Cela faisait désormais une semaine qu'Aéla avait intégré l'orphelinat Wool et le moins que l'on pouvait dire c'était que tout se passait comme la petite fille l'avait prévue. Sa vie était devenu un enfer où son handicap était un prétexte récurent pour la punir. Tout était devenu une épreuve que le personnel de l'orphelinat lui rendait insurmontable et les autres enfants, s'étant aperçus très rapidement de sa différence à cause de son mutisme mais surtout par la bonne entente qui régnait entre elle et Tom, se faisaient une joie de la martyriser. Heureusement, dans cette épreuve qui était toute nouvelle pour Aéla, elle pouvait compter sur le soutient relatif de Tom.
Les deux enfants s'entendaient bien dans l'enceinte de leur chambre mais en-dehors, malgré des gestes bienveillants, Tom restait seul et ne parlait que très rarement avec Aéla. Peut être avait-il peur d'être encore plus méprisé par les autres s'il restait en compagnie de la jeune fille ? En réalité, Tom n'en avait rien à faire des autres. Il se fichait de ceux qui se moquaient de lui tout comme de ceux qui se moquaient d'Aéla, bien que cela attisait un peu plus sa rancœur envers ceux qui n'étaient pas comme lui. Il observait la scène de loin, un rictus mauvais au visage et de temps en temps un événement inexplicable se produisait. Cependant, au lieu que Tom soit le seul à être punit dans ces cas là, Aéla le rejoignait toujours en salle de correction pour des raisons abracadabrantes. En quelques jours elle était devenue la « complice » de Tom, selon les dires de Miss Thornshaw. Bien que sa vie avait considérablement prit un tournant désastreux, Aéla priait pour un avenir meilleur, les yeux rivés sur l'église Saint-Michaël. Et elle avait bien raison d'espérer ! Car ce jour-là, c'était le jour de l'anniversaire de Tom.
Lorsqu'Aéla se réveilla, Tom n'était déjà plus dans son lit. Celui-ci était fait au carré et son pyjama était impeccablement plié sur l'oreiller. Elle se leva, se débarbouilla la figure, enfila la même robe qu'elle portait depuis son arrivée à défaut d'en avoir une autre et descendit dans la salle à manger où le petit déjeuner était servi. L'endroit était bruyant et Aéla reçut quelques morceaux de flocons d'avoine dans les cheveux tant les enfants étaient déchaînés ce jour-là et jouaient avec la nourriture en se fichant des réprimandes de la directrice. A l'autre bout de la salle Aéla aperçut Tom qui déjeunait seul, comme chaque jour, et prit la décision de s'installer à ses côtés même si elle savait que cela déplairait au garçon.
— Flocons d'avoine ou de maïs ? demanda Miss Peperton à peine Aéla fût-elle assise.
La jeune fille fixa les flocons de maïs avec intensité dans le vain espoir de faire deviner son choix mais comme chaque matin, comme à chaque repas, cela fut inutile. Miss Thornshaw avait donné l'ordre aux gouvernantes de faire parler la jeune fille à tout prix, quitte à la mettre face à un mur.
— Flocons d'avoine ou de maïs ? Décides-toi ma p'tite, je n'ai pas que ça à faire !
— Elle veut des flocons de maïs ! cracha Tom avec du mépris pour la nourrice.
— Ce n'est pas à toi que j'ai posé la question Jedusor ! Quant à toi, fit-elle en toisant Aéla, si tu parles pas, tu manges pas !
Et elle repartit avec son chariot en direction des cuisines sans rien servir à la jeune fille dont les larmes embuèrent les yeux. A côté d'elle, Tom leva les yeux au ciel de résignation et poussa son bol à moitié plein devant Aéla.
— J'aimerais pas que tu crèves de faim ! se justifia t-il en soutenant le regard bleu de la jeune fille. On m'accuserait à tort de t'avoir tué !
Il se leva et sans un regard de plus il rejoignit leur chambre. Aéla, quant à elle, fixa le bol avec soulagement. Elle n'avait pas mangé depuis trois jours et était reconnaissante envers Tom d'avoir, enfin, eut pitié d'elle. Elle plongea sa cuillère dans les céréales et enfourna le tout en quelques secondes seulement.
Dans la chambre, Tom canalisait son attention sur le vieux bouquin qu'il avait volé à un ancien pensionnaire. Depuis quelques jours, en réalité depuis l'arrivée d'Aéla, beaucoup de choses avaient changées dans sa vie morose. Tout d'abord, il n'était plus le seul être bizarre à hanter ces murs insalubres. Ensuite, il avait trouvé un peu d'intérêt pour une autre vie que la sienne. Et enfin, la compagnie d'Aéla s'avérait plus agréable qu'il ne l'avait imaginé. Tout cela le perturbait. Il avait toujours été seul et il aimait cela. La solitude était pour lui comme une mère qui ne l'avait jamais abandonné et le rassurait dans ses cauchemars. Soudain, son sentiment de solitude s'évapora comme la neige au soleil. Il n'était plus seul.
