Les vacances de Samain furent idylliques pour Aéla, si elle faisait abstraction du déjeuner catastrophique avec les familles de Jédediah et Poppie. Pourtant, cette fausse note ne gâcha rien aux liens qui les unissaient, ni n'entama leur enthousiasme. Les Feynes accompagnèrent la jeune fille sur le chemin de Traverse pour lui racheter quelques fournitures, Jédediah lui apprit à faire du vélo et à jouer aux échecs, et Poppie lui confectionna une magnifique robe en coton bleu-gris.
Ce fut d'ailleurs cette robe-là qu'Aéla choisit le matin de son départ pour la gare King's Cross. Il fallait dire que le vêtement lui allait à merveille, soulignant élégamment ses formes nouvellement féminines, rehaussant la couleur auburn de sa longue chevelure et s'accordant parfaitement avec ses yeux bleu clair. Aéla arrivait à peine à croire qu'elle se trouvait jolie, pour la première fois de sa vie. Elle ne cessait de tourner sur elle-même, amusée par le tissu qui gonflait dans les airs, lui donnant un air de princesse de conte de fées.
— Petite fée ! Fais attention aux passants, dit Jédediah, amusé de la voir si joyeuse.
— Elle est belle, n'est-ce pas ?
— C'est toi qui est belle, ma chérie, répondit Poppie en rajustant son noeud dans ses cheveux. Cette robe ne fait que le confirmer.
Les joues d'Aéla rosirent légèrement. Elle n'était pas encore habituée à être l'objet de compliments ni de toutes les attentions. Pourtant, depuis son arrivée à King's Cross, bon nombre de regards s'étaient tournés vers elle, comme si ses camarades de Poudlard et leurs parents la voyaient véritablement pour la première fois.
Si Aéla n'était pas obligé de signer pour communiquer avec les autres, ils auraient cru à une nouvelle élève.
— Ma chérie, je crois que tu as un admirateur, lui souffla Poppie en se penchant vers elle. N'est-ce pas ce beau jeune homme de l'autre fois ? Ton ami ?
D'un même mouvement, Aéla et Jédediah se retournèrent. L'un pour voir qui osait reluquer sa fille si ouvertement, l'autre transie d'espoir que ce fut bien de Tom Jedusor qu'il s'agissait.
C'était bien lui, à quelques mètres devant elle, le visage impassible mais ses yeux ténébreux indubitablement fixés sur elle comme si le reste du monde n'existait pas. Aéla sentit son coeur s'envoler et un sourire fendit son visage en deux. Tom aussi était beau dans son uniforme de Poudlard, qu'il avait pour habitude de revêtir avant même d'arriver à l'école. Deux semaines seulement étaient passées et pourtant il avait bien grandi. Tellement qu'Aéla osait à peine s'approcher de lui.
— Je crois qu'il t'attends, ma chérie, lui dit Poppie en la poussant légèrement dans le dos.
— Je devrais l'accompagner !
— Oh que non, Jédediah Aymeric Feynes ! tonna Poppie en levant un doigt sévère vers son mari. Tu restes ici avec moi et tu laisses ces deux jeunes gens tranquilles.
— Mais c'est un garçon !
— Et alors ?
— Tu ne sais pas à quoi pensent les garçons quand ils voient une jolie fille ?! demanda Jédediah éberlué par la naïveté de sa femme. Je vais juste m'assurer qu'il n'arrive rien à ma petite fée.
— Je crois qu'elle s'en sortira très bien toute seule, chéri.
Jédediah n'en était pas si sûr. Il n'était pas certain non plus de vouloir qu'Aéla s'en sorte sans son aide, que ce soit avec les garçons ou autre chose. Il voulait qu'elle ait besoin de lui encore longtemps, jusqu'à ce qu'il devienne impotent et sénile. Son coeur de père saignait de la voir grandir si vite, lui qui avait si peu profité de sa présence après leur retrouvaille inespérée.
Aéla s'avança vers Tom, les jambes flageolantes, le souffle court. Aucun d'eux ne lâcha le regard de l'autre, aucun d'eux ne fit attention à ce qui l'entourait. Il n'y avait qu'eux sur le quai, à cet instant, dans ce monde. Dans leur monde.
— Salut ! signa Aéla avec des mains tremblantes.
— Salut... Jolie robe.
Cela pouvait paraître idiot pour un si petit compliment mais Aéla fut transportée de joie. Elle tourna sur elle-même, certaine que les yeux de Tom ne la lâcheraient pas une seconde. Lorsqu'elle lui fit à nouveau face, l'ombre d'un sourire illuminait le visage du jeune homme. Un sourire naissant qui dura à peine une seconde et fut rien que pour elle.
— Tu as passé de bonnes vacances ?
— Absolument grandioses ! Et toi ?
