I.IV « Le Nouveau-Monde »

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Ce matin-là, Aéla se réveilla avec la surprise de se découvrir enveloppée dans une couverture en laine. Tom avait dû la lui donner durant la nuit. Elle aurait voulu le remercier mais la chambre était vide. Tom n'était plus là et le feu de cheminée semblait s'être éteint depuis longtemps. Aéla s'extirpa du fauteuil et regagna sa chambre pour se laver et s'habiller. A sa grande surprise, une robe rose poudré et un gilet en laine grise étaient posés sur son lit. Les vêtements avaient l'air d'avoir déjà été portés mais ils étaient encore d'excellente qualité. Aéla les inspecta sous toutes les coutures mais il lui fut impossible de savoir qui les lui avait donné. Elle fit une toilette rapide, peigna sa chevelure de naïade et revêtit les vêtements avant de descendre dans la salle à manger du Chaudron Baveur.
Il y avait peu de clients en cette heure matinale mais cela n'empêchait pas Reevan de courir entre les tables, les bras chargés de plateaux. Au centre de la pièce, Albus et Tom prenaient leur petit-déjeuner en silence. Le directeur de Poudlard lisait la une d'un journal intitulé « La Gazette du Sorcier » tandis que Tom fixait les photographies enchantées en sirotant un chocolat chaud. Aéla prit place à ses côtés sans détourner le regard de la Gazette.

Oh, bonjour Aéla ! fit Dumbledore en refermant le journal. Les nouvelles sont particulièrement bonnes aujourd'hui ! Je suis sûr que tu vas aimer lire la Gazette du Sorcier chaque matin. Un peu de chocolat ? demanda Albus en brandissant une carafe pleine.

Aéla hocha la tête et tendit une tasse. A côté d'elle, Tom l'observait avec attention sans décrocher un mot. Lui aussi avait de nouveaux vêtements mais, au contraire de ceux d'Aéla qui lui allaient parfaitement, les siens étaient un brin trop grands. Reevan arriva à leur table en tendant deux enveloppes à Dumbledore.

Salut, ma belle ! fit-il à Aéla avec un clin d'oeil. Bien dormis ?

La jeune fille hocha brièvement la tête avant de noyer son regard sur sa tartine rose fluo qu'elle hésitait à manger.

C'est de la confiture de Barbadier, l'informa Reevan. C'est une plante qui pousse au Botswana. C'est excellent !
Si tu tiens à la vie, n'en manges pas ! lui souffla Tom alors que Reevan discutait avec Dumbledore.

Aéla reposa sa tartine et se contenta de boire son chocolat qui s'avéra être meilleur qu'elle ne l'avait imaginé. Dumbledore et Reevan continuèrent à discuter. Ce fut ainsi que Tom et Aéla apprirent que les vêtements qu'ils portaient étaient ceux des enfants de Reevan, étant trop petits pour eux désormais. Alors que le propriétaire du Chaudron Baveur partit s'occuper d'un homme qui s'amusait à transformer son nez en groin de cochon, Dumbledore se leva de table, les yeux brillants d'excitation.

Les enfants, il est temps que vous fassiez connaissances avec le monde des sorciers !

Tom et Aéla s'observèrent l'espace d'un instant avant de partir à la suite de Dumbledore. Celui-ci les entraîna dans l'arrière-cour du Chaudron Baveur, extirpa un long et fin bâton de bois joliment sculpté de sa cape en velours rouge et frappa trois fois l'un des murs en briques. Un grondement s'éleva, faisant reculer les deux enfants puis les briques s'extirpèrent du mur en s'imbriquant les unes dans les autres jusqu'à révéler un passage. Celui-ci menait à une rue très animée avec une pléiades de magasins aux vitrines multicolores surchargées d'objets étranges. Tout aussi étranges étaient les badauds, vêtus de capes et de chapeaux pointus semblables à ceux que portait Dumbledore, qui se pressaient de magasin en magasin, les bras chargés de paquets.

