IV.III « Une merveilleuse nouvelle »

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Lorsqu'Aéla se réveilla ce matin-là, elle fut surprise de ne pas trouver son hibou, Becfer, lové contre elle.

L'oiseau, assurément trop affectueux pour son espèce, avait rapidement pris l'habitude de la rejoindre dès les premières lueurs de l'aube. Il se glissait jusqu'à son oreiller et coinçait sa tête plumeuse contre son cou, juste sous son menton. C'était un moment de douceur et de tendresse qu'Aéla affectionnait particulièrement.

Mais Becfer avait eu quelque chose de plus important à faire ce matin-là. Aéla ne put s'empêcher de ressentir une pointe d'agacement mêlée de tristesse.

Ne t'inquiètes pas ! lui dit Sibbie, alors qu'elles se préparaient pour aller petit-déjeuner. Ton gros pigeon ne doit pas être bien loin.
Tu sais qu'il déteste quand tu l'appelles comme ça.
Oui, rigola Sibbie. Mais je sais aussi qu'il m'adore.

Ce qui était vrai. Becfer adorait Sibbie, Darrick et Tom, bien qu'il n'osait jamais véritablement s'approcher du jeune homme. Le seul de ses amis à ne pas avoir réussi à charmer son hibou était Björn, quand bien même il déployait des efforts considérables pour amadouer l'oiseau. Aéla soupçonnait fortement Tom d'avoir ensorcelé le hibou avant de lui offrir, afin que Becfer ne puisse jamais avoir le moindre sentiment sympathique envers Björn.

Lorsqu'elles arrivèrent dans la Grande Salle, les jeunes filles retrouvèrent leurs amis déjà attablés et s'empiffrant de tous les mets disponibles sur la table des Serpentard. Björn et Darrick, en particulier, mangeaient comme s'ils avaient peur de mourir de faim au cours des prochaines heures.

Sibbie et Aéla s'installèrent côte à côte, face à eux.

Tu fais des réserves pour l'hiver ? demanda Sibbie à son petit ami. Tu t'apprêtes à hiberner, peut-être ?

Darrick avala difficilement sa dernière bouchée de pancake, manquant de peu de s'étouffer, et posa un regard grave sur Sibbie.

Ces idiots de Durmstrang nous ont défier dans une partie « amicale » de Quidditch, cet après-midi.
Et ? C'est une raison pour manger comme un Troll ?
Non mais tu as vu la taille de ces gars ?! s'exclama Björn, louchant vers les quelques élèves de Durmstrang attablés à Serpentard. Ils font le double de notre taille, que ce soit en longueur ou en largeur !
Darrick, rappelle-toi d'une chose : je sors avec un élève de Serpentard, pas avec un ours brun.

Darrick observa son assiette à moitié remplie de bacon et d'oeufs avec regret, puis laissa tomber sa fourchette sur la table, capitulant face à Sibbie.

De son côté, Björn se moqua de son ami et continua à manger son bacon comme si sa vie et son honneur en dépendaient.

Soudain, des battements d'ailes envahirent la Grande Salle, faisant trembler la vaisselle sur les tables et lever les yeux des jeunes sorciers vers le plafond infini. Une nuée de hiboux et de chouettes s'engouffrèrent par les hautes fenêtres, leurs serres chargées de journaux, lettres et paquets de toutes tailles, de toutes formes et de mille couleurs différentes.

Dans le ballet aérien fascinant des oiseaux, Aéla repéra le vol majestueux de Becfer. Son hibou évitait ses congénères avec grâce, sans jamais lâcher la lettre qu'il serrait dans sa patte. Arrivé au-dessus de la table des Serpentard, pile au-dessus de la tête d'Aéla, il plongea un piquet et atterrit avec souplesse à côté de l'assiette de la jeune fille, faisant sursauter Björn qui ne s'attendait pas à voir un hibou à trente centimètres de son visage.

