I.VIII « Sagittarius »

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Aéla n'avait même pas réfléchie avant de s'élancer vers la forêt interdite. Ce fut comme si son cerveau avait cessé de fonctionner pour laisser l'instinct prendre le dessus. Un instinct qui lui disait, qui l'exhortait même, à fuir aussi vite et aussi loin que possible sans jamais se retourner. C'était comme si celui-ci la forçait à avancer toujours plus vite en faisant surgir dans son esprit de terribles souvenirs du passé. Des souvenirs dans lesquels Aéla cherchait, comme à cet instant, à fuir un monstre pour sauver sa vie. Sauf que dans ses souvenirs, le monstre en question n'avait pas de langue fourchue ou était recouvert d'écailles. Il était des plus ordinaires et c'était cela qui l'effrayait le plus dans ses cauchemars.
Elle continua à courir, encore et toujours, malgré la fatigue qui commençait à engourdir ses jambes et les larmes qui brouillaient sa vue. Aéla voulait être loin ! Très loin de ce monstre aux multiples têtes, loin de cet affreux dortoir où elle faisait toujours des cauchemars, loin de ses camarades qui se moquaient d'elle et surtout, loin de Tom qui l'avait abandonné au profit d'une popularité toujours plus importante. La jeune fille commençait à entrer dans une paranoïa intense où elle avait l'impression d'entendre des pas lourds la poursuivre. Par instant, il lui semblait même entendre quelque chose piaffer et grogner mais ce qui lui fit perdre l'équilibre, ce fut que cette chose se rapprochait d'elle. Aéla trébucha sur une racine d'arbre et après avoir glisser sur plusieurs mètres, un silence de plomb s'installa. Bien qu'elle fut sonnée par la chute, elle se releva en faisant fit des quelques entailles à ses genoux et ses mains. Ses hallucinations créées de toutes pièces par son esprit tourmenté semblaient avoir disparues, seules les ténèbres de la forêt lui tenaient compagnie et pourtant, à quelques centimètres dans le dos d'Aéla, se dressait un être des plus imprévisibles.

Tu fais un seul geste et je te transperce d'une flèche entre les deux yeux !

La voix était anormalement calme mais pleine de menaces. Aéla fit un tour sur elle-même et manqua de défaillir en voyant un gigantesque centaure la tenir en joue avec son arc d'argent. Aussi bête que cela puisse paraître, Aéla leva les deux mains dans un signe pacifique comme elle avait vu un homme le faire au commissariat. Le centaure, nullement attendrit par ce signe de reddition, releva un peu plus son arc pour que sa flèche pointe entre les deux yeux de la jeune fille.

Qui es-tu ? Qu'est-ce que tu viens faire sur mes terres ?

Aéla faillit s'étrangler tant sa gorge se resserra. Que pouvait-elle faire ? Aucun son ne pouvait sortir de sa bouche et elle doutait qu'un centaure puisse connaître la langue des signes, alors elle se mit à faire la même chose qu'elle faisait depuis qu'elle avait rencontrée Tom. Aéla pensa très fortement à son prénom et à Poudlard dans l'espoir que le centaure soit assez sensible pour percevoir ces visions de son esprit.

Tu n'as pas besoin d'utiliser ton esprit ! Je lis dans les yeux, informa le centaure avec toujours autant de menaces dans la voix. Qu'est-ce que tu fais là ? Les élèves de l'école n'ont pas le droit de s'aventurer dans la forêt !

Aéla pensa tout simplement qu'elle s'était perdue en tentant de... Non, elle arrêta sa pensée au simple fait qu'elle était perdue. Nul besoin d'entrer dans les détails lorsqu'on a une flèche prête à vous transpercer le crâne !

Je vois !

Le centaure abaissa doucement son arc puis, après avoir toisé une dernière fois la jeune fille, il rangea sa flèche dans son carquois.

Pardonnes-moi de cet accueil mais je me méfie des étrangers ! Ils viennent dans la forêt, nous chassent, nous enferment et nous vendent comme de simples bêtes !

Aéla ne put s'empêcher de sursauter face à la colère qui faisait vibrer la voix du centaure. La jeune fille remarqua alors que celui-ci avait d'horribles cicatrices sur l'abdomen, comme si quelque chose l'avait lacérée du bassin jusqu'à la gorge. Le centaure suivit le regard de la jeune fille et ne put retenir un rire de circonstance.