Quel est cet endroit ?
Les enfants, bienvenus au Chemin-de-Traverse ! fit Dumbledore d'un ton plutôt théâtrale. Ici, vous trouverez tout ce dont vous aurez besoin pour votre scolarité à Poudlard mais aussi des objets plus insolites que les sorciers affectionnent comme les balais, les hiboux ou les crapauds !
Les crapauds sont répugnants !
Oui, c'est vrai mais leur bave est reconnue pour sa capacité de guérison des brûlures superficielles. Enfin ! trancha Dumbledore en s'aventurant parmi la foule. Il est temps d'aller faire quelques achats pour la rentrée.
Et comment voulez-vous qu'on paye ? demanda Tom comme si Albus avait été stupide d'oublier un tel détail.
Ne t'inquiètes pas, Tom ! Pour cela, il faut nous rendre à l'unique banque du monde sorcier : Gringotts ! Cependant, je dois vous avertir que d'étranges créatures travaillent là-bas alors il serait judicieux de rester près de moi.

Tom aurait voulu lui répliquer que, de toute façon, il n'avait pas l'intention de se perdre dans un monde qu'il ne connaissait pas. Tout comme il aurait voulu lui demander ce qu'étaient les étranges créatures dont parlait Dumbledore, mais celui-ci continua sa route en poussant les deux enfants devant lui. Alors que Tom contenait le flot de questions qui lui brûlait la langue, Aéla ne perdait pas une miette du fascinant spectacle qui se déroulait sous ses yeux. Elle n'avait jamais vu autant de gens sourire avec sincérité, ni autant d'hiboux voleter dans le ciel en pleine journée et encore moins des piles de livres flotter dans les airs en suivant leur propriétaire.
Ce fut presque inconsciemment qu'elle et Tom arrivèrent devant un grand bâtiment en pierres blanches qui avait la particularité d'être bancale, un peu comme la Tour de Pise que Tom avait vaguement vu dans un livre à l'orphelinat. Aéla, quant à elle, se demanda comment un bâtiment qui penchait autant pouvait encore tenir debout ? Sans se préoccuper de l'ahurissement des enfants, Dumbledore les guida à l'intérieur de Gringotts. Là, de curieuses petites créatures affreuses et aux oreilles pointues s'afféraient. Inquiète, Aéla se rapprocha de Tom qui regardait les créatures avec méfiance.

Ce sont des gobelins, leur expliqua calmement Dumbledore. Ce sont des créatures très intelligentes mais aussi très dangereuses lorsqu'on leur manque de respect !

Tom prit cela comme un avertissement mais ne se laissa pas impressionner pour autant. Après avoir traversés le grand corridor, ils se retrouvèrent devant un guichet où un gobelin, plus laid que les autres, les salua en dévoilant ses dents acérées dans un sourire tordu.

Monsieur Dumbledore ! C'est un plaisir de vous revoir. Que puis-je faire pour vous ?
J'aimerais prélever quelques galions d'or dans le coffre de l'école. Voici une lettre du Professeur Dippet m'y autorisant, fit Dumbledore en glissant une lettre sous le nez du gobelin. Et, je souhaiterais également faire valoir les droits de ce jeune garçon sur le coffre ayant appartenu à sa mère, Merope Gaunt.

Tom resta interdit. Sa mère ? Il n'en avait jamais entendu parler, pas même par les nourrices de l'orphelinat. Lui avait-elle laissé quelque chose ? Dumbledore sortit une autre lettre de sa cape et la tendit au gobelin qui l'examina quelques instants.

Mh, tout semble en règle ! affirma le gobelin en se levant de sa chaise. Je vais vous accompagner jusqu'à vos coffres. Veuillez me suivre, s'il vous plaît !

N'attendant aucune réponse de la part des visiteurs, le gobelin les conduisit jusqu'à un petit quai surplombant un vide sans fin. Là, il fit monter Dumbledore et les enfants dans un petit wagon dont il prit les commandes avant de s'aventurer dans les méandres de Gringotts à une vitesse vertigineuse. Ce fut à cet instant, alors qu'Aéla commençait à devenir malade et que Tom ne pouvait s'empêcher de crisper ses doigts sur son siège, que Dumbledore leur raconta une étrange pratique sorcière : faire garder son coffre par un dragon. Un dragon ! Aéla rêvait d'en voir un mais à cet instant précis, elle rêvait juste de retrouver la terre ferme.


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