Si tu passais moins de temps à te goinfrer, tu l'aurais vu arriver, marmonna Sibbie, désabusée par la quantité outrageuse de nourriture que pouvait avaler son cousin.

Björn haussa les épaules, nullement impressionné par la jeune sorcière et, après avoir lancé un regard noir au hibou qui lui valut un coup de bec en retour, retourna à son assiette, de nouveau remplie de pancakes.

Tu attendais du courrier ? demanda Tom, sachant que les Feynes ne lui écrivaient que le week-end.
Non. Du moins, pas à ce que je sache.

Aéla décrocha la lettre de la patte de Becfer et accorda à l'oiseau des caresses qui le fit hululer, s'attirant les regards attendris des Serpentardes attablées près de lui. Puis Becfer reprit son envol et Aéla sut qu'il regagnait la volière de l'école, où il patienterait jusqu'au soir quand Aéla ouvrirait la fenêtre de leur chambre pour qu'il puisse rejoindre sa cage.

Dans ses mains, l'enveloppe était légère, presque comme si elle était vide. Aéla la retourna et pâlit brusquement en voyant le cachet de cire aux armoiries du Ministère de la Magie.

Qu'avait-elle fait ? Elle n'en avait aucune idée. Était-elle à nouveau convoquée au Département de la Justice ? Mais pourquoi ?

Tant de questions envahirent sa tête qu'elle vacilla sur sa chaise, évitant de peu de tomber à la renverse grâce à Tom qui lui agrippa fermement le bras pour la redresser.

Aéla ! s'exclama Sibbie. Qu'est-ce qu'il y a ?
J'ai reçu une lettre du Ministère, signa t-elle avec des gestes faibles.
Du Ministère ?!

La stupeur s'afficha dans le regard de ses amis.

Veux-tu que je l'ouvre pour toi ? proposa Tom.

Aéla savait qu'elle devait le faire elle-même. Après tout, ce n'était qu'une lettre, un simple bout de papier. Que pouvait-il lui arriver de pire dans l'immédiat ? Seulement, elle tremblait tellement qu'elle arrivait à peine à la tenir dans sa main, alors l'ouvrir !

La jeune sorcière hocha la tête et tendit la lettre à Tom en tremblant.

Celui-ci ne s'embarrassa pas de manière ou de précaution, et ouvrit la lettre d'un geste sec, faisant sauter le cachet de cire qui atterrit dans l'assiette de Björn.

Tom parcourut le morceau de papier du regard, ses sourcils se fronçant au fil de sa lecture, faisant craindre à Aéla que quelque chose d'horrible était sur le point de lui arriver. Pourtant, elle était à peu près certaine de n'avoir fait aucune bêtise ! Du moins, aucune qui nécessite l'implication du Ministère de la Magie.

C'est si grave que ça ? demanda Aéla, les yeux rivés sur Tom.

Le jeune sorcier desserra ses doigts autour du papier et tendit la lettre à Aéla, ne lui accordant pas l'ombre d'un regard.

Cela devait être pire qu'elle le pensait !

Aéla rassembla tout son courage et posa ses yeux sur le papier, passant rapidement sur l'en-tête du Ministère de la Magie qui lui donnait toujours des frissons dans le dos.


« Chère Miss Aéla Katelyn Wayne,

Il a été porté à l'attention de notre Ministère que le couple de moldus vous accueillant pendant la période de vacances scolaire, souhaite faire les démarches nécessaires à votre adoption définitive.

Nous comprenons, chère Miss, que cette nouvelle vous demande un temps de réflexion.

Vous avez donc quinze jours, à compter de la réception de cette lettre, pour informer le Ministère quant à votre décision d'accepter ou non l'adoption par Mr. et Mrs. Feynes.