— Qu'est-ce qu'il y a ? demanda t-il à Aéla alors que celle-ci s'asseyait sur son lit.
La jeune fille l'observa de son intense regard bleuté qui avait le don de troubler Tom. Il ne savait pas si ses yeux le déstabilisaient par leur intensité ou si il était énervé qu'elle en ait d'aussi beaux.
— Ne crois pas que l'on soit amis parce que je t'ai donné les restes de mon petit-déjeuner.
Rien à faire. Aéla le fixait, imperturbable et sourde au ton venimeux de son camarade de chambre. Tom soupira d'agacement, referma sèchement son livre et se redressa.
— Tu m'énerves à me fixer comme ça ! Et tu sais ce qu'il se passe quand je suis énervé ? demanda t-il avec un ton plein de menaces. Il se passe des choses terribles !
Son éclat de voix claqua aux oreilles d'Aéla comme un coup de tonnerre assourdissant. Elle ferma les yeux quelques instants mais une poigne de fer saisit son bras et l'éjecta de son lit. Tom la traînait derrière lui, sans ménagements, jusqu'à la salle de jeux où la plupart des enfants étaient réunis.
— Observes jusqu'à quel point je peux être terrifiant !
Aéla se crispa, sachant par l'éclat sombre qui brillait dans les yeux de Tom qu'il avait basculé vers un côté obscur de sa personnalité.
Le garçon scruta la pièce en évaluant tous les enfants présents. Quelques-uns l'observèrent avec méfiance mais la plupart continuèrent de jouer comme si aucune menace ne planait au-dessus de leur tête. Puis, les yeux de Tom s'arrêtèrent sur Arton Wood, une petite brute de sept ans qui prenait plaisir à martyriser ceux qui étaient plus faibles que lui. Celui-ci était, pour une fois, tranquillement assit dans un coin de la salle et caressait avec douceur le lapin de l'orphelinat.
— Ne détournes pas les yeux ! avertit Tom. Car je le saurais et ce qui se passera ensuite sera bien pire.
Aéla aurait voulu l'arrêter et le ramener dans leur chambre mais c'était peine perdu. Dans ces moments là, Tom était sourd et aveugle au bon sens et à la moralité. Aéla posa à regret son regard sur Arton et son lapin, et ne put s'empêcher de frissonner. Imperceptiblement, un fil de laine qui dépassait de la veste du garçon s'enroula autour du cou du lapin en se resserrant un peu plus à chaque tour. Puis, brusquement, le lapin s'envola dans les airs sous les cris des enfants.
— QUE SE PASSE T-IL ICI ? hurla Miss Thornshaw, hystérique, alors que les enfants allèrent se cacher derrière elle. Qu'est-ce que....
Les mots lui manquèrent pour expliquer ce dont elle était témoin. Le lapin pendait dans les airs, suspendu à un fil de laine relié à la veste d'Arton qui tremblait d'horreur derrière elle. Miss Thornshaw s'avança d'un pas prudent de l'animal mais lorsqu'elle approcha ses doigts crochus du lapin, celui-ci tomba au sol, sans vie.
— Par tous les Saints ! souffla t-elle, totalement dépassée par l'événement. Quel diable hante ces murs ?
— C'est Jedusor qui a fait ça ! accusa une petite fille. Je l'ai vu qui fixait Arton et son lapin ! C'est lui ! C'est lui ! C'est lui !
— Assez ! Miss Peperton, allez me chercher Jedusor !
— Je suis là.
La voix calme, dénuée de sentiment, de Tom trancha brutalement avec la gravité de la situation.
— Alors, Jedusor, qu'as-tu à dire pour ta défense ?
— Rien.
— Rien ? Vraiment ? Et ta camarade qui se cache derrière toi, a-t-elle quelque chose à dire ?
Miss Thornshaw torpilla Aéla d'un regard foncièrement méchant mais la jeune fille resta paralysée derrière Tom, totalement incapable de bouger ni même de pleurer. Pourtant, les larmes lui brûlaient les yeux et sa gorge était tant nouée qu'elle avait l'impression de s'étrangler elle-même. Ou bien était-ce Tom qui l'étranglait ? Non, impossible ! Tuer un lapin était une chose mais un être humain, c'était impensable.