Voilà ce qui arrive lorsqu'un centaure tente d'échapper aux lois des sorciers ! On les éviscères ! Heureusement, je suis plus robuste qu'il n'y paraît.

La jeune fille compatit. Elle aussi avait vu et vécue de terribles choses qu'elle s'efforça de ne pas laisser transparaître dans ses yeux.

Trop tard, jeune fille ! lâcha le centaure en s'approchant d'Aéla. Je sais tout ! Nous autres, centaures, avons le pouvoir de lire dans les âmes et la tienne est des plus troublantes ! Tout comme nous avons le pouvoir de lire l'avenir, d'ailleurs ! Saches que tu n'as rien à craindre de moi. Je me nomme Sagittarius.

Sagittarius ? Comme le célèbre centaure qui a formé les héros de l'Olympe avant de céder la place à Chiron ? Comme le célèbre centaure qui a tant marqué les esprits des moldus qu'ils ont donnés son nom à une constellation ? Aéla n'arrivait pas à y croire et pourtant, le sourire en coin de Sagittarius ne laissait pas de place au doute. Il s'agissait bien de lui !

Je vois que tu es une petite fille intelligente ! susurra Sagittarius. Je perçois une étrange magie en toi, peu commune, puissante et dangereuse. Tu n'es pas une sorcière comme les autres !

C'était le moins que l'on pu dire ! Aéla baissa les yeux, un peu dubitative. Faisait-il allusion à son mutisme ou bien à autre chose ? Une chose qu'Aéla tentait désespérément de cacher au plus profond de son âme ? Cependant, le centaure n'ajouta rien et se contenta de sourire.

Il serait préférable que je t'aide à retrouver ton chemin jusqu'à l'école !

Aéla acquiesça, pas certaine que l'on soit vraiment à sa recherche tant elle était insignifiante aux yeux de ses camarades mais sachant que, tôt au tard, quelqu'un finirait par s'apercevoir de son absence et elle préférait rentrer avant que cela n'arrive. La jeune fille n'avait aucune envie d'écoper d'une première punition, surtout si celle-ci avait pour but de récurer les toilettes de l'école comme elle avait vu un Poufsouffle le faire. Le pauvre avait mis une semaine pour arriver à bout de sa sanction ! A côté d'elle, le centaure échappa un rire sincère.

Nous ferions mieux de nous dépêcher, alors ! Il est vrai qu'astiquer des toilettes n'est pas la tâche la plus amusante !

Sagittarius posa ses deux pattes de devant au sol pour inviter silencieusement la jeune fille à grimper sur son dos. Aéla, qui avait eue la chance de prendre quelques leçons d'équitation avec sa mère, y grimpa avec une grande habilité. Le centaure se redressa et s'aventura dans les profondeurs de la forêt sans réellement regarder où il allait. Il avait tant arpenté le moindre sentier de ces bois qu'il les connaissait par coeur, son instinct les avait imprimé au plus profond de son esprit.
Sagittarius prit des chemins que la jeune fille ne se souvînt même pas avoir parcourue. L'emmenait-il vraiment à Poudlard ? Ou cherchait-il à la perdre davantage ? Une fois de plus, le centaure ne put s'empêcher de rire. Les pensées de la jeune fille étaient si claires qu'il les percevait sans le vouloir.

Tu n'as pas à t'inquiéter ! Beaucoup pensent que les centaures sont des êtres dangereux et fourbes. C'est peut être vrai pour mes semblables mais en ce qui me concerne, j'aime trop les humains pour leur jouer de mauvais tours ! Encore plus lorsqu'il s'agit de jeunes filles aussi charmantes que toi !

Cette fois, ce fut Aéla qui ne put s'empêcher de rire. Sa voix fut un fin filet de tintements cristallins, à peine audible mais ça la rassura. Sa voix n'avait pas disparue ! C'était juste qu'elle ne voulait plus franchir ses lèvres autrement que dans de faibles rires.

Nous serons bientôt à Poudlard. Je te laisserais à la bordure de la forêt, près du grand lac car il ne serait pas bon pour toi, ni pour moi, que l'on nous voit ens-...