Nous vous présentons nos meilleures sentiments,

Grayla Wardwell,
Attachée de communication du service de régulation d'identité des êtres et créatures magiques.
»


Aéla était si surprise, qu'elle en oubliait presque de respirer. Le monde semblait avoir cessé de tourner sur son axe, les bruits de la Grande Salle ne parvenaient même plus à ses oreilles. Elle était devenue insensible à tout ce qui se passait autour d'elle.

A tous ! Sauf à cette lettre.

Elle ne pouvait dire qu'elle était surprise que les Feynes aient demandé à l'adopter. C'était une discussion qu'ils avaient longuement eu durant les vacances d'été, Poppie et Jédédiah la considérant depuis le premier jour comme leur véritable fille, ils mourraient d'envie que cela devienne officiel. Cependant, ils s'étaient inquiétés du ressenti d'Aéla, de ses inquiétudes et réticences à voir d'autres personnes occuper les places de son père et de sa mère.

A vrai dire, les plus inquiets d'eux trois, étaient sûrement Poppie et Jédédiah ! Car Aéla, bien qu'elle aimait toujours profondément sa mère biologique, avait de plus en plus de mal à se souvenir d'elle. Elle ne parvenait plus qu'à se rappeler du timbre de sa voix et de son parfum de fleurs sauvages. Sa mère, Wyla Jones, lui manquait. Terriblement, même, mais Aéla avait besoin d'une maman faite de chair et de sang à ses côtés. D'une maman qui la soulageait de ses blessures, essuyait ses larmes, veillait sur elle et lui apprenait comment faire de délicieux cookies.

Elle avait besoin de Poppie Feynes dans sa vie et, plus encore, elle voulait que Poppie soit sa mère. Quant à Jédédiah, il était son père depuis bien longtemps ! Bien avant leur retrouvailles, si elle en croyait son coeur qui battait follement quand elle voyait le visage chaleureux du policier.

Marvin Wayne lui avait donné la vie mais c'était Jédédiah Feynes qui était son vrai père et cela, Aéla ne permettrait jamais à qui que ce soit de le remettre en cause.

Pas même à Tom, qui l'observait d'un regard plein de reproches, du coin de l'oeil.

Quoi ? lui demanda-t-elle.
Tu comptes vraiment accepter cette proposition ?
Bien sûr que oui ! Pourquoi devrais-je refuser ?
Parce que ça fera de toi une Sang-de-Bourbe ! explosa Tom.

Il se rendit compte trop tard de la violence de ses mots, alors que ses camarades le regardaient avec des expressions choquées sur leur visage, en particulier ses «amis».

Aéla eut un hoquet de surprise tandis que ses yeux se remplissaient de larmes.

Tom l'avait blessé, une fois de plus.

La jeune sorcière se raidit sur le banc et se rapprocha de Sibbie, essayant de trouver une chaleur réconfortante auprès de son amie. Cette dernière prit sa main qui était posée sur sa cuisse et la serra.

Et bien qu'il en soit ainsi ! signa Aéla, des larmes de fureur s'échappant de ses yeux. Je préfère être une Sang-de-Bourbe que de rester une minute de plus amie avec un idiot comme toi.

Aéla bondit sur ses pieds, immédiatement suivie de Sibbie et Björn qui se placèrent de chaque côté d'elle, et se dirigea vers la sortie, tandis que Tom restait muet, frappé de stupeur.

Aéla ! hurla t-il à travers la salle, s'attirant la curiosité de tous les autres élèves. On a pas fini de discuter !

Oh que si, ils avaient terminé !





Aéla continua de fulminer tout le reste de la journée.

Elle n'avait prêté aucune attention aux cours auxquels elle s'était rendue, uniquement grâce à Sibbie et Björn qui la traînaient de salle en salle comme un prisonnier le faisait avec son boulet. Elle n'avait pas signé un mot de la journée, ne répondant aux questions que par hochements de tête ou froncements de sourcils. Elle n'avait pas mangé non plus au déjeuner et au dîner, s'attirant les foudres de ses amis qui estimaient que se priver de nourriture était accorder trop d'importance à Tom Jedusor.