— Bien ! décréta la directrice d'un ton solennel. Cette fois, ça suffit ! Vous deux, vous allez me suivre sans faire d'histoires. Je vais vous donner une correction dont vous vous souviendrez longtemps !
Elle passa derrière Tom et Aéla, et les poussa jusqu'à son bureau sous les regards effrayés de leurs camarades, comme s'ils avaient étés deux monstres sortis des enfers. Et, après tout, Aéla ne put leur en vouloir car cela était un peu vrai. Ils étaient différents, anormaux, capables du meilleur comme du pire et c'était pour cela qu'ils avaient plus en commun avec les monstres qu'avec le genre humain.
— De toute ma vie, je n'ai jamais vu de psychopathes tels que vous deux ! tonna Miss Thornshaw en claquant la porte de son bureau derrière eux.
— Aéla n'a rien fait.
— Ah, vraiment ? Et c'est donc par pur hasard qu'elle était derrière toi comme une souris apeurée ?!
Tom serra la mâchoire pour calmer ses nerfs, sachant qu'il ne valait mieux pas qu'il arrive un autre événement inexplicable dans le bureau de la directrice.
— Vous recevrez, tous les deux, trente coups de bâtons et serez privés de déjeuner et de dîner ! De plus, je demanderais vos transferts vers un autre orphelinat dès demain matin ! Je ne veux plus de bizarreries dans mon établissement !
Aéla perdit son regard dans les yeux sombres et impassibles de Tom. Allaient-ils être séparés ? Tom n'était peut être pas son ami mais il était devenu son seul repère, sa seule compagnie réconfortante dans ce monde brutal et dénué de bienveillance. Elle ne voulait pas être séparée de lui.
Miss Thornshaw s'approcha du tiroir d'une vieille commode et en sortit un long et large bâton de bois. A sa vue, Tom sut que ça allait faire mal mais se jura de ne pas montrer sa douleur. Il ne fera pas le plaisir à Miss Thornshaw de hurler, de pleurer ou de la supplier d'arrêter.
— Nous allons commencer par toi, jeune fille !
Aéla blanchit en l'espace de quelques secondes tandis que la directrice prenait place derrière elle. Les larmes coulaient sur ses joues sans qu'elle puisse faire quelque chose pour les retenir. A ses côtés, Tom se raidit. Incroyablement, pour la première fois de sa vie, il ressentit une petite pointe de culpabilité pour avoir entraîné Aéla dans sa folie.
Le premier coup de bâton claqua, arrachant un gémissement terrible de la gorge d'Aéla. Tom ferma les yeux et essaya, tant bien que mal, de contenir la rage qui enflait un peu plus en lui à chaque coup que recevait la jeune fille.
Après une demi-heure passée dans le bureau de Miss Thornshaw, ce qui leur parût une éternité, les deux enfants regagnèrent leur chambre le dos voûté et la mâchoire crispée. Comme il se l'était promis, Tom n'avait rien laissé paraître de la douleur qui lui lacéra le dos et se jura que plus jamais quelqu'un ne lui ferait du mal. Au contraire, Aéla s'était effondrée au sol, à demi consciente, sous la douleur. Miss Thornshaw avait crue malin de rajouter aux coups de Tom ceux que la jeune fille n'avait pas reçus mais le jeune garçon ne lui en voulait pas. Cela avait au moins eu l'avantage de laver la pointe de culpabilité qu'il avait ressenti.
— Cette vieille bique putréfiée ne touchera plus à un seul de mes cheveux ! jura Tom en s'affalant sur son lit. De quel droit est-ce qu'elle ose me toucher ?
Sa question resta en suspens et son regard dévia sur Aéla qui le toisait avec une pointe de tristesse au fond des yeux.
— Ne me regardes pas comme ça ! Je t'avais prévenu que j'étais terrifiant. Nous sommes terrifiants parce que nous sommes différents ! déclara t-il en insistant sur le « nous ».
Aéla se pencha sur leur bureau et attrapa un vieux cahier flétrit pour en arracher une feuille. Elle plia le papier pour lui donner une forme d'oiseau puis le laissa reposer sur la paume de sa main. Sous les yeux dubitatifs de Tom, l'origami s'éleva dans les airs et voleta gracieusement jusqu'au garçon.
— Oui... Bon ! On est peut être pas aussi terrifiants que ça, céda t-il en effleurant l'oiseau de papier qui reprit aussitôt son envol. Comment as-tu fait ?
Tom était intrigué. Lui ne parvenait qu'à subtiliser des objets, étrangler des lapins et enflammer tout ce qui se trouvait à sa portée. Il ne comprenait pas pourquoi il n'arrivait pas à faire d'aussi belles choses comme cet origami.