— Tu me poses vraiment la question ? demanda le jeune homme qui se rembrunit un instant. Les moldus s'occupent bien de toi ?
— Ne les appelle pas comme ça ! Ils sont très gentils et... Et ils m'aiment.
Aéla avait encore du mal à le signer si ouvertement.
Tom l'observa un instant avant de porter son regard sur le couple de moldus, quelques mètres plus loin. La femme parlait à son mari avec enthousiasme en les fixant mais celui-ci ne l'écoutait pas, trop occupé à fusiller Tom du regard, le corps tendu comme prêt à se jeter sur lui au moindre mouvement qu'il jugerait inapproprié.
— Je crois que l'homme ne m'aime pas beaucoup.
— Il n'aime aucun garçon. Pas même Björn, signa malicieusement Aéla, certaine que cette information ravirait Tom.
Et ce fut le cas.
— Tu es prête à monter dans le train ?
— Oui mais il faut que je leur dise au revoir. Attends-moi, je reviens !
Tom n'était pas du genre à attendre qui que ce soit. Pourtant il resta planté là, devant la porte du wagon, regardant la jeune fille s'éloigner en sautillant vers sa famille d'accueil. Non ! Vers sa famille de coeur. Elle était encore plus belle que dans ses souvenirs. Si belle que des sentiments et des sensations jusqu'alors inexpérimentées s'insinuèrent en lui, le chamboulant complètement. Il n'était pas encore prêt pour cela ! Peut-être le sera-t-il jamais.
Mais il ne put s'empêcher de regarder à nouveau Aéla tandis que la jeune fille revenait vers lui et, comme un preux chevalier, il lui ouvrit la porte du wagon et l'aida à monter.
Il n'avait désormais plus aucun doute, il était fichu ! Il n'était peut-être prêt à rien mais Aéla l'avait ensorcelé. Un sortilège dont Tom redoutait de ne jamais pouvoir se libérer, et d'ailleurs le voulait-il vraiment ? Au fond de son coeur qu'il n'écoutait jamais, la réponse hurla, irréfutable et inaliénable. Tom l'écouta un instant avant de le faire taire à nouveau.
Personne ne devrait jamais savoir ce que son coeur contient ! Pas même Aéla. Les enjeux étaient trop grands, son destin en marche. Il ne pouvait rien laisser l'arrêter sur le chemin de la grandeur. Ni son coeur. Ni Aéla Wayne.
Pour Tom Jedusor, les vacances d'Halloween avaient été bien moins réjouissantes. Coincé à Little Hangleton avec son grand-père et son oncle, le jeune homme n'avait eu d'autre échappatoire à son ennui que ses livres de cours et ceux qu'il avait empruntés à la bibliothèque avant son départ. Pendant deux semaines, il eut tout le loisir de parcourir les arcanes de l'histoire de la Magie, des sortilèges et des potions. Puis il s'était octroyé une petite fantaisie en lisant « Mystères et Secrets d'une tête de sorcière » de Ivorka Spellman.
Tom avait cru défaillir en se rendant compte que ce vieux bouquin décrépit traitait de la légilimancie sans jamais s'y attarder. Toutefois, Ivorka Spellman lui fournit un conseil précieux : la légilimancie était un art difficile qui ne s'acquiert qu'avec de la pratique.
Ce fut donc avec ce conseil que Tom s'exerça pendant toutes les vacances à lire les pensées de son grand-père et de son oncle qui, lorsqu'ils s'en rendaient compte, n'osèrent rien lui dire. Il fut vite évident pour les hommes Gaunt, autant que pour Tom, qu'il avait un réel don pour la légilimancie. Alors pourquoi n'arrivait-il pas à lire les pensées d'Aéla ? Pourquoi ne parvenait-il pas à franchir les portes de son esprit ?
Tom n'avait pas oublié ce fameux cours de Divination durant lequel la jeune femme avait lu dans les lignes de sa main. Il était persuadé qu'elle y avait vu quelque chose de terrible et grandiose à la fois, quelque chose qui l'obligeait à garder le silence, quand bien même Tom usait de tout son charme et de menaces pour la faire parler. Il était prêt à tout pour connaître enfin la vérité. Tout.
Cela faisait désormais deux semaines que Tom cherchait un moyen de faire parler Aéla. A plusieurs reprises, il avait profité de leur nouvelle complicité pour lui faire avouer ce qu'elle avait vu en cours de Divination, un an plutôt. Cependant, la jeune femme gardait le silence, refusant obstinément de lui répondre.
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Tale of Jedusor : les jeux du sort
Fanfiction« - Vous êtes faible ! Vous ne connaîtrez jamais l'amour. Je vous plains sincèrement ! Voldemort abaissa quelques instants sa baguette, un sourire grimaçant sur les lèvres. Qu'est-ce que ce sang-mêlé de Potter venait de lui dire ? Il eut terriblemen...