Ils avaient raison, bien sûr. Aéla aurait dû n'avoir rien à faire de son avis sur son adoption par les Feynes mais c'était loin d'être le cas. Bien au contraire ! Elle voulait que Tom se réjouisse pour elle d'avoir enfin trouver une famille, que des gens l'acceptent et l'aiment telle qu'elle était. Au lieu de ça, Tom ne voyait que l'association d'une sorcière avec des moldus, être qu'il méprisait au plus haut point, bien plus qu'il méprisait Björn Dunharrow.

C'était sans espoir.

Les Feynes étaient sans aucun doute les moldus les plus gentils du monde, au yeux d'Aéla, mais cela ne suffirait jamais à les rendre appréciables à ceux de Tom.

Lorsqu'elle entre dans la salle commune, tard le soir, elle trouva Tom assis sur un des fauteuils près des baies vitrées. Leurs fauteuils, leur endroit.

Elle voulut s'approcher pour essayer de lui faire entendre raison, sa colère ayant fini par s'évaporer au cours de la journée à force de ruminer sa frustration sans discontinuer ; mais elle s'arrêta au bout de trois pas.

A quoi bon ? Pourquoi était-ce toujours à elle de faire le premier pas ? Pourquoi devait-elle plaider la cause des Feynes alors qu'ils n'avaient absolument rien à se reprocher ?

Non, ce serait avouer que quelque chose n'était pas normal dans cette adoption.

Aéla l'observa en train de lire l'énorme bouquin sur Salazar Serpentard et leva les yeux au ciel.

Pourquoi se tracassait-elle pour un garçon qui n'était absolument pas perturbé à l'idée de l'avoir blessé ?

Il fallait qu'elle apprenne la leçon ! Il fallait qu'elle arrête de se tracasser autant pour Tom Jedusor ! Ça commençait à lui pourrir la vie.

Aéla s'obligea à détourner le regard autant que ses talons et rejoignit sa chambre, où Sibbie et leurs autres camarades dormaient ou s'adonnaient à diverses activités avant d'aller se coucher.

Sur sa commode, endormi sur un perchoir, se trouvait Becfer. Sibbie avait dû ouvrir la fenêtre pour le laisser entrer. Aussitôt qu'Aéla s'approcha, l'oiseau ouvrit un oeil ensommeillé et tendis le cou pour avoir quelques caresses, que la jeune sorcière ne lui refusait jamais. Et ce soir, elle avait plus que jamais besoin de câliner son hibou !

Après plusieurs minutes passés à fourrager le plumage de l'oiseau en écoutant son doux hululement, qui se rapprochait étrangement des ronronnements d'un chat, Aéla s'assit sur son lit et prit une feuille, sa bouteille d'encre et une plume.

Il était grand temps qu'elle envoie quelques lettres. Deux, à vrai dire.

La première, elle la destinait à Poppie et Jédédiah. Elle ne voulait pas attendre le week-end pour les informer de sa joie à l'idée de devenir officiellement leur fille. Elle voulait également leur faire une demande un peu spéciale, une demande qui fit trembler sa main lorsqu'elle la rédigea : elle souhaitait porter le nom des Feynes, en plus du sien. Elle se doutait que cela ne poserait aucun problèmes à ses nouveaux parents, mais elle voulait en être absolument certaine.

La deuxième était destinée au Ministère de la Magie, à Grayla Wardwell, précisément. Une simple lettre dans laquelle elle confirma vouloir être adoptée par les Feynes et fit la demande que cela se fasse le plus rapidement possible.

Avec un peu de chance, elle passerait le prochain Noël en tant qu'Aéla Katelyn Wayne-Feynes.

Elle en frissonnait déjà de plaisir, de joie et de fierté.

Ne restait plus qu'une ombre au tableau : cet imbécile de Tom Elvis Jedusor.

Tale of Jedusor : les jeux du sortOù les histoires vivent. Découvrez maintenant