Il s'arrêta brusquement de parler tout autant que de marcher. Sagittarius redressa son buste si droit qu'il empêchait Aéla de voir devant elle. Il semblait aux aguets, comme s'il percevait quelque chose d'anormal. La jeune fille regarda aux alentours mais elle ne pouvait rien voir, le centaure était trop imposant.

J'entends des pas ! l'informa Sagittarius, alerte. Cramponnes-toi bien à ma crinière ! Je sens que ce sont des auras hostiles.

La jeune fille obtempéra sans même réfléchir. Ses doigts s'entortillèrent dans la crinière épaisse du centaure et, inconsciemment, ses jambes se resserrèrent sur ses flancs au cas où Sagittarius partirait au galop pour fuir le danger ou pour l'affronter.
Soudain, Aéla perçut des éclats de voix. Au début lointains, ils se rapprochaient de plus dans plus dans leur direction. Elle tendit l'oreille. Il lui semblait en reconnaître une, tout du moins, c'était ce dont son âme fut persuadée.

AELA ! hurla une voix qu'elle reconnut entre mille.

C'était Tom ! Il était venu la chercher ! Aéla échappa un long souffle de soulagement avant de desserrer l'emprise de ses doigts autour du crin du centaure. Celui-ci ne semblait plus être prêt à charger les nouveaux arrivants mais restait aux aguets. Ce fut alors que trois têtes surgirent des ténèbres les unes après les autres. D'abord Tom puis le directeur de l'école et le professeur Dentdacier, tous armés de leur baguette qu'ils pointèrent sur Sagittarius qui ne put s'empêcher d'esquisser un mouvement de recul. Sachant que la situation pouvait dégénérer à tout moment, Aéla décida de descendre du centaure pour se montrer. Dippet parût soulagé de la voir en vie tandis que Dentdacier échappa un rire nerveux. Tom, quant à lui, avait une expression des plus indéchiffrables.

Venez près de nous, mon enfant ! souffla Dippet en tenant en joue le centaure de sa baguette. Venez très lentement !
Si j'avais voulus lui arracher la tête, ce serait déjà chose faite ! siffla Sagittarius.

Aéla risqua un regard vers le centaure qui avait épargné sa vie et, en quelques sortes, la lui avait sauvé. Sagittarius était nerveux mais dans ses yeux brillait un éclat de tristesse. La jeune fille sut que c'était à cause des baguettes levées contre lui.

Allons, Miss Wayne ! Dépêchez-vous !

Mais la jeune fille ne pouvait pas partir comme cela ! Elle planta son regard dans celui du centaure, essayant de lui transmettre toute sa gratitude.

Je sais ! répondit Sagittarius dans un souffle. Maintenant, retournes auprès des tiens !

Aéla hocha la tête et après l'avoir enlacé, à la grande surprise de tous, elle rejoignit Dippet et les autres qui l'empoignèrent. Aéla ne sut l'expliquer mais elle sentit ses pieds décoller du sol comme si elle était aspirée, puis après avoir tournoyée sur elle-même pendant une demi-seconde, ses pieds retrouvèrent la terre ferme, dans le hall de l'école. La jeune fille blanchit d'un coup, son petit-déjeuner aux bords des lèvres. A ses côtés, Tom n'était pas en meilleur état mais il tentait de tout faire pour ne rien laisser paraître de son malaise.

J'admet que notre transplanage a été des plus brutales, confia Dippet, mais la situation était des plus dangereuses ! Il aurait pu vous arriver de terribles choses, Miss Wayne !

Dippet n'était pas du genre à hausser la voix, aussi il essaya de dire ce qu'il devait dire avec le plus grand calme.

Vous avez eu beaucoup de chance que ce centaure n'ait pas attenté à votre vie et encore plus que votre camarade, Monsieur Jedusor, ait eu assez d'esprit pour savoir où vous vous trouviez !

Aéla risqua un regard sur Tom qui avait le visage toujours aussi fermé mais les éclairs qu'elle perçut dans ses yeux ne laissaient présager qu'une chose : intérieurement, il fulminait de rage. La jeune fille baissa la tête avec une expression désolée. Elle était désolé d'avoir bêtement fuit vers la forêt mais pas d'avoir sympathisé avec un centaure qui était plus gentil que certaines personnes qu'elle avait croisée durant sa courte vie.