Pour toute réponse, Aéla haussa les épaules. Tout comme Tom, elle avait toujours eue le don de faire des choses surprenantes et étranges que le commun des mortels ne comprenait pas, mais elle était incapable d'expliquer pourquoi ni comment.
— Je vois. Moi non plus je ne sais pas comment j'arrive à faire ces choses.
Brusquement, la porte de leur chambre s'ouvrit pour laisser apparaître Miss Thornshaw accompagnée d'un vieux monsieur vêtu d'une étrange manière. Le sang d'Aéla ne fit qu'un tour tandis que Tom fit un bond de son lit.
— T'as de la visite Jedusor !
Miss Thornshaw s'écarta de l'encadrement de la porte pour laisser le vieil homme entrer.
— Je vous laisse mais n'hésitez pas à m'appeler s'il y a un problème mon bon Monsieur ! susurra Miss Thornshaw avec un sourire difforme. Quant à vous deux, tenez-vous à carreau !
La directrice s'éclipsa et le vieil homme prit la place de Tom sur le lit tandis que celui-ci s'installait sur la chaise de leur bureau. A côté de lui, assise sur son lit, Aéla observait la scène avec appréhension.
— Bonjour, Tom ! fit le vieil homme d'une voix incroyablement chaleureuse.
— Qui êtes-vous ? répondit glacialement le petit garçon, sur la défensive.
— Je m'appelle Albus Dumbledore. Je viens de très loin pour te rencontrer, tu sais ?
— Pourquoi ? Je n'ai jamais entendu parler de vous !
— Je suis là parce que nous sommes pareils tous les deux ! Nous sommes différents.
Tom se raidit sur sa chaise alors qu'Aéla lâcha un soupir de surprise. Cet homme serait-il réellement comme eux ? Les deux enfants échangèrent un regard dubitatif.
— Prouvez-le ! ordonna Tom d'un ton qui n'appelait pas de refus.
Aussitôt et sans qu'Albus n'esquisse le moindre mouvement, l'armoire prit feu et un étrange bruit s'éleva dans la pièce.
— Je crois qu'il y a quelque chose dans ton armoire, Tom.
Le petit garçon savait très bien ce qui se trouvait dans son armoire mais se leva, ouvrit les portes enflammées qui ne le brûlèrent pas et retira une petite boîte en ferraille où il rangeait ses « trésors ».
— Le vol est une très vilaine chose, Tom !
— C'est un dédommagement ! expliqua froidement le garçon. C'est pour tout ce que l'on m'a fait subir.
— Oui. Il est certain que ta place n'est pas ici ! Tu as besoin d'un endroit où vivre parmi ceux qui sont comme toi et moi, à l'abris des moldus.
— Les « moldus » ?
— Ce sont ceux qui ne possèdent pas de pouvoirs magiques, comme Miss Thornshaw par exemple. Je vais te dire un petit secret Tom : tu es un sorcier !
La révélation sembla faire l'effet d'une bombe, mais au fond de lui Tom avait toujours su qu'il était spécial. Un étrange sourire satisfait se dessina sur ses lèvres, ce qui sembla surprendre l'espace d'un instant Albus Dumbledore.
— Je m'en doutais ! lâcha le garçon.
— Voudrais-tu venir étudier la magie dans la plus grande école du monde des sorciers ?
— Peu importe où vous voulez m'emmener, ce sera toujours mieux qu'ici !
— Bien, mais avant de partir, j'aimerais que tu restitue ces objets à leurs propriétaires.
Tom grimaça mais promit de s'exécuter. Il enfila sa veste, seul vêtement qui était en sa possession puis se tourna vers Aéla. Brusquement, il fut incapable de faire le moindre geste. La jeune fille avait les larmes aux yeux et Tom sut que c'était dû à son départ. Que deviendrait-elle lorsqu'il serait partis avec ce vieil homme ? Miss Thornshaw ne tarderait pas à lui en faire voir de toutes les couleurs. Et puis, pourquoi était-il le seul à partir ? Après tout, Aéla était comme lui, comme Albus ! Il fixa la jeune fille puis se retourna vers Albus Dumbledore, une lueur folle dans ses yeux sombres.
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Tale of Jedusor : les jeux du sort
Fanfiction« - Vous êtes faible ! Vous ne connaîtrez jamais l'amour. Je vous plains sincèrement ! Voldemort abaissa quelques instants sa baguette, un sourire grimaçant sur les lèvres. Qu'est-ce que ce sang-mêlé de Potter venait de lui dire ? Il eut terriblemen...