore sur ses talons. Pourtant, tout deux reconnurent le chemin, celui de l'orphelinat. Le garçon aurait voulu faire demi-tour ou se convaincre qu'il s'était trompé de direction mais non ! Il savait au fond de lui qu'il était sur le bon chemin et il n'avait pas l'intention d'abandonner Aéla alors que chaque pas le rapprochait un peu plus d'elle. L'orphelinat se dessina devant lui comme un monstre surgissant des ténèbres de son passé. L'endroit paraissait toujours aussi lugubre et maléfique que dans ses souvenirs, provocant une nausée qu'il eut toutes les peines du monde à refréner.
— Pourquoi Aéla serait-elle venue ici ? demanda Albus pour lui-même.
— Elle n'est pas ici pour l'orphelinat, fit Tom avec agacement.
Il se tourna vers un bâtiment bien plus majestueux et accueillant. Il se souvenait combien Aéla aimait le regarder à travers la fenêtre de leur chambre à Wool. Elle avait passé des heures perchée sur une chaise, sur la pointe des pieds et dans une position si précaire qu'il avait toujours craint qu'elle ne tombe à la renverse et qu'elle se fracasse le crâne au sol. Le vitrail de Saint-Michaël, voilà ce qui hypnotisait Aéla. Tom n'attendit pas que Dumbledore comprenne à quoi il faisait allusion. De toute façon, le professeur ne pouvait pas comprendre. Le garçon laissa ses pieds le porter jusqu'à l'église, sentant son coeur bondir comme un lion enragé contre sa poitrine. Il avait peur de ce qu'il pourrait découvrir et en même temps il était surexcité.
Ils firent tout le tour de l'église jusqu'à voir le corps de la jeune fille, étendu sur les parvis de pierres luisantes à cause de la bruine qui commençait à tomber. Tom ne s'était pas trompé. Aéla avait retrouvé Saint-Michaël, sachant que l'archange protecteur lui apporterait son aide. Et il l'avait fait. Il avait envoyé Tom pour la sauver. Le garçon fut si soulagé que ses pieds se clouèrent sur place, ne laissant plus que Dumbledore pour prendre les choses en mains. Le directeur se précipita sur la jeune fille pour la couvrir de sa cape. Son corps était étrangement chaud et sec alors qu'il était à l'air libre depuis un temps incertains. Albus ne préféra pas s'attarder sur ce détail et la prit dans ses bras.
— Qu'allez-vous faire d'elle ? demanda brusquement Tom. Vous allez la ramener chez les sorciers ?
— Non. Je vais la ramener à Poudlard.
— Elle serait certainement mieux à Little Hangleton avec moi.
— Je ne crois pas que ton grand-père soit d'accord Tom et Aéla a très certainement besoin de soins.
— Nous avons des domestiques pour la soigner ! répliqua sèchement le garçon. Et puis, encore une fois, ce n'était pas une question, professeur. C'est moi qui l'ai retrouvé !
Oui, Tom avait retrouvé Aéla. Albus n'aurait jamais pensé à chercher la jeune fille dans un endroit pareil et cela lui aurait très certainement coûté la vie. Devait-il pour autant la confier aux Gaunt le temps de trouver une autre solution ? Le manoir Gaunt n'était déjà pas un endroit pour Tom alors cela serait pire pour Aéla. Albus soupira. La jeune fille ne serait pas mieux seule à Poudlard et il le savait.
— Bien. Veilles sur elle, Tom !
Le garçon ne dit rien même si à l'intérieur il fut transit de satisfaction. Cela lui devenait de plus en plus facile d'obtenir ce qu'il voulait. Tom prit la main d'Aéla qui pendait dans le vide, savourant sa chaleur et sa douceur. Ce fut alors qu'il se rendit compte qu'elle était recouverte de sang séché. Albus s'en était-il rendu compte aussi ? Apparemment non. En remontant son regard, il se rendit compte que la manche de sa chemise était déchiré et ensanglanté. Qui avait osé faire ça ? Alors la joie céda la place à la fureur. Tom resserra sa prise sur la main d'Aéla et ce fut à peine si il se sentit transplaner.
Elvis Gaunt et son fils Morfin ne furent pas le moins du monde contents d'accueillir une nouvelle sorcière sous leur toit. D'autant plus que d'après eux, elle avait tout l'air d'une répugnante sang-de-bourbe mais ils n'osèrent pas refuser de l'héberger devant Dumbledore, encore moins lorsqu'ils apprirent que cette brillante idée venait de Tom. Le garçon refusant de quitter Aéla une seconde, Elvis dût faire amener un autre lit dans la chambre de Tom qui ne cessait de toiser son grand-père et son oncle comme des menaces à éliminer de toute urgence. Il refusa même que Siggy, l'elfe de maison, s'occupe des blessures d'Aéla. Il s'en chargea lui-même, essayant de faire preuve de douceur bien que ce terme lui soit totalement inconnu. Il ne lui fallut pas longtemps pour comprendre que les blessures de la jeune fille étaient dues à des griffures. Peu lui importa dans quelles circonstances son bras avait été lacéré. Celui qui avait fait ça subirait sa colère, un jour ou l'autre.
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Tale of Jedusor : les jeux du sort
Fanfiction« - Vous êtes faible ! Vous ne connaîtrez jamais l'amour. Je vous plains sincèrement ! Voldemort abaissa quelques instants sa baguette, un sourire grimaçant sur les lèvres. Qu'est-ce que ce sang-mêlé de Potter venait de lui dire ? Il eut terriblemen...