Bien ! souffla Dippet comme s'il était fatigué. Sachant ce qui vous a poussé à fuir vers la forêt, vous n'aurez aucune sanction ! Cependant, je me dois de vous rappeler que je ne tolérais plus une autre de vos aventures dans la forêt ! Avez-vous compris, Miss Wayne ?

Aéla hocha la tête, un brin penaude et ne sachant plus où poser son regard. Dippet lui-même fit comme la jeune fille et hocha la tête comme point définitif à la discussion avant de partir vers son bureau en compagnie de Dentdacier qui courbait le dos. Il ne faisait aucun doute qu'il recevrait un rappel à l'ordre du directeur.
Tom descendit les escaliers qui menaient aux cachots sans dire un mot, aussitôt suivit d'Aéla. Il était trop tard pour aller prendre le déjeuner et trop tôt pour aller au cours de Potion. Arrivé devant le portrait du Cavalier-sans-tête qui bouchait l'entrée de leur salle commune, Tom s'arrêta brusquement. Aéla évita de justesse son camarade qui la toisait avec un regard tétanisant de colère. Par Merlin, pourquoi était-il dans un tel état ?

Pourquoi je suis dans un tel état ? répéta le garçon avec dédain. Non mais EST-CE QUE TU TE RENDS COMPTE ? Tu étais INTROUVABLE et tu aurais pu te faire TUER !

Aéla le regardait sans savoir ce qu'elle devait faire. Était-il réellement en train de lui passer un savon ? S'était-il inquiété pour elle ou pour l'horrible réputation qui serait retombée sur Serpentard s'il lui était arrivé quelque chose ? La jeune fille baissa les yeux en dansant d'un pied sur l'autre. Tom pouvait être si effrayant et sévère, parfois !

Regarde-moi quand je te parle ! siffla t-il, sans appel.

La jeune fille obtempéra en espérant qu'il s'adoucisse face à ses yeux larmoyants mais c'était peine perdue. Tom était trop enragé. Une fois encore, il avait basculé vers le côté obscur de la personnalité dont personne ne pouvait le tirer sans en subir de terribles conséquences.

Tu n'es qu'une idiote ! L'hydre ne t'aurait fait aucun mal !

Aéla retînt un sanglot. De son point de vue, l'hydre l'attaquait très clairement !

Et puis ça ne sert à rien de parler avec toi ! Ce n'est pas comme si tu pouvais me répondre ! cracha t-il avant de se retourner vers le portrait. « Gloire et honneur ».

Le portrait s'ouvrit et Tom s'y engouffra à grands pas alors qu'Aéla resta sur le seuil, incapable de faire le moindre geste. Elle avait l'impression que ses larmes lacéraient ses joues. Elle rentra sa tête dans ses épaules et courut jusqu'aux toilettes des cachots où aucune fille n'osait s'aventurer, ayant trop peur d'affronter le fantôme de Sigfrida Velarion, surnommée la Veuve-en-pleure, qui était une des fantômes de Serpentard.
Alors qu'Aéla s'enfermait dans une cabine pour laisser libre-court à sa peine, la Veuve-en-pleure traversa le plafond et vînt flotter devant la jeune fille, une expression de profonde tristesse sur son visage translucide.

Les hommes sont des monstres ! souffla t-elle. Mais les monstres sont aussi des hommes !

Était-ce une énigme ? Aéla observa le fantôme sans savoir où celle-ci voulait en venir avant que ses sanglots ne reprennent le dessus. La Veuve-en-pleure s'approcha et posa son bras sur les épaules de la jeune fille en prenant soin de ne pas traverser son corps.

Pleures de tout ton soûl, jeune fille. Ça ira mieux une fois que toute ta peine aura disparue !

Elle devait sûrement savoir de quoi elle parlait étant donné que Sigfrida Velarion était connue pour pleurer du soir au matin pour une raison inconnue. Aéla suivit son conseil et laissa libre-court à sa peine, à sa frustration et à sa colère. Elle n'avait jamais autant pleuré depuis la mort de sa mère et cela lui rappelait des souvenirs très pénibles. Et cela, c'était entièrement de la faute de Tom !

Tale of Jedusor : les jeux du sortOù les histoires vivent. Découvrez